Pour la refondation de l’école de la République
Le projet de loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République a été présenté en conseil des ministres le mercredi 23 janvier 2013 par le Ministre de l’Éducation nationale. Le décret de modification des rythmes scolaires du 24 janvier dernier prévoit le retour à 4,5 journées de cours par semaine pour les élèves du primaire, soit une demi-journée supplémentaire, de préférence placée le mercredi matin (ou le samedi avec dérogation). Ce décret prévoit également une journée d’enseignement limitée à 5h30 avec une pause méridienne minimale d’1h30. Les communes sont invitées à mettre en œuvre cette réforme dès la rentrée 2013 ou, par dérogation, en septembre 2014.
Depuis la rentrée scolaire de septembre, je rencontre régulièrement, à ma demande, ou à la leur, des équipes enseignantes, des élus locaux, des parents d’élèves. Dans le cadre de ces rencontres, nous avons régulièrement évoqué la réforme, en particulier son volet sur les rythmes scolaires. Les personnes que j’ai rencontrées sont à la fois impliquées dans leur travail, soucieuses de l’intérêt et de l’avenir des enfants, mais sont aussi inquiètes des coûts, de la mise en œuvre pratique de la réforme des rythmes, et de leur rôle et place dans le dispositif. Les enseignants sont aussi parfois, il faut bien le dire, déçus. Ils ont l’impression de ne pas avoir été associés au débat, de ne pas être considérés. Parfois également désemparés, parce que dans certaines écoles, la rentrée a été difficile, pas moins que les précédentes : manque de psychologues, d’enseignants, d’EVS… avec des enfants en grandes difficultés auxquelles on ne peut répondre dans l’immédiat. Cette déception est d’autant plus grande, que les attentes sont toujours, fortes.
Peut-être que le ton et le discours du ministre à l’égard des enseignants a pu, parfois, paraître trop péremptoire. Néanmoins, reprocher à Vincent Peillon un manque de concertation me semble injuste parce qu’il l’a engagée très tôt, il y a plus d’un an, avant les élections. Puis, pendant plusieurs mois, en tant que ministre. Le décret laisse une large part d’autonomie aux enseignants, parents ou élus, pour la mise en œuvre des rythmes au niveau local. C’est une chance à saisir.
Pour autant, ces revendications s’entendent et doivent être prises en compte, car s’il y a bien eu 1000 postes de professeurs des écoles créés pour pallier les difficultés importantes suscitées par les suppressions d’emplois massives et pour faciliter l’accueil des enfants en situation de handicap, dans l’immense majorité des écoles rien n’a encore vraiment changé. Par ailleurs, même si 280 professeurs certifiés ont été recrutés dans les disciplines en souffrance, même si le recrutement d’un plus grand nombre d’enseignants, la mise en place d’une vraie formation au métier, la création des emplois d’avenir professeur sont clairement engagés, il est évident que l’effet de ces mesures ne sera réellement perçus que dans quelques années.
Le décalage entre les attentes immédiates et l’ambition d’une réforme qui vise une refondation c’est à dire un changement à partir de la base nécessitant du temps et dont les effets ne seront pas immédiats, me semble à l’origine du malentendu actuel. « ll faut laisser du temps au temps pour bien refonder l’école républicaine » explique l’historien de l’éducation Claude Lelievre qui rappelle que le moment fondateur de l’école républicaine, pour le « simple » secteur de l’enseignement primaire, a duré pendant plus de dix ans.
La priorité est donnée aux fondations, c’est-à-dire à l’école maternelle et à l’école élémentaire dans toute son importance, puis au collège, ainsi qu’à ce qui est jugé fondamental, à savoir la qualité et la formation professionnelle des enseignants et l’attention privilégiée aux élèves « fragiles ».
L’autre nouveauté est qu’il s’agit, pour la première fois d’une loi non seulement d’orientation mais aussi de programmation - une nouveauté effective sans précédent. On dit quels sont les objectifs à atteindre et les moyens qui pourront être mis en œuvre.
L’enseignement primaire bénéficiera en effet de 14 000 postes supplémentaires d’ici à 2017, dont 3 000 consacrés à la scolarisation des moins de 3 ans dans les zones « difficiles » ou rurales, et de 7 000 maîtres « surnuméraires » pour instaurer une prise en charge différente de la difficulté scolaire. L’enseignement secondaire aura 7 000 postes supplémentaires qui devraient aller surtout aux collèges, dans des établissements « sensibles ». 24 000 postes seront consacrés à la formation des enseignants. A cela s’ajoutent les 6 000 postes supplémentaires dans les domaines éducatifs, administratifs, sociaux ou de la santé.
En ce sens, il est vrai que la réforme aura un coût et qu’elle n’est pas aisée à mettre en œuvre. Mais s’il y a eu un vote majoritaire en faveur de François Hollande et de la majorité qui l’a soutenu, c’est pour donner la priorité à l’école comme lieu essentiel d’émancipation et de démocratisation. Elle doit en effet offrir, à tous les enfants quelle que soit leur condition, dès leur plus jeune âge, la possibilité de s’épanouir, de réussir et de vivre ensemble. C’est l’honneur de la gauche de défendre cette réforme, en particulier par temps de crise. Les collectivités directement concernées vont également devoir participer et se concerter dans le cadre d’un projet éducatif intégrant la dimension péri-scolaire. Cela nécessitera certes des moyens mais surtout de la concertation et de l’intelligence collective.
Mais nous devons garder à l’esprit l’essentiel qui est, à mon sens, la nécessité et l’urgence d’une réforme. En effet depuis plus de 20 ans les constats sont connus et partagés. Notre le système éducatif fonctionne mal. Nombre d’élèves et d’enseignants n’y sont pas heureux. 150 000 jeunes sortent chaque année du système éducatif sans formation ni qualification. Par ailleurs, loin de réduire les inégalités, le système actuel ne fait que les aggraver. Enfin les performances des élèves par rapport aux compétences fondamentales restent globalement médiocres. Aussi, il est primordial et urgent d’agir pour refonder notre école c’est-à-dire de prendre les choses par leur début, comme l’ont fait il y a plus d’un siècle les fondateurs de l’école républicaine, donner du temps et prendre son temps pour une véritable refondation démocratique de l’école.
Imprimer l'article | Cette entrée a été postée par Barbara Romagnan le 27 mars 2013 à 12 h 42, et placée dans Culture et éducation. Vous pouvez suivre les réponses à cette entrée via RSS 2.0 Les commentaires et les pings sont fermés pour l'instant |
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about 2 years ago
Bonjour
je suis très inquiet sur l’amendement 274 concernant les enfants en situation de handicap, avec, si j’ai bien compris cet amendement, la possibilité pour l’Education Nationale de remettre en cause l’orientation décidée par la CDAPH (commission de la MDPH, ex Cotorep). Où est le « vivre ensemble à l’école »…? les familles vont se retrouver dans des situations catastrophiques si concrètement des ré-orientations sont décidées uniquement par l’Education Nationale…
Quel action allez vous mener svp ?
pour ma part , j’ai alerté , via les réseaux sociaux par pétitions et les sénateurs par emails. La société a besoin de changer sa « vision du handicap » , nous devons améliorer l’inclusion des personnes en situation de handicap. pensez vous vraiment que les familles vont accepter cette nouvelle « injustice » faite à leurs enfants sans mot dire ? merci pour votre réponse SVP , cordialement, et avec tout mon respect
about 2 years ago
Vous avez raison, il s’agit d’une erreur, regrettable, de formulation, d’ailleurs en contradiction avec le projet de loi voté à l’Assemblée nationale qui reconnaît l’école inclusive et avec les 1500 créations de postes pour le suivi des enfants. Il est prévu que cette erreur soit corrigée en 2ème lecture au Sénat.
Merci de votre vigilance.
about 2 years ago
Madame la Députée,
J’ai déjà réagi sur ce sujet le jour où Vincent Peillon a présenté sa réforme devant l’Assemblée Nationale. J’invite les personnes qui lisent votre blog à s’y reporter afin de ne pas répéter les mêmes choses.
Néanmoins je voudrai attirer une nouvelle fois votre attention sur les données suivantes:
Le Président Hollande, Monsieur le Ministre Peillon, le parti socialiste n’ont pas pris la mesure de l’état catastrophique dans lequel se trouve notre école aujoud’hui et de la colère que vous avez succitée depuis la rentrée scolaire chez beaucoup des personnels enseignants qui avaient voté pour vous.
85000 postes supprimés les 5 dernières années! C’est le plus grand plan de licenciement jamais organisé de l’histoire de France. A cela le gouvernement a répondu par la création de 1000 postes supplémentaires. 10 postes par département…c’est à dire trois fois rien….
La suppression de tous les postes d’emplois de vie scolaire au mois de juin dernier a plongé des milliers d’écoles dans des difficultés considérables à la rentrée scolaire. Ces personnels créés par Lionel Jospin avaient démontré leur absolue nécessité pour assurer la bonne marche des écoles et améliorer les résultats scolaires des élèves par un meilleur encadrement des enfants, la maintenance des Bibilothèques d’écoles, l’aide aux enfants, l’aide à la gestion administrative des écoles.
En guise de remerciement, M.Peillon les a laissés sur le carreau et retourner pointer au chômage. Aucun dispositif n’est à ce jour prévu pour les remplacer. C’est à cela que l’on mesure le gouffre qui sépare nos « élites » dirigeantes des réalités du terrain.
Direction d’école: Les Directrices et Directeurs d’école jouent un rôle primordial pour assurer la bonne marche des écoles. Ils disposent de très peu de moyens, pour une rémunération dérisoire: 3 €uros de l’heure de travail….des responsabilités lourdes, complexes, difficiles à gérer. Personne ne veut plus assumer ces fonctions dans ces conditions et la plupart du temps de jeunes enseignants inexpérimentés se retrouvent confronté à cette tâche très lourde alors qu’ils n’ont ni formation ni expérience suffisante pour le faire. Le ministre avait promis d’ouvrir le dossier de la Direction d’école, dés le début du mois de janvier 2013. A ce jour rien n’est encore annoncé. On avril au 1er avril….
Vincent Peillon s’est montré arrongant, suffisant, méprisant, dans ses relations avec les personnels enseignants. Il a fâché bon nombres d’entre-nous.
Si la réforme des rythmes scolaires organisées par le ministère était bonne et bien faite, pourquoi une immense majorité des communes en a demandé le report? Besançon a elle même demandé une dérogation pour ne pas l’appliquer en 2013. Ce n’est pas une ville de droite. 10% des communes vont s’y confrontés. Quelle désavoeu pour notre ministre, qui ne s’est pourtant pas montré avarre, par le biais de ses relais administratifs de menances et injonctions de tous ordres….
Directeur d’école, je dispose de 37 €uros de crédits scolaires par enfant pour organiser toute son année d’enseignement soit 24 heures hebdomadaires. La mise en place de 45 mn « d’activité péri-scolaires » qui va se borner a un vague garderie améliorée., représente un coût de 160 €uros par élève. Ne trouvez -vous pas, qu’il y a là un problème majeur?
J’aimerai une réponse à mon courrier et à ces commentaires.
En guise de conclusion: je juge une politique non pas aux discours et aux belles paroles mais aux actes concrets.
Il y avait le feu à l’école…Vous commencez par repeindre la caserne des sapeurs pompiers au lieu d’éteindre l’incendie…A votre arrivée on sera donc tous morts…
Dans l’attente, je vous adresse mes meiilleures salutations.
Patrick Pélaez
Directeur et professeur d’école.
about 2 years ago
bonjour Madame la Députée,
l’amendement 274 nous apprend que l’école peut remettre en cause, en cours d’année, l’orientation d’un enfant handicapé. Pensez vous qu’une famille puisse admettre cette modalité ? pensez vous que les professionnels de l’Education Nationale aient les compétences pour avoir un avis objectif & constructif sur l’orientation d’un enfant en situation de handicap ? pensez vous que les familles accepteraient de voir leur enfant refouler de l’école, et même en milieu d’année ? pensez vous que de telle discrimination puissent exister alors que beaucoup de gens se battent pour faire changer le regard de la société sur les personnes en situation de handicap ? pensez vous que de telles discriminations puissent naître alors qu’on parle d’inclusion de ces mêmes personnes dans l’école et la société ? pensez vous aux traumatismes que cet amendement crée ? pensez vous que la ré écriture de cet amendement changera les choses ? NON Madame la Députée.cet amendement doit être purement et simplement supprimé . je compte sur votre coeur de mère, qui n’accepterait pas cet amendement si vous étiez personnellement concernée . je vous remercie infiniment de porter la parole de ces familles à l’assemblée afin qu’elle soit entendue , écoutée pour arriver à la suppression de cet amendement. Je vous en remercie infiniment . respectueusement. Noël Tournebize.
about 2 years ago
Madame la députée,
la réforme des rythmes scolaires est d’ors et déjà un échec pour le PS car elle nous a été imposée par des gens qui comme d’habitude n’ont aucun contact, sauf très lointain avec les élèves, des gens qui « savent », qui n’écoutent pas les enseignants, les personnels et les parents qui eux ne croient pas très majoritairement en cette réforme. Il est dommage que vous n’entendiez pas les conversations en salles des maîtres car vous sauriez aujourd’hui que grâce à Monsieur Peillon, votre électorat enseignant s’est désagrégé. Le PS a mis du temps pour re-fidéliser les profs et aujourd’hui vous avez à nouveau tout perdu car nous avons été mis de côté pour des rythmes qui ne servent que la gloire de quelques chronobiologistes inconnus et d’un ministre qui veut laisser sa trace dans la politique. Il a réussi à se faire détester à une vitesse record et aura réussi l’exploit de faire capoter majoritairement l’électorat PS chez les enseignants qui eux travaillent non dans un ministère aseptisé mais face à des élèves, dans la réalité. Dommage, on y croyait avec F.Hollande. Quelle déception !
2014 sera pour tout ce manque de considération le déclin du PS.
Je vous présente, Madame la députée, mes plus sincères salutations.