Etrangers : refusons une justice d'exception - Tribune dans Libération
Le lieu où la justice est rendue n’est pas anodin, surtout lorsque cela concerne une population bien ciblée…
Pourtant, sous peu, des audiences délocalisées pourraient se tenir au bord des pistes de l’aéroport de Roissy, à proximité du centre de rétention du Mesnil-Amelot ou de la ZAPI (zone d’attente pour les personnes en instance).
Décidées par les gouvernements précédents, la nouvelle annexe du Tribunal de grande instance de Meaux permettra très probablement, dès lundi prochain, au juge de confirmer ou non les décisions d’éloignement du territoire français, tandis que la salle d’audience du Tribunal de grande instance de Bobigny, destinée au juge amené à se prononcer sur les maintiens en zone d’attente, ouvrira à bref délai.
A la barre, les demandeurs seront nécessairement de nationalité étrangère.
Pratique d’être jugé à la sortie de l’avion ont dit certains, dans de meilleurs conditions ont dit d’autres, toujours est-il qu’il y a là des risques d’atteinte à ce que doit être, à notre sens, une justice républicaine.
Il y a en effet, tout d’abord, un risque d’atteinte à l’indépendance et à l’impartialité des juges, ou a minima à l’apparence de l’indépendance de la justice, telle que garantie par la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH). En effet, le fait que les audiences se déroulent dans l’enceinte où se trouvent les bâtiments d’enfermement, que l’environnement soit un espace clos par des barrières, y compris dans la salle d’audience pour l’annexe du TGI de Meaux, peut entrainer une confusion pour l’étranger justiciable comme pour le public. A ce titre, les témoignages des étrangers jugés à Cornebarrieu dans une salle d’audience accolée au centre de rétention de Toulouse sont particulièrement révélateurs.
On peut ensuite sérieusement se demander si les garanties des droits de la défense, indispensables à l’équité du procès seront correctement respectées. Les avocats ont en effet exprimé de vives inquiétudes quant à la possibilité matérielle pour les familles d’apporter des éléments de preuves aux prétentions des étrangers. Le déplacement est onéreux (environ 20 euros par personne pour l’aller-retour depuis Paris) et la proximité avec les lieux de l’administration peut être dissuasive.
Enfin, il n’est pas certain que le principe constitutionnel de publicité des audiences soit respecté. La justice, parce qu’elle est rendue en notre nom à tous, doit être accessible. Or, il n’y a aujourd’hui, aucune signalisation de ces lieux et ceux-ci sont très mal desservis par les transports en commun (environ 2 heures depuis Paris avec 3 à 4 moyens de transports différents et dix minutes de marche environ). Dans ces conditions, la publicité des audiences, essentielle en matière de liberté individuelle, est pour le moins mise à mal et l’on a véritablement l’impression d’une justice rendue à l’abri du regard des citoyens.
C’est pourquoi, notre engagement politique en faveur de l’égalité et des valeurs républicaines nous amène aujourd’hui à demander que les audiences en matière de rétention et d’admission sur le territoire français se tiennent dans les Palais de justice.
Barbara ROMAGNAN, députée du Doubs
Pouria AMIRSHAHI, député des Français de l’étranger
Colette CAPDEVIELLE, députée des Pyrénées-Atlantiques
Fanélie CARREY-CONTE, députée de Paris
Sergio CORONADO, député des Français de l’étranger
Matthias FEKL, député du Lot-et-Garonne
Hélène FLAUTRE, députée européenne
Laurent GRANDGUILLAUME, député de la Côte d’Or
Chantal GUITTET, députée du Finistère
Jean-Yves LECONTE, sénateur représentant les Français établis hors de France
Axelle LEMAIRE, députée des Français de l’étranger
Michel POUZOL, député de l’Essonne
Denys ROBILIARD, député du Loir-et-Cher
Bonjour,
J’habite au 43 grande rue, où logent les demandeurs d’asile du Cauda. En 8 années, j’ai discuté avec beaucoup d’entre eux; ils sont tous là pour des motifs économiques ou de santé (exemple: 2 Kosovars de 60 ans, l’une diabétique au dernier degré, triple pontage cardiaque, lui, presqu’aveugle, 2 opérations aux yeux, le tout pendant les procédures de régularisation). Aujourd’hui: titre de séjour humanitaire, ils ont plus de 65 ans.
Les procédures mises en place permettent de différer les expulsions de 4 années (Ofpra, décision de rejet, CANA, appel, nouvelle demande humanitaire, rejet, appel. Entre temps, ils ne peuvent travailler et les enfants sont parfaitements intégrés et il est en effet totalement inhumain de les faire partir. Je vous renvoie à l’article 15 de la déclaration universelle des droits de l’homme de 1789: tout agent public doit rendre des comptes. Madame la député, je pense que c’est là une des causes du désamour que d’aucuns éprouvent pour leurs élus. Je précise que dans ma carrière (je suis un ami de Moniotte), j’ai été responsable de la sûreté du Tunnel sous la Manche et que j’ai participé à la mise en place du centre de Coquelles. L’appel d’air a été immédiat. Si cela vous intéresse, je peux vous faire une description de ce qui se passe avec le Cauda, notamment la location faite auprès d’un propriétaire de meublés, sans appel d’offre préalable (directive sur les marchés publics), accompagnement des migrants pour le moins léger (je m’adresse à Hygiène sociale de FC lorsqu’un nouvel arrivant jette ses poubelles par les fenêtres).
Alors oui, la procédure que vous combattez est utile, je dirai même indispensable pour éviter les situations du type de celles rencontrées avec la lycéenne expulsée de Pontarlier.
Salutations
A Degiron