Interview de Sophie Prunier-Poulmaire, parue dans L’Est Républicain ce vendredi 11 octobre.
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Besançon. Sophie Prunier-Poulmaire est ergonome et maître de conférence à l’Université Paris-Ouest Nanterre-La Défense, experte auprès de l’Agence française de sécurité sanitaire, auteur de deux récents ouvrages : « Le Travail révélé » et « Le bonheur au travail, regards croisés de dessinateurs et d’experts du travail » (éditions du Cherche-Midi). Avec Danièle Linhart, sociologue du travail, spécialiste de ses mutations, des stratégies managériales et des rapports entre hommes et femmes dans l’emploi, elle participera à la conférence-débat organisée, lundi 14 octobre à 20 h, au théâtre de l’Espace Planoise, place de l’Europe à Besançon, par la députée PS du Doubs, Barbara Romagnan. Sur le thème : la place du travail dans la société et les enjeux de la parité.
Chacun a pu voir les images de la manifestation festive des employées du magasin Sephora sur les Champs-Élysées à Paris, mardi soir, protestant contre l’interdiction de travailler après 21h dont elles estiment être « victimes ». Après les polémiques sur l’ouverture de magasins de bricolage le dimanche, quelle lecture en avez-vous ?
Sephora, c’est un cas spécifique. Les questions qu’on peut se poser sont : qui sont ces salariées ? Quelle est la population dont on parle ? Sont-elles représentatives du monde du travail dans son ensemble ? Lorsqu’on observe les personnes qui se déclarent en faveur du travail dominical ou nocturne, on constate la plupart du temps qu’il s’agit de gens plutôt jeunes et que cela va de pair avec des caractéristiques individualisées : célibataires souvent, sans enfants, avec une vie privée qui n’est pas forcément contrainte par des obligations horaires.
Autrement dit, ça va leur passer ?
Cela dépend bien sûr des individus mais, en règle générale, on construit son parcours de travail tout au long de la vie selon l’âge, la situation affective, les enfants, etc. Quand on est jeune, on est immortel ! Les attentes vont ensuite évoluer, fluctuer. Il faut à chaque étape trouver le bon équilibre entre les contingences du travail et celles de la vie personnelle.
Le débat semble avoir un retentissement important…
Les événements de ces dernières semaines montrent que notre société est en phase de recherche de nouveaux rythmes : scolaires, de travail, etc. Et tout est lié. Si vous modifiez le rythme des enfants, vous avez des conséquences directes sur le rythme des parents. C’est un choix philosophique et idéologique, pas seulement économique : à quel rythme veut-on engager nos vies ? Souhaitons-nous une société du « 24 heures sur 24 » et du « 7 jours sur 7 » ? Quelle place entendons-nous réserver à l’échange approfondi en famille, aux amis ? La délimitation du champ du travail borne mécaniquement celui du hors travail.