Archives pour mai, 2015

Un accueil digne est possible

En écoutant à la radio des débats faisant suite au nouveau drame survenu dans la Méditerranée qui a vu mourir des milliers de migrants, j’ai à nouveau entendu cette idée, apparemment pleine de bon sens et 
de réalisme, qu’« on ne peut pas accueillir tout le monde ». Je suppose que « tout le monde » signifie surtout les pauvres des pays en guerre en Afrique et dans la péninsule Arabique.

D’abord, « tout le monde » ne cherche pas à se fixer en France, ni même en Europe. L’essentiel des migrations des Africains se font à l’intérieur de l’Afrique, par exemple. Nous ne sommes pas non plus les plus généreux. L’Allemagne accueille plus de 60 000 réfugiés politiques, quant nous n’en accueillons que 15 000. La Suède, pays de 10 millions d’habitants, accueille deux fois plus de réfugiés (31 000) que nous ne le faisons. Enfin, nombre des candidats à la migration rêvent davantage d’obtenir un passeport qu’une carte d’identité, ils veulent pouvoir se déplacer et non se fixer dans un pays. Ceux qui quittent leur pays d’origine le font en raison des difficultés qu’ils peuvent rencontrer dans leur pays d’origine et également mus par la volonté d’être maîtres de leur vie, de se construire.

Quant à ceux qui viennent ou cherchent à venir en Europe parce qu’ils fuient la guerre, les violences, la misère, nous avons évidemment le devoir et les moyens de les accueillir. Je ne dis pas que c’est simple. Mais comment croire et justifier que 507 millions d’Européens ne peuvent pas accueillir 200 000 migrants ? Cela signifie 
1 personne par commune de 2 500 habitants. Aujourd’hui, la Suède accueille l’équivalent de 3 réfugiés pour 1 000 habitants. Évidemment, on ne peut faire la répartition de façon aussi simpliste que le calcul que je fais, il y a des familles à préserver, des lieux dans lesquels l’accueil peut se faire dans de plus ou moins bonnes conditions, mais l’accueil est possible.

Si nous vivions en Libye, en Syrie, en Érythrée, en Afghanistan, au Mali, d’où viennent la majorité de ceux qui arrivent par la Méditerranée – ou, malheureusement, n’arrivent pas parce qu’ils sont morts avant –, ne chercherions-nous pas à faire de même pour nos enfants, si ce n’est pour nous ? Si nous vivions dans un pays en proie à la guerre, aux violences, à la torture, où l’État serait en faillite, ne serait-on pas heureux que nos enfants partent construire leur vie ailleurs et qu’ils soient dignement accueillis ? De toute façon, nous ne pourrons pas empêcher ceux qui fuient ces violences, la famine, de tenter la traversée, même s’ils savent qu’elle peut leur coûter la vie, parce que s’ils restent là où ils sont, ils y perdront la vie. Accueillons-les correctement. Ces jeunes gens, qui ont traversé des épreuves terribles, aspirent à travailler et à vivre en paix, ils sont pleins d’un courage et d’une énergie hors du commun qui nous feraient sûrement du bien.

Barbara Romagnan

Chronique publiée dans L’Humanité le 18 mai 2015

Mettre fin à la rétention de sûreté

Trois ans après la victoire de François Hollande, l’Assemblée nationale, dans sa très grande majorité, gauche comprise, a voté la loi dite « Renseignement », malgré l’opposition unanime des associations de défense des droits de l’homme, des professionnels du droit et des experts du numérique. Cette loi m’en rappelle une autre, relative à la rétention de sûreté, elle aussi vivement critiquée lors de son adoption, mais votée par la droite. François Hollande candidat s’était engagé à la remettre en cause. Il reste deux ans pour le faire.

Cette loi du 25 février 2008 est intervenue après le viol, forcément atroce, d’un enfant de cinq ans, par un homme récemment sorti de détention. Elle instaure une peine après la peine, qui permet, à titre d’exception, d’enfermer un criminel après qu’il a purgé sa peine, à condition qu’il ait été condamné à quinze ans de prison minimum et qu’il présente une « particulière dangerosité » se caractérisant par une probabilité très élevée de récidive. Cette rétention est prévue pour un an et peut être renouvelée indéfiniment. Ainsi, par un souci d’apaisement des victimes, ou des victimes potentielles, la notion de responsabilité pénale est vidée de son sens : le droit, supposé sanctionner un fait outrepassant la loi, deviendrait le moyen de prévenir un crime potentiel et non un crime commis.

Six ans plus tard, le contrôleur général des lieux de privation de liberté s’interroge sur le bien-fondé de cette privation de liberté et rappelle que, depuis l’entrée en vigueur de la loi, seules quatre personnes ont connu ce régime. On pourrait se demander pourquoi alors se soucier d’une disposition qui ne concerne que si peu d’individus, qui plus est ayant commis des crimes affreux.

Parce que l’on confond ici la dangerosité et la culpabilité, de même que la mesure de sûreté et la peine. Or le couple culpabilité-peine fait appel à la capacité que possède un individu à s’amender après sa faute. Dans le couple dangerosité-mesure de sûreté, la collectivité nie la capacité de l’individu à s’amender après une faute et décrète à l’aveugle des mesures pour prévenir d’éventuels actes répréhensibles.

Cela illustre, à mon sens, le fantasme d’une sécurité totale se fondant sur la capacité à prévoir le futur et à contrôler par anticipation les risques à venir. Cette prévision de tout est non seulement impossible mais également elle ne laisse aucune place à ce qui est indéterminé, à la liberté individuelle, à ce qui fait qu’on est humain.

Barbara Romagnan

Chronique publiée dans L’Humanité le 11 mai 2015

Flash info - Semaine du 4 mai 2015

Flash infoEXPOSITION UNIVERSELLE - L’exposition universelle de Milan 2015 se tient du 1er mai au 31 octobre 2015. Le Pavillon France a été inauguré par Laurent Fabius, Ségolène Royal et Stéphane Le Foll. A quelques mois de la Conférence Paris Climat 2015 (COP21), la forte implication de la France dans la préparation de cet événement témoigne de son engagement pour changer de modèle de développement au bénéfice de la transition énergétique et écologique. Le Pavillon France est exemplaire en matière d’environnement et de maîtrise de l’énergie. C’est un bâtiment à basse consommation énergétique, conçu pour permettre une ventilation et un rafraîchissement naturels. Illustration du savoir-faire français alliant un matériau traditionnel et des technologies de pointe, il est réalisé en sapin des forêts françaises,bois certifié du Jura. Entièrement démontable, la structure ne laissera aucun déchet et pourra ainsi être réutilisée. >> En savoir plus

MUTUALISATION - Pour accompagner les décideurs locaux dans leur démarche de mutualisation, un guide composé de fiches pratiques est publié. Elles reposent sur des cas concrets de mises en pratique dans des domaines où la mutualisation constitue un avantage décisif : la voirie et l’aménagement de l’espace public, l’accompagnement scolaire, les systèmes d’information, les achats, etc. Objectif : offrir aux citoyens des services publics mieux adaptés à leurs besoins, en renforçant la coopération entre les territoires et en réduisant les doublons. >> En savoir plus

VOITURES ELECTRIQUES - Au 1er trimestre de l’année 2015, on constatait déjà une progression de 89% en un an des ventes de véhicules électriques : 2 903 voitures particulières électriques ont été immatriculées au premier trimestre, contre 1 537 sur le 1er trimestre de l’année précédente. Cette tendance s’est encore amplifiée en avril, avec l’entrée en vigueur du nouveau bonus qui permet, moyennant la mise au rebut d’un véhicule diesel immatriculé avant le 1er janvier 2001, de bénéficier d’une aide totale de 10 000 € à l’achat ou à la location d’un véhicule électrique (6.300 € de bonus + 3.700 € de nouveau bonus). > En savoir plus

SANTE - 2015 marque une véritable avancée dans le dépistage du cancer colorectal avec la mise en place, depuis le mois d’avril, d’un nouveau test de dépistage « immunologique ». Plus simple d’utilisation et plus performant que le précédent (test au gaïac), ce nouveau test est mis à disposition notamment auprès des médecins généralistes, dans le cadre du programme de dépistage organisé du cancer colorectal destiné aux personnes de 50 à 74 ans. La mise en place de ce test est très attendue par les professionnels de santé et doit permettre une meilleure participation de la population. Face à cet enjeu majeur de santé publique, le dépistage organisé permet d’augmenter significativement les chances de guérison des patients. >> En savoir plus

PLAN NUMERIQUE - La Journée de restitution des résultats de la Concertation nationale sur le numérique pour l’éducation se tient à la Maison de la chimie en présence du président de la République et de la ministre de l’Éducation nationale. Une grande concertation nationale sur le numérique pour l’éducation s’est déroulée entre le 20 janvier et le 9 mars 2015. Plus de 60 000 personnes ont contribué en ligne ou en participant à 150 rencontres académiques. Le témoignage et l’expérience de tous les acteurs sont essentiels pour construire le service public du numérique éducatif instauré par la loi de programmation et d’orientation pour la refondation de l’École de la République du 8 juillet 2013, et permettre au numérique de contribuer à rendre l’École plus efficace, plus juste et plus inclusive. >> En savoir plus

Agenda - Semaine du 4 mai 2015

AgendaLundi 4 mai
séance de travail à l’Assemblée nationale - action concernant le projet de loi sur le renseignement

Mardi 5 mai
réunion des députés « Vive la gauche » - réunion du groupe socialiste - rendez-vous sur mon travail concernant la réduction du temps de travail - séance des questions au Gouvernement - scrutin solennel sur le projet de loi sur le renseignement

Mercredi 6 mai
rendez-vous sur les questions énergétiques et climatiques - réunion des commissaires socialistes au Développement durable et à l’Aménagement du territoire - commission du Développement durable et de l’Aménagement du territoire - conférence de presse de présentation de la Motion B en vue du congrès du Parti socialiste - rendez-vous avec l’intersyndicale des douanes - séance des questions au Gouvernement

Vendredi 8 mai
cérémonie de commémoration du 70e anniversaire de l’armistice du 8 mai 1945 à Rancenay, Besançon et Pelousey - marché de Mesmay

Dimanche 10 mai
commémoration de l’abolition de l’esclavage à Besançon

Une sanction presque vidée de son sens

La loi sur l’égalité réelle adoptée le 4 août 2014 comportait des avancées notables pour les femmes, mais était, me semble-t-il, très timide sur le plan de l’égalité professionnelle. En effet, alors que le temps partiel – féminin à 82 % – est l’un des nœuds de cette inégalité, aucune des propositions visant à en diminuer l’usage ou à le rendre moins pénalisant pour les femmes (en termes de salaire et de retraite notamment) n’avait été acceptée. Néanmoins, un article prometteur prévoyait l’interdiction d’obtenir des marchés publics pour les entreprises ne respectant pas leurs obligations en matière d’égalité professionnelle.

Avant la loi de 2014, des dispositions allant dans ce sens existaient déjà. Depuis 2006, les entreprises ont l’obligation de négocier des mesures de suppression d’écart de salaire entre les hommes et les femmes dans les entreprises de plus de 50 salariés. En 2010, la loi a prévu des pénalités financières pouvant aller jusqu’à 1 % de la masse salariale, pour les entreprises ne se conformant pas à la loi. Enfin, en 2012, un décret a renforcé les contrôles.

L’obligation faite aux entreprises consiste dans l’élaboration d’un diagnostic sur les écarts en termes de salaire, de santé au travail, de formation, de possibilité d’articuler la vie privée et l’activité professionnelle. Ce diagnostic doit servir de base à un plan d’action visant la réduction de ces écarts. C’est cela qui est attendu des entreprises. Il ne s’agit pas d’une obligation d’égalité entre les femmes et les hommes, seulement de faire l’état des lieux et de dire les moyens que l’on se donne pour améliorer la situation. Rien d’excessif dans tout cela me semble-t-il.

Si ces obligations ne sont pas respectées, les entreprises ont six mois pour régulariser leur situation sous peine d’une amende – et d’interdiction de soumissionner aux marchés publics, donc. Le problème est que cette obligation est largement ineffective puisque les élus chargés de sélectionner les entreprises lors d’un appel d’offres ne peuvent avoir accès à ces informations, comme l’a expérimenté Julien Bayou, élu EELV d’Île-de-France, qui a interrogé le secrétariat d’État aux Droits des femmes à ce sujet, sans succès. Cette sanction est donc presque totalement vidée de son sens. Au-delà des élus en charge des marchés publics, il ne me paraît pas inadmissible que les citoyens soient informés des pratiques des entreprises et que ceux et celles qui investissent puissent faire leurs choix en connaissance de cause.

Barbara Romagnan

Chronique publiée dans L’Humanité le 4 mai 2015