Les résultats des élections sénatoriales ont dépassé les espérances de la gauche.

Dans le Doubs, il n’y avait aucun sénateur de gauche sortant. Les Socialistes, soutenus par les Verts et les Communistes, ont réussi une performance en emportant deux (Claude Jeannerot, Martial Bourquin) des trois sièges à pourvoir. D’autant que le vent du boulet est passé très proche du seul rescapé de la liste de droite (Jean-François Humbert). En effet, Danièle Nevers, conseillère générale du canton de Rougemont, a frôlé l’élection, à 9 voix près.

Ce résultat historique a sans doute quelque chose à voir avec le discrédit de la droite au pouvoir. On peut penser qu’il a aussi beaucoup à voir avec le travail des élus de la Majorité du Conseil général et la qualité de la relation qu’ils ont su entretenir avec l’ensemble des élus du département.

Au niveau national, la gauche a gagné 27 sièges, soit deux fois plus qu’espéré. Les femmes passent de 60 à 75 sur 343 élus, et parmi elles, trois sont issues de l’immigration. Enfin, la moitié des nouveaux élus ont moins de 60 ans (donc la moitié sont plus âgés). On est toujours loin de la diversité du pays, mais cela constitue d’incontestables progrès.

Néanmoins, le Sénat reste à droite. Et même si un jour il passait à gauche, il reste, à mon sens, une « anomalie démocratique », selon les termes de Lionel Jospin. En effet, ce bon résultat pour la gauche ne doit pas nous faire oublier les limites de cette assemblée.

A quoi sert le Sénat ?

Selon l’article 24 de la Constitution de 1958, « le Sénat est élu au suffrage indirect. Il assure la représentation des collectivités territoriales de la République ».

Plus concrètement, le Sénat forme, avec l’Assemblée nationale, le Parlement. Le Parlement vote les lois. A la différence de l’Assemblée nationale, le Sénat ne peut être dissout par le Chef de l’Etat. Comme les députés, les sénateurs étudient les textes de loi et les modifient en fonction de ce qui leur paraît le mieux ; ils peuvent également interroger les ministres sur leur action. Quand ils ne sont pas en sessions (elles se tiennent 120 jours par an), ils doivent être à l’écoute de leurs concitoyens pour bien connaître leurs difficultés et améliorer les lois à partir de cette expérience. Ainsi, le Sénat joue un rôle très important.

Mais le Sénat est également une anomalie démocratique.
Le Sénat est à la fois un frein aux réformes voulues par la majorité des Français et une assemblée illégitime en raison de son mode de désignation.

Un frein aux réformes voulues par le peuple
En raison de son pouvoir législatif le Sénat peut faire échouer les réformes proposées par l’Assemblée nationale. Il l’a déjà fait à de nombreuses reprises : saisine du Conseil constitutionnel par les justiciables, lutte permanente contre l’impôt sur le revenu ou l’impôt de solidarité sur la fortune, PACS, parité, etc. L’Assemblée nationale peut, elle aussi, faire échouer une réforme (et ce n’est pas parce qu’on appelle un texte « réforme » qu’il est forcément bon !). La différence, c’est que l’Assemble nationale, qu’on partage ou non les vues de sa majorité, est l’expression de la démocratie, du peuple. Le Sénat, lui, ne l’est pas.

La désignation des grands électeurs
Les Conseils municipaux des communes de moins de 500 habitants (qui abritent 7% de la population) désignent 16 % des grands électeurs. Ceux des communes de 500 à 1500 habitants (15 % de la population) en désignent 25 %. Seules les villes comprises entre 1500 et 15 000 habitants sont à peu prés équitablement représentées. Mais la France urbaine (plus de la moitié de la population dans les villes de plus de 190.000 habitants) ne dispose que de 30,8 % des délégués.

Ainsi, les électeurs sont ceux que l’on appelle les grands électeurs. C’est une forme de suffrage censitaire. Autrefois, pour voter, il fallait payer le cens, un impôt. Pour le payer, il fallait en avoir les moyens. Ainsi, seuls les plus riches pouvaient voter. Aujourd’hui, pour l’élection sénatoriale, seuls ceux qui sont déjà détenteurs d’un mandat peuvent voter. De plus, ces grands électeurs n’ont pas tous le même poids.

Ces dispositions influent évidemment sur la sociologie de la Chambre. Ce sont des élus (principalement ruraux) qui désignent des élus. Ils sont plus enclins à choisir des hommes, plutôt de droite et pas parmi les plus jeunes. Cela parce qu’il est souvent nécessaire d’être déjà élu pour avoir une chance d’être sénateur et que les jeunes élus sont rares. Cela également parce que jusqu’à la dernière réforme du début des années 2000, il fallait avoir au moins 35 ans pour pouvoir être candidat, cette majorité a été baissée à 30 ans. Ce mode de désignation favorise également les élus qui cumulent parce qu’un candidat au Sénat qui ne serait pas déjà élu aurait des chances moindre de se faire élire.

Réformer le Sénat pour le rendre démocratique ?

Son illégitimité démocratique serait aisément corrigée par un double changement : celui de la circonscription de son élection qui pourrait être la Région et celui du mode de scrutin qui devrait être la représentation proportionnelle intégrale.

Pour cela, 2 procédures sont possibles. Soit le Parlement (Assemblée Nationale et Sénat) propose une révision, soit c’est le Premier ministre qui propose une révision en accord avec le Président de la République (donc il faut que les deux se mettent d’accord). Enfin, la validation doit venir d’un vote à la majorité des 3/5èmes du Parlement (dans ce cas, l’accord du Sénat est nécessaire et très peu probable) ou, si le Président le propose, d’un référendum.

Un tel blocage devrait renforcer le camp de ceux qui estiment que, sur ce point comme sur d’autres, le déséquilibre de la Vème République n’est pas amendable et qu’il vaut mieux s’employer à l’avènement d’une VIème République.

Le Sénat est une institution qui favorise les élus qui cumulent, qui évite les femmes. Il est également un frein au renouvellement et n’est pas représentatif de la population française.

De gauche ou de droite, républicains et démocrates, je crois que nous devons tous avoir le souci de démocratiser les institutions et de limiter de façon drastique le cumul des mandats, au Sénat y compris.

L’élection au Sénat constitue également un enjeu politique majeur. Je suis opposée au cumul des mandats, mais surtout socialiste. Quand on est de gauche, on doit faire le maximum pour envoyer des personnes de gauche au Sénat afin qu’une autre voix puisse se faire entendre dans cette assemblée et qu’il y ait un minimum de contrepoids au pouvoir sans partage de la droite et de Nicolas Sarkozy au niveau national, qui mènent une politique qui aggrave les méfaits de la mondialisation libérale sur la population, singulièrement sur les plus fragiles.

Bien à vous,

Barbara Romagnan