Article tagué Thomas Piketty
Libération : « Non-cumul, indemnités : indéfendables députés », par Thomas Piketty
24/10/12
« Le changement à l’Assemblée nationale, c’est pour quand ? Visiblement pas pour tout de suite. Comme sur tant d’autres sujets, tous les efforts de renouvellement et de transparence semblent repoussés à plus tard. On savait déjà les députés-maires et sénateurs-maires socialistes peu pressés de respecter leur parole sur le non-cumul des mandats. Avant les élections, ils s’étaient engagés devant les électeurs de choisir au plus tard en septembre quel mandat ils souhaitaient conserver. Qu’importe : ils expliquent maintenant que le plus simple est de garder les deux, et que tout cela doit attendre le vote d’une loi. On voit déjà revenir les arguments éculés sur la nécessité d’un ancrage local pour assurer son travail au Parlement.
Pourtant, aucun autre pays européen ne pratique le cumul, et rien n’indique que les parlementaires y font moins bien leur travail qu’en France. Voici maintenant que le même conservatisme semble s’imposer sur la question du régime indemnitaire des parlementaires. De quoi s’agit-il ? Actuellement, les députés reçoivent chaque mois une indemnité parlementaire de 7 100 euros, soumise à l’impôt, et une Indemnité représentative de frais de mandat (IRFM) de 6 400 euros, totalement exonérée. Le problème est que cette IRFM ne fait en pratique l’objet d’aucun contrôle, et s’apparente à un complément de revenu : en gros, les députés doublent leur salaire, sans le dire, et sans payer les impôts correspondants. Contrairement à ce qui se passe à l’étranger, les députés français n’ont aucun justificatif à envoyer à l’Assemblée. Ils reçoivent directement leur IRFM sur un compte en banque personnel, la dépense comme ils l’entendent, et n’ont aucune instruction claire sur les limites à ne pas franchir. Jusqu’à quel point les costumes et les tailleurs, les loyers et les meubles, les restaurants et les réceptions, peuvent-ils être facturés sur l’IRFM ? Personne ne le sait : après tout, tout cela est nécessaire pour assurer dignement son mandat.
Simuler la révolution fiscale !
2/02/11
Depuis quelques semaines, l’UMP réfléchit à la réforme fiscale annoncée pour juin par le chef de l’Etat. Il s’agit d’un véritable casse-tête pour la majorité qui doit supprimer son injuste bouclier fiscal sans renier ses engagements de 2007, mettre de côté l’ISF, le tout en ménageant l’opinion et en garantissant des recettes fiscales constantes… Autant dire que l’architecture du projet n’a pas encore vu le jour !
Dans le même temps, trois économistes français (Camille Landais, Thomas Piketty et Emmanuel Saez) nous proposent une véritable « révolution fiscale ». Sous la forme d’un livre et d’un site internet totalement inédit, ils résument plus de dix ans de leur travail en matière de fiscalité et de répartition des revenus.
L’injustice fiscale
Leur analyse part d’un constat : plus les Français sont riches, moins ils payent d’impôts. C’est cette injustice fiscale que les auteurs dénoncent en premier lieu. En effet, si les plus modestes ont un taux d’imposition de l’ordre de 45 %, les 1 % les plus riches sont taxés à moins de 35 %. L’injustice est due à un impôt sur le revenu devenu une passoire et des riches qui le contournent de façon de plus en plus systématique grâce aux niches et divers systèmes fiscaux. L’étude prouve que les bas salaires sont des contribuables lourdement taxés et qu’à l’opposé, les patrimoines ne se sont jamais si bien portés depuis un siècle. De plus, quand 50 % des français possèdent peu ou rien, 10 % des plus riches détiennent 62 % des richesses. Enfin, on peut noter que le « système fiscal français n’a jamais été juste, [mais] la majorité élue en 2007 l’a aggravé en rajoutant des couches de privilèges pour les plus riches », selon Thomas Piketty.