Projet de loi « égalité femmes-hommes » : les amendements que je défendrai
Courant janvier, l’assemblée nationale examinera le texte de loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes présenté en juillet dernier par la Ministre des droits des femmes, Mme Najat Vallaud-Belkacem. En tant que co-rapporteure pour la délégation aux droits des femmes et que responsable pour la commission des affaires sociales et de la Délégation aux droits des femmes, je me suis impliquée sur ce texte de loi, en particulier sur les volets égalité professionnelle et précarité, qui correspondent aux titres I et II de la loi. A la faveur des auditions auxquelles j’ai assisté, ou que j’ai organisées et co-organisées avec mes collègues depuis juin et jusqu’à récemment, nous avons affiné nos connaissances et tenté de répondre aux questions qui se posaient à nous.
Après la lecture et le vote au Sénat en septembre, l’Assemblée nationale se saisit donc du texte et les députés s’apprêtent à déposer des amendements. Le texte présente de nombreuses qualités et notamment celle de faire exister un débat large et ouvert sur la question. Il adopte également, pour la première fois, une approche transversale comme l’indique l’article premier. En d’autres termes, il porte l’idée que les violences, la précarité, les inégalités dans la vie personnelle et professionnelle ainsi que l’exclusion des lieux de pouvoir sont étroitement liés, et qu’il est donc nécessaire pour en venir à bout de développer une action politique simultanée et cohérente.
Dans le cadre de ce travail parlementaire, il m’a semblé que notre travail d’amendement pouvait se concentrer sur les axes suivants afin de compléter le texte. D’une part, les femmes dans leur travail sont assez régulièrement envisagées comme des personnes ayant des difficultés à concilier leur vie professionnelle et familiale. C’est en effet une dimension essentielle, et nombre de mesures du texte répondent de manière pragmatique à cet aspect, mais toutes les femmes n’ont pas d’enfants et qu’elles en aient ou pas, les discriminations ou les difficultés auxquelles elles ont à faire face au travail ou dans l’accès au travail, ne s’y limitent pas nécessairement. Il m’a donc paru intéressant de travailler sur les questions d’inégalités entre les hommes et les femmes dans le travail ou l’accès à l’emploi en termes de temps partiel, et de lutter contre les inégalités salariales que l’on évalue à près de 30 %, 30 ans pourtant après la loi Roudy sur l’égalité professionnelle.
L’objectif des amendements est d’une part de faire progresser la situation des femmes dans le milieu professionnel au sein duquel elles évoluent, en renchérissant des formes d’emploi qu’elles subissent, en revalorisant ceux qu’elles exercent le plus souvent et en donnant les moyens de lutter contre la discrimination salariale dont elles sont les victimes. D’autre part, il s’agit de reconnaître les hommes en tant que pères, parce que cela me parait juste, souhaitable pour les enfants et que cela est susceptible également de libérer les femmes, quand elles sont mères, de ce qui est parfois le poids de la maternité, – tant sur un plan matériel que psychologique. Ce projet de loi est donc l’occasion de montrer que l’implication dans le travail, dans l’éducation des enfants ou dans les tâches domestiques ne dépend pas du sexe des personnes mais bien de constructions sociales liées à notre éducation.
Le travail d’amendement : accompagner, prolonger, compléter le texte de loi
Surcotisation sur les temps partiels
De ce point de vue, il me semble nécessaire que la loi édicte clairement que cette forme de travail, occupée à 82% par des femmes, n’est pas souhaitable, car elle est la plupart du temps subie et, lorsque ce n’est pas le cas, si elle est recherchée par les femmes, c’est souvent en raison d’une répartition inégale des tâches familiales et domestiques. Par ailleurs, le temps partiel, bien qu’il ait semblé un temps être synonyme d’autonomie et d’accès au marché du travail pour les femmes, est essentiellement facteur de précarité du fait des faibles revenus générés. En termes de retraites, il s’avère désastreux tant pour la validation de carrières complètes que pour les montant de pensions au moment de la liquidation des droits.
Renforcement du Rapport de Situation Comparée
Cet outil décisif, à destination entre autres des partenaires sociaux, permet notamment d’évaluer les différences de situations entre les hommes et les femmes au sein de l’entreprise. Or, tel qu’il est réalisé actuellement, le RSC masque certaines inégalités entre les femmes et les hommes. Le RSC devrait au contraire pouvoir mettre en lumière des situations d’inégalités qui n’apparaissent pas clairement de prime abord. Par exemple, l’égalité salariale peut sembler acquise alors même que les femmes dans l’entreprise n’atteignent tel niveau de rémunération qu’à 45 ans contre 35 ans pour les hommes d’une même catégorie. Durant les auditions et au travers des contributions que nous avons reçues a été soulevée la nécessité de former spécifiquement les représentants du personnel à la lecture des données sexuées, existantes ou à instituer, afin de permettre leur publicité effective au sein de l’entreprise.
Revoir la grille des métiers pour valoriser les métiers dits « féminins »
Certains métiers, majoritairement exercés par des femmes, voient leur pénibilité sous-évaluée au motif que les femmes posséderaient des qualités innées qui rendrait leur exercice moins pénibles (patience, douceur, instinct maternel) et qui ne relèveraient d’aucune qualification ou compétence justifiant d’être monétisés. Il faut s’efforcer de déconstruire cet imaginaire de la femme en rappelant que les aptitudes ne procèdent en rien du sexe du travailleur, et ne prédestinent donc en rien à certains métiers au motif de soi-disant « facilités ».
Exclure des marchés publics des entreprises condamnées pénalement et socialement
Une autre mesure consisterait en effet à exclure des procédures de marchés publics les entreprises condamnées définitivement aux prudhommes et non pas seulement condamnées pénalement. Ceci permettrait en effet, au vu du faible nombre de condamnations pénales, de mieux prendre en compte les comportements effectifs des entreprises, en matière d’égalité femmes hommes notamment. Dans la mesure où les marchés publics mobilisent des fonds publics issus notamment de l’impôt, il apparait légitime d’introduire dans les procédures de sélection des critères qui permettent de favoriser les entreprises qui s’efforcent de mettre en œuvre un modèle social acceptable. Si l’emploi de l’argent public impose bien entendu de rechercher l’efficacité, les pratiques sociales des acteurs économiques ne sont pas rien dans la dimension éthique de la dépense publique.
A plus long terme : clarifier la répartition des tâches familiales et domestiques au sein du couple
L’autre versant des préjugés contre les femmes consiste à estimer que leur implication familiale serait plus naturelle que celle des hommes, – préjugés que les hommes subissent également et qui sont en partie responsables d’un maintien à distance des hommes lors de la naissance et de l’éducation. De fait, ces pratiques acquises très tôt occasionnent souvent une moindre implication de des pères dans la construction de l’enfant, ce qui lui est bien entendu dommageable.
J’ai donc pris le parti de proposer des amendements ayant pour objet de faire bénéficier aux pères de protections jusque-là réservées aux mères. Cela consiste d’une part à fixer un objectif chiffré de raccourcissement du CLCA (complément de libre choix d’activité, transformé par le Sénat en PPAE, Prestation partagée d’accueil de l’enfant) à raison de deux fois six mois répartis à égalité entre les 2 parents et mieux rémunérés, à un horizon de dix ans. En effet, un congé plus court aurait pour avantage d’éloigner moins durablement les femmes de l’emploi, et sa généralisation aux hommes permettrait de l’inscrire comme une pratique sans lien avec le sexe des salarié(e)s.
D’autre part, il m’a semblé que l’implication des pères dans le processus d’accueil d’un enfant devait être encouragée dès ses étapes premières ; c’est à ce titre que je proposerai que les pères bénéficient au même titre que les femmes d’autorisations d’absence pour les examens prénataux obligatoires, afin qu’ils puissent, s’ils le souhaitent, y accompagner leur compagne.
Enfin, il m’a semblé intéressant de proposer de rendre obligatoire le congé paternité, assorti éventuellement d’une interdiction légale de travail pour les pères au moment de la naissance de leur enfant. Il est en effet très important, au regard des observations formulées par les psychiatres et pédopsychiatres, que le père soit encouragé à s’impliquer dès les premiers jours dans l’éducation de ses enfants, sans quoi l’investissement peut n’être à terme que partiel, distant, ou envisagé sous la forme d’une assistance portée à la mère, qui reste la principale actrice de cette éducation.
Nous déposerons courant décembre les amendements qui nous sembleront le mieux à même de prolonger et compléter ce texte de loi. Je vous tiendrai bien entendu au courant de l’évolution de nos travaux.
Imprimer l'article | Cette entrée a été postée par Barbara Romagnan le 11 décembre 2013 à 17 h 19, et placée dans Affaires sociales. Vous pouvez suivre les réponses à cette entrée via RSS 2.0 Les commentaires et les pings sont fermés pour l'instant |
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about 1 year ago
Il y a fort longtemps, j’avais proposé au Ps (qui n’en a rien fait) un aménagement du congé de maternité comme suit:
La femme aurait droit à 6 mois de congé (celui qu’elle prend avant l’accouchement et celui qui suit l’accouchement) à condition que le père prenne ensuite un congé de 6 mois rémunéré dans les mêmes conditions: cela permettrait au jeune enfant de tisser des liens avec son père et cela montrerait aux pères les joies et les difficultés du travail , à la maison, avec un jeune enfant.
Cela permettrait aussi de remédier au manque de crèches et de dégager des emplois en ces temps où le travail se réduit et où il serait, à mon avis , nécessaire, de diminuer la durée hebdomadaire du TT. Le gains sur le coût des crèches, toujours nécessaires bien sur, serait affecté au salaire du père par exemple.
Bien amicalement Josette
Je fais partie du collectif Roosevelt 2012 et viens d’adhérer à Nouvelle Donne
about 1 year ago
Tout cela va dans le bon sens. Si les intentions et les principes sont progressistes les difficultés resteront très présentes et laisseront les individus face aux groupes de pressions ou aux plus « forts » : les directives européennes qui restent éloignées des nôtres et la défense des victimes. Les amendements font-ils référence aux compétences du Défenseur des Droits quand celui-ci a déjà la mission constitutionnelle de défendre les victimes de discriminations (notamment sexuelles ou familiales) et de promouvoir l’égalité?
about 1 year ago
Oui, tout cela est bien, cependant, il reste un point vraiment dur et tant que ce point ne sera pas résolu, ce sera un facteur justificatif d’inégalité, voire de mépris, de suspicion au dépend des femmes, de défaut de réconciliation, un truc qui ENTRAVE A UNE VERITABLE PARENTALITE PARTAGEE. Ce point, communément, c’est LE DROIT DES FEMMES A FAIRE UN MARMOT DANS LE DOS à leur mec comme elles veulent, c’est la paternité imposées et l’obligation de reconnaissance de paternité et de pension alimentaire qui va avec. Il n’y a RIEN SUR CE SUJET ESSENTIEL !!! MEME PAS DEBAT !!! . Cela même alors que les femmes peuvent maîtriser leur maternité, avec la pilule, … et au besoin, la pilule du lendemain, l’avortement, elles peuvent en outre accoucher sous X. Qu’en est il pour l’homme sur ce sujet ? Il n’ont aucun droit autre que celui d’acquiescer forcé, de subir.