Crise de l’agriculture : remettre les producteurs au centre d’un système à repenser
Depuis plusieurs jours, plusieurs semaines parfois, une partie des agriculteurs du pays manifeste tout à la fois colère et détresse face à une situation qui s’est progressivement dégradée dans 3 secteurs principaux : l’élevage bovin, l’élevage porcin et la production laitière standard. La cause commune : une rémunération insuffisante des producteurs par l’aval des filières, qui ne permet plus de couvrir le coût de revient des productions et donc de dégager un revenu décent – parfois même un revenu tout court. En effet, entre le prix payé au producteur et le prix payé par le consommateur final, il y a actuellement une répartition de valeur qui n’est pas juste au niveau des intermédiaires de transformation (abattoirs, transport, grande distribution…), et ce, en dépit de l’accord interfilières intervenu dans le courant du mois de juin. Ce dernier, qui prévoyait une revalorisation progressive des prix chaque semaine, a eu des effets insuffisants même si la grande distribution semble plutôt avoir « joué le jeu ». A titre d’exemple, le prix du kilo de porc se situait aux alentours de 1,385 € alors que le prix de revient est autour de 1,40 €. Pour la viande bovine, l’écart est plus notable encore : 3,70 €/kg contre 4,50 €/kg en prix de revient. Et pour la filière laitière, les 1000 litres de lait standard se vendaient 280 € contre 340 € en prix de revient.
Cette crise, latente, est accentuée depuis la loi de modernisation de l’économie de 2008 qui a dérégulé les relations commerciales et renforcé la pression sur les petits producteurs et fournisseurs. Ainsi, les agriculteurs ne sont pas en position de force face aux grands abatteurs ou aux grandes centrales d’achats qui imposent des prix toujours plus bas, en prenant comme référence les prix pratiqués par les producteurs d’autres pays, notamment européens. Nous sommes donc là face à un choix de société, qui doit permettre de remettre les agriculteurs au centre du système de commercialisation, sans quoi, on prend le risque d’aboutir à une agriculture française ultra-concentrée dans de grandes unités de production et un approvisionnement essentiellement à l’extérieur de nos frontières.
Dès lors, comme il l’a fait depuis plusieurs mois, le Gouvernement a poursuivi sa mobilisation, en particulier pour faire pression sur les différents acteurs des filières d’élevage afin de respecter les engagements pris le 17 juin pour une remontée progressive des prix payés aux producteurs. C’est d’abord et avant tout le maintien de prix acceptables qui pourra fournir une juste rémunération des producteurs, porteuse d’avenir et de sérénité pour la profession. D’autres mesures, d’urgence, ont été prises pour soulager à court terme les exploitations les plus en détresse comme la restructuration des dettes, la prise en charge par l’État des charges financières des éleveurs les plus en difficultés, le report sur demande de la prochaine échéance des cotisations sociales et patronales, la mobilisation du fonds national de gestion des risques agricoles pour la sécheresse et la canicule. A moyen terme, des mesures structurelles doivent venir consolider les filières d’élevage, en particulier pour la promotion des filières de viande bovine, porcine et des produits laitiers tant au niveau national qu’européen, le développement de l’approvisionnement des restaurations collectives auprès de producteurs français.
Cette triple crise doit également interroger l’agriculture dans son ensemble – de l’amont à l’aval – sur les structurations à mettre en place, les équilibres à trouver pour valoriser les productions à leur juste prix et ainsi permettre à chacun de vivre convenablement de son travail. Un travail essentiel pour nous nourrir. C’est notamment ce qu’ont su faire, il y a plusieurs décennies, les acteurs de la filière Comté : les producteurs sont plus forts ensemble et restent au cœur d’une filière où ils conservent largement le pouvoir de décision, selon les principes chers aux coopératives et au système mutualiste.
Imprimer l'article | Cette entrée a été postée par Barbara Romagnan le 31 juillet 2015 à 11 h 32, et placée dans Développement durable et territorial. Vous pouvez suivre les réponses à cette entrée via RSS 2.0 Les commentaires et les pings sont fermés pour l'instant |
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about 1 month ago
La FNSEA porte une lourde responsabilité dans le développement démesuré des exploitations agricoles qui deviennent de véritables usines avec l’obligation d’une forte productivité pour garantir le maximum de rentabilité des rentes actionnariales qui accentuent la perte de revenus des agriculteurs condamnés, de ce fait, à devenir des exploités agricoles!!!
Le président de ce syndicat possède une place totalement ambiguë de par ses prises d’intérêt dans les multiples sociétés qu’il possède et qui créent des liens de dépendance inadmissibles pour les agriculteurs dignes de ce nom !
Cette situation agricole actuelle est malheureusement issue de visions politiques depuis les années 50 dans une optique de fonctionnement rationnalisé qui ne correspond absolument pas avec les équilibres naturels au sens du respect de la terre et des hommes.
J’apprécie vos remarques en la matière et ne peut qu’encourager vos prises de positions