Archives pour novembre, 2014

Pour l’abolition de la prostitution

Cette semaine j’ai défendu la position abolitionniste en matière de prostitution aux côtés du Mouvement du nid. Je ne l’aurais pas forcément fait en 2002, au moment où cette question était déjà en débat.

Je me rappelle une table ronde qui m’avait mise profondément mal à l’aise. Des femmes, surtout de gauche mais pas seulement, parlaient de ces « pauvres femmes » dominées, violentées, stigmatisées qu’étaient à leurs yeux les personnes prostituées. Elles prenaient leur défense, mais ne semblaient ni les voir, ni les entendre, alors même qu’elles étaient assises à la même table, comme si elles n’étaient pas là, où n’étaient pas des personnes à part entière. Les prostituées présentes revendiquaient un statut de travailleuses du sexe, voulaient des droits, mais leurs défenseures ne semblaient pas capables de leur adresser la parole.

Se prostituer n’est évidemment pas ce dont on rêve quand on est jeune, aucune d’elles ne l’affirmait d’ailleurs. Néanmoins, elles faisaient valoir que rares étaient les personnes qui exerçaient le métier auquel elles avaient rêvé étant enfants. Elles disaient aussi que vu leur niveau de formation et l’état du marché du travail, le nombre de possibilités alternatives qui leur étaient offertes étaient très limitées et que, si elles comprenaient que l’on puisse faire un autre choix, le leur, dans ces circonstances, était celui de la prostitution et qu’elles entendaient être respectées. Je crois que cette opinion peut être entendue.

On peut également penser qu’accorder un statut aurait été moins hypocrite et aurait permis également de leur octroyer des droits, notamment en termes de protection sociale. Néanmoins, je me demandais alors comment faire de la prévention auprès des jeunes si cette activité est considérée comme une activité professionnelle comme une autre. À cela s’ajoute le fait que les prostituées étrangères constituent environ 90 % des personnes prostituées en France aujourd’hui, alors qu’elles n’en représentaient qu’une petite part il y a trente ans. L’immense majorité des personnes prostituées sont prises dans des réseaux de traites d’êtres humains. Elles sont victimes de violences très graves, vivent dans une précarité extrême et sont dans un état de santé très dégradé.

Enfin, je crois essentiel d’inscrire dans la loi que le corps – en l’occurrence presque toujours celui des femmes – ne peut pas être acheté. La loi française est un pas vers le progrès, elle prévoit des moyens – insuffisants – pour aider les personnes souhaitant sortir de la prostitution, elle considère la personne prostituée comme une victime et non comme une délinquante, et rappelle aux clients leur responsabilité dans ce système d’exploitation des femmes, mais la route est encore très longue.

Flash info - Semaine du 17 novembre 2014

Flash infoLOI ESS - A l’occasion du mois de l’économie sociale et solidaire (ESS), des films d’animation sont mis en ligne pour présenter de manière ludique les enjeux de la loi. Cette semaine : découvrez comment la #loiESS redonne du pouvoir d’agir aux salariés. Chaque année, 100 000 à 200 000 emplois sont supprimés suite à la disparition d’entreprises faute de repreneurs. La loi ESS apporte des réponses (décret du 28 octobre) notamment en reconnaissant le droit pour les salariés d’être informés préalablement à la vente de leur entreprise, pour éventuellement faire une offre. >> En savoir plus

MALTRAITANCE - A l’approche de la Journée internationale des droits de l’enfant, la Haute Autorité de santé publie une recommandation pour sensibiliser les professionnels de santé au repérage et au signalement de la maltraitance et met à leur disposition un outil interactif. La maltraitance des enfants est mal connue et certainement très largement sous-estimée dans la population française. Elle est également très largement sous déclarée par les médecins, avec à peine 5 % des signalements qui proviennent du secteur médical. >> En savoir plus

AGRICULTRICES - Créé en partenariat avec le ministère de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt, le guide « Femmes en agriculture. Vos droits ! » s’adresse aux femmes agricultrices ou souhaitant s’installer en agriculture, qu’elles soient cheffes d’exploitation, collaboratrices, salariées ou retraitées. Il leur présente de manière claire la marche à suivre pour bénéficier de l’ensemble de leurs droits sociaux, professionnels et personnels. >> En savoir plus

SIMPLIFICATION - Guidé par une volonté de simplification et d’amélioration des relations avec les citoyens, le Gouvernement a décidé qu’une absence de réponse de la part de l’administration pendant deux mois vaut désormais acceptation. Cette nouvelle règle, qui comprend des exceptions, est applicable aux demandes présentées à compter du 12 novembre 2014. >> En savoir plus

MIXITE DES METIERS - Marisol Touraine, Pascale Boistard et Najat Vallaud-Belkacem ont lancé la campagne nationale en faveur de la mixité des métiers, ce mercredi 19 novembre. Cette campagne déconstruit les stéréotypes dans le monde du travail et démontre qu’il n’existe pas de métier réservé aux femmes ou aux hommes. >> En savoir plus

FEMMES - Chaque année, plus de 200 000 femmes de 18 à 59 ans sont victimes de violences physiques ou sexuelles de la part de leur ancien ou actuel partenaire ; 83 000 femmes sont victimes de viol ou de tentative de viol et seules 13% d’entre elles déposent plainte. Le Gouvernement a fait de la prévention et de la lutte contre les violences faites aux femmes une priorité. La Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes du 25 novembre 2014 est l’occasion pour l’ensemble des acteurs de réaffirmer l’importance d’une mobilisation contre ces violences.Une carte recense l’ensemble des manifestations organisées à cette occasion sur les territoires. >> En savoir plus

DECROCHAGE SCOLAIRE - La lutte contre le décrochage scolaire est une priorité nationale pour laquelle des objectifs ambitieux ont été fixés. Le Premier ministre  et la ministre de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche présentent les mesures du plan de lutte contre le décrochage scolaire ce vendredi 21 novembre, autour de trois axes : la mobilisation de tous, le choix de la prévention, une nouvelle chance pour se qualifier. >> En savoir plus

Agenda - Semaine du 17 novembre 2014

AgendaLundi 17 novembre
visite de l’association Croq’livres - séance de travail à ma permanence parlementaire - rencontre avec Marie-Guite Dufay concernant le lycée Montjoux à Besançon - rendez-vous avec l’association des paralysés de France (APF)

Mardi 18 novembre
commission d’enquête sur l’impact de la réduction du temps de travail : audition du directeur de la Sécurité sociale

Mercredi 19 novembre
séance de travail sur le rapport de la commission d’enquête sur l’impact de la réduction du temps de travail

Jeudi 20 novembre
commission d’enquête sur l’impact de la réduction du temps de travail : auditions d’Emmanuel Macron (ministre de l’Economie, de l’Industrie et du Numérique), de la direction du Budget et de l’INSEE

Vendredi 21 novembre
séance de travail à ma permanence parlementaire - « Bleu blanc coeur - agriculture santé » au lycée agricole de Dannemarie-sur-Crète - colloque du Mouvement du Nid : « La prostitution en France : problématiques juridiques et humaines, bilan et perspectives » - permanence parlementaire à la maison de quartier de Montrapon

Samedi 22 novembre
inauguration de la nouvelle mairie de Chaucenne - exposition artisanale à Avanne-Aveney

Le modèle allemand, un mythe ?

En ces temps de célébration des vingt-cinq ans de la réunification allemande, et de retour de Berlin, je souhaite revenir sur ce que l’on appelle « le modèle allemand ». Il y a vingt-cinq ans paraissait également l’ouvrage de Michel Albert Capitalisme contre capitalisme, dans lequel il comparait les modèles rhénan et anglo-saxon. L’auteur y défendait le modèle allemand d’un capitalisme régulé, qui, selon lui, se caractérisait principalement par un financement de l’économie laissant peu de place aux marchés financiers et par des syndicats forts dans l’entreprise et la société.

Aujourd’hui la référence au modèle allemand semble au contraire être utilisée pour justifier des salaires plus bas (directs ou différés par le biais des cotisations sociales), le démantèlement de l’État providence et l’augmentation du temps de travail, au mépris de l’observation de la réalité, comme le démontre, de façon très convaincante selon moi, Guillaume Duval, rédacteur en chef d’Alternatives économiques. Dans Made in Germany, le modèle allemand au-delà des mythes, il soutient que le succès de l’économie allemande tient à l’importance accordée à l’industrie et à un système de formation qui favorise l’apprentissage et valorise les métiers manuels, à la décentralisation réelle et ancienne qui permet des territoires plus équilibrés, au poids des corps intermédiaires, singulièrement des syndicats, et à des modes de management, semble-t-il, moins autoritaires. À cela s’ajoutent des explications plus conjoncturelles liées au recul de la population allemande qui explique largement l’absence de bulle immobilière et un coût du logement beaucoup plus faible qu’en France, mais qui posera des problèmes de financement des retraites ; au lien privilégié des Allemands avec les pays d’Europe centrale et orientale, qui constituent une main-d’œuvre peu chère. Quant à leur niveau de chômage plus faible, il s’explique d’abord par la démographie.

En effet, l’Allemagne a perdu environ 500 000 habitants depuis dix ans, quand la France en a gagné 5 millions. Mais aussi, contrairement aux idées reçues, les Allemands ne travaillent pas davantage que les Français, car ils ont davantage réduit leur temps de travail global que nous ne l’avons fait. Eurostat évalue le temps de travail effectif moyen des salariés en heures à 35,3 en France et 34,6 en Allemagne. Cependant, leur répartition du travail s’est, à certains égards, faite de façon plus inégalitaire encore qu’en France. En effet, 45 % des Allemandes, contre seulement 30 % des Françaises, travaillent à temps partiel, souvent très partiel et peu protégé. De plus, on trouve nombre de petits boulots – le kurzarbeit – rémunérés moins de 450 euros par mois. Ce compte rendu est évidemment bien pauvre par rapport à une réalité beaucoup plus complexe et riche, que j’invite chacun à approfondir.

Barbara Romagnan

Chronique publiée dans L’Humanité le 17 novembre 2014