Article tagué Mediapart
Médiapart : mon débat avec Catherine Trautmann sur le traité budgétaire européen
29/09/12
Médiapart m’a invité à débattre avec Catherine Trautmann, députée européenne PS, sur le traité budgétaire européen, alors que débute mardi 2 octobre à l’Assemblée nationale l’examen pour la ratification de ce texte. Cet échange sur le fond a été très intéressant. Vous pouvez en retrouver la transcription complète sur le site de Médiapart (accès abonné).
Je vous propose ici les principaux points de mes réponses et échanges avec les journalistes de Médiapart et Catherine Trautmann. Il me semble que ces éléments de fond sont de nature à éclairer mes choix, mes convictions mais aussi mes doutes et mes interrogations. Personne n’a le monopole de la cohérence…
Il faut que nous en évitions les outrances, de part et d’autre. Il n’y a pas les irresponsables contre les responsables, comme il n’y a pas les vraiment de gauche contre les droitiers, les libéraux ou les traîtres. Nous partageons les mêmes objectifs, la même ambition pour l’Europe. Le désaccord est stratégique, sur les moyens de parvenir à nos objectifs. Je suis d’accord sur les avancées importantes obtenues par François Hollande. Mais elles sont avant tout symboliques. C’est important, le symbole, en politique. Mais il y a d’un côté des discussions sur la croissance et en face un traité contraignant les budgets des États.
Il me semble qu’aujourd’hui, il y a un déséquilibre. Oui, on peut dire “C’est quand même mieux”. Sauf que le traité qu’on nous demande de ratifier est le même que celui que nous dénoncions pendant la campagne. Le rapport de force actuel en Europe est tel, les ultra-conservateurs étant ultra-majoritaires, que je m’étonne d’une telle confiance et d’un tel enthousiasme sur la suite des événements. Après Maastricht, on avait dit que ce serait l’Europe sociale. Après Amsterdam, on avait dit que ce serait l’Europe politique. À chaque fois, on avait des rapports de force bien plus favorables qu’aujourd’hui, et on n’a pas été en mesure de tenir ces promesses.
Pour être honnête, je comprends assez mal que l’on ne soit que 20 ou 30 députés dans le groupe PS à voter contre ce traité. J’ai du mal à l’expliquer. Contrairement à ce que certains peuvent penser, ce n’est pas facile ni rigolo de soutenir une telle position. Je vis assez mal les procès en irresponsabilité ou en manque de solidarité, car vu ce qu’on a dit durant la campagne présidentielle, cela ne me semble pas anormal d’avoir des réserves sur ce traité. Le fait que l’élection de François Hollande puisse changer la donne ne justifie pas à mon sens de changer de position par rapport à ce traité.
Il ne m’échappe pas du tout que le “non de soutien” – que je ne partage pas du reste – ne soit pas très compréhensible. Mais c’est une façon de dire qu’un « non » au traité n’est pas incompatible avec le soutien à la politique de François Hollande. On a assez défendu la réhabilitation du parlement pour ne pas être obligés de soutenir à tout prix la politique du Président. On veut que le projet socialiste défendu pendant la campagne puisse être réalisé. Or ses propositions ont été faites dans une perspective de croissance à 1,7 %. Aujourd’hui, on sait qu’on sera en dessous de 1 %. Donc maintenir l’objectif de déficit à 3 % dans ce cadre-là, cela signifie que nos objectifs en termes de pouvoir d’achat sont mis de côté, inévitablement.
Oui, je vais voter la loi organique qui introduit le traité dans la loi française. Je n’ai pas d’explication théorique satisfaisante pour le justifier. On (ndlr : la vingtaine de députés de l’aile gauche du PS) fait comme on peut pour gérer les contradictions dans lesquelles on est. On considère que ce traité est néfaste, en termes de signe politique et d’impact sur nos promesses. Mais on votera la loi organique, car ce serait s’extraire de la majorité, ce qu’on ne veut pas, car on soutient François Hollande. En même temps, il y a aussi des contradictions à voter un traité que l’on dit mauvais, non ?
Il me semble que la crédibilité de François Hollande ne repose pas en premier lieu sur le fait d’avoir ajouté un volet croissance sans caractère contraignant à un traité qui n’a pas du tout bougé, et que tous les libéraux ont accepté. Est-ce une performance… ou alors le signe que globalement ça ne coûtait pas grand-chose aux autres pays de l’accepter ? Sa crédibilité vient surtout largement d’avoir été élu par une majorité de citoyens français ! Je peux tout à fait admettre que sur une période limitée on se fixe des contraintes budgétaires, qui peuvent y compris nous amener à prendre des décisions injustes socialement. Mais le problème, c’est que là, il n’y a rien de temporaire.
Tribune commune : « Candidates, nous nous engageons »
8/06/12
Je signe une tribune, publiée aujourd’hui sur Mediapart, avec Martine Chantecaille, candidate PS dans la première circonscription de Vendée. Cette tribune commune est en signal fort. Nous nous engageons notamment à exercer notre mandat de façon exclusive, à défendre l’abrogation du décret de reconversion des parlementaires en avocats, et à pratiquer la transparence des moyens mis à notre disposition si nous sommes élus députées les 10 et 17 juin prochains.
Par un décret du 3 avril 2012, le gouvernement a étendu l’ouverture de la profession d’avocat sans concours ni formation aux « personnes justifiant de huit ans au moins d’exercice de responsabilité publiques les faisant directement participer à l’élaboration de la loi », c’est-à-dire les parlementaires et les ministres, mais également leurs assistants parlementaires. C’est un véritable passage en force auquel la majorité s’est adonnée en pleine fin de mandat pour créer un véritable filet de sécurité pour les parlementaires et ministres en cas de victoire de François Hollande. Le Conseil national des Barreaux s’était en effet vivement opposé à cette réforme, et s’y oppose toujours par un recours au Conseil d’Etat.
Cette passerelle est emblématique d’une conception singulière et critiquable de la politique. Une politique au service des élus, au détriment des citoyens. Une politique qui méprise une profession et se place au-dessus des lois. En méprisant ainsi les avocats, dont la profession n’est pas un lot de consolation d’hommes et de femmes politiques en mal d’électeurs, c’est la justice qui est une nouvelle fois touchée. C’est faire croire que le seul travail parlementaire, aussi déterminant soit-il dans les orientations politiques que prend la société française, donnerait une compétence suffisante pour défendre le citoyen dans les méandres de l’institution judiciaire, quand les avocats doivent suivre six voire sept années de formation appropriée avant de pouvoir porter la robe. Au-delà, c’est un mépris envers les citoyens. C’est un mépris tout d’abord dans la qualité qu’ils sont en droit d’attendre des professionnels du droit, puisque le gouvernement sortant considère que la défense devant la justice peut bien faire l’impasse sur la probable incompétence de quelques « catapultés » dont on a souhaité préserver les intérêts financiers. C’est un mépris également dans la confiance et la représentation qu’ils accordent, temporairement, par leurs votes, aux parlementaires et ministres qui en émanent.
Il s’agit là d’une véritable contradiction avec la mouvance citoyenne qui s’est dégagée le 6 mai dernier, et qui condamne avec force toute forme d’appropriation de la politique, devenue depuis trop longtemps synonyme de carriérisme et de privilèges. Le mot de mandat est d’ailleurs très significatif. En aucun cas, il n’est défini comme un emploi, permettant une évolution de carrière ou donnant lieu à l’obtention de primes. Une telle perception de la fonction d’élu, à laquelle se sont ajoutés scandales et désengagement des élus, a d’ailleurs conduit à une perte de crédibilité de l’action publique et, sans doute, à une montée de l’abstentionnisme.
Aujourd’hui, seule l’exemplarité de tous permettra de redonner à la politique la force démocratique nécessaire au progrès social. Le mandat politique doit reprendre tout son sens. Il doit être, véritablement, perçu et effectué comme une fonction confiée de manière temporaire par des électeurs à une personne qui agit, par délégation, en leur nom. Pour cela, chaque élu doit se sentir investi de trois responsabilités : une responsabilité d’action, une responsabilité de transparence, une responsabilité de partage et de temporalité. Ainsi, être un élu politique c’est tout d’abord agir. De la présence aux instances, aux rencontres de tous les acteurs de la société, aux temps d’écoute, de débat et de proposition, c’est un engagement quotidien, à temps plein, qui mérite énergie et conviction. Etre un élu politique, c’est ensuite agir au nom des citoyens, les représenter et par conséquent rendre publiques les prises de position politique et l’utilisation des moyens mis à sa disposition au titre du mandat. Etre un élu politique, c’est enfin avoir conscience que la démocratie implique un partage du pouvoir. Un partage d’autant plus efficient lorsqu’il s’applique le plus largement possible. Le cumul des mandats, au-delà de réduire les capacités d’action de l’élu, porte atteinte à ce partage. Une participation forte, dynamique et démocratique à la vie politique de l’ensemble des citoyens impose un mandat unique et limité dans le temps.
Candidates aux élections législatives de juin prochain, nous nous engageons à défendre l’abrogation de ce décret de reconversion des parlementaires. Nous nous engageons également, une fois élues, à inscrire dans la loi le non-cumul des mandats à la fois dans le temps et dans le nombre, de l’ensemble des élus, représentants des citoyens. Mais cet engagement n’aurait de sens si nous le portions uniquement pour nos successeurs. C’est pourquoi nous nous engageons dès à présent, si nous sommes élues le 17 juin, à la transparence sur l’utilisation des moyens mis à notre disposition et à exercer le mandat de parlementaire de façon exclusive.
Manifeste des « musulmans d’apparence »
5/05/12
« De religion ou de culture musulmane », « athées, agnostiques, croyants ou pratiquants », refusant de « de haïr ceux qui approuvent des thèses qui nous offensent », une trentaine de personnalités réunies autour d’El Yamine Soum, Ali Soumaré et Rokhaya Diallo appellent « l’ensemble des humanistes » à les rejoindre en signant ici le Manifeste des « musulmans d’apparence », publié sur Mediapart. Plus de 1450 personnes ont déjà signé. Je le relaye volontiers sur mon blog notes et je vous invite à le partager.
Premiers signataires de ce manifeste, nous sommes tous de religion ou de culture musulmane. Athées, agnostiques, croyants ou pratiquants, cette appartenance que nous avons en commun constitue une facette de notre identité. Mais elle ne la résume pas.
Nous sommes aussi acteurs dans tous les secteurs du monde professionnel. Chaque jour, nous concevons les innovations qui offriront un avenir à notre industrie, nous assurons la sécurité de nos compatriotes, nous prenons soin de nos aînés et éduquons les futurs citoyens qui fréquentent nos classes. Nous sommes aussi des individus politisés, aux opinions extrêmement variées, à l’image de la population française ! Nous sommes enfin des citoyens français, respectueux des lois, attachés aux valeurs de la République, dépositaires de la culture française et garants de son rayonnement.
Longtemps, nous avons pensé que cette évidence ne méritait pas qu’on la rappelle. Longtemps, nous avons pensé que la tentative de fabrication d’un musulman mythifié – tantôt marginal et assisté, tantôt menaçant et redouté – ne parviendrait pas à abuser nos concitoyens. Longtemps, nous avons espéré que cette supercherie ne résisterait pas à la démonstration quotidienne de notre diversité et de notre « banalité ».
La suite >