Les questions d’environnement, d’écologie, de développement durable me tiennent particulièrement à coeur. Les bouleversements qui s’annoncent sont à la fois une menace et un formidable défi. Une menace par leur ampleur et leur simultanéité. Mais aussi un formidable défi à relever ensemble, générateur de richesses, d’emplois, de modes de vie plus respectueux.

Aujourd’hui, 1er avril, Nicolas Hulot et la plupart des ONG environnementales appellent à la mobilisation avec l’opération "Votons pour la planète : pour que le pacte écologique ne soit pas un poisson d’avril". Cette date symbolique est, pour moi, l’occasion de revenir sur cette thématique, sur cet enjeu fondamental des prochaines échéances électorales.

Pendant des siècles, notre histoire s’est confondue avec celle du progrès technique. Désormais, l’agriculture permet de nourrir plusieurs milliards de personnes chaque jour. Les révolutions industrielles nous donnent un accès immédiat à un grand nombre de produits. Les distances géographiques se sont considérablement réduites grâce aux transports. L’eau et l’électricité sont disponibles en abondance dans les pays occidentaux.

Pourtant, notre planète n’est pas extensible à l’infini, et nous sommes de nouveau confrontés aux contraintes de la nature. Les constats font consensus, grâce à Al Gore, à Nicolas Hulot, aux scientifiques qui nous alertent depuis des décennies, à tous les citoyens investis dans le combat écologique : explosion démographique, raréfaction de l’eau potable et des ressources fossiles, perturbations climatiques, perte de biodiversité et dégradations de notre environnement…

En tête des préoccupations, on trouve le climat. Les gaz à effet de serre, et notamment le gaz carbonique, absorbent une part de la radiation de la terre vers l’espace et contribuent à réchauffer l’atmosphère. Les experts (réunis dans un groupe international, le GIEC) ont établi que le changement climatique n’est pas une fiction, et que les activités humaines en sont l’une des principales causes. Ce que l’on peut dire aujourd’hui avec certitude, c’est que la température sur terre augmentera de 1,4° C à 5,8° C d’ici 2100, que le niveau des mers s’élèvera de 10 à 90 cm, menaçant l’habitat de centaines de millions de personnes, souvent les plus pauvres, et que des phénomènes "extrêmes" se multiplieront : inondations, sécheresse, tempêtes, invasion d’insectes…

A partir de ces travaux, des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre ont été fixés. Pour limiter l’augmentation globale de la température, les pays industrialisés devraient ainsi diviser par quatre ces émissions d’ici 2050. Assumer cet objectif de maîtrise du changement climatique, c’est aussi répondre à d’autres enjeux, comme celui de la perte de biodiversité, car les deux phénomènes sont physiquement très liés. C’est également relever le défi de la fin de l’ère du pétrole bon marché et de la disparition progressive des ressources fossiles. Le chiffre le plus significatif est celui de la durée d’exploitation du pétrole. Du strict point de vue de la ressource disponible estimée, cette durée oscille entre 36 et 44 ans, selon les spécialistes. Or, la demande augmentera encore dans les décennies à venir, suivant les courbes de croissance de la population mondiale et des économies des pays émergents comme la Chine. En toute logique, après l’accalmie actuelle, le prix du baril augmentera.

Si rien n’est fait, les plus touchés seront les pays en développement, dont la dépendance énergétique est forte, ainsi que les personnes les plus défavorisées dans les pays riches, qui auront du mal à adapter rapidement leurs déplacements, leur alimentation et leur habitat. Il est donc vain de chercher à opposer les exigences environnementales aux besoins sociaux.

L’ampleur des enjeux évoqués peut engendrer une attitude catastrophiste. Nous ne sommes pas en train de parler de la fin du monde ou du retour à l’âge des cavernes. Mais pour ne pas subir le scénario du pire, celui d’une crise énergétique brutale sur fond de guerre du pétrole, celui d’une rupture climatique dont on ne soupçonne pas encore les conséquences, nous devons voir à long terme. Au-delà d’un quinquennat. Et faire preuve de volontarisme, au-delà d’une réintroduction de l’ours dans les Pyrénées ou d’une campagne contre le gaspillage de l’eau lors du brossage des dents.

Il n’existe pas de modèle ou de technologie clef en main qui permettrait de répondre à tous les problèmes posés. Nous devons jouer sur tous les tableaux : la recherche scientifique, la mobilisation citoyenne et l’action publique. Plusieurs échelons sont concernés, des collectivités locales aux institutions internationales. Les communes peuvent agir contre l’étalement urbain, très coûteux en énergie. Elles peuvent favoriser le développement des transports collectifs pour rendre moins nécessaire l’usage de la voiture individuelle. A l’autre bout de la chaîne, l’organisation mondiale du commerce peut - ou non - choisir d’intégrer la dimension environnementale dans les échanges économiques. La banque mondiale peut - ou non - réserver une partie de ses financements à des politiques de transition énergétique.

Aux échelles nationale et communautaire, qui sont étroitement imbriquées, nous devons actionner une multitude de leviers. A terme, l’effort qui sera consenti pour, par exemple, diminuer notre dépendance au pétrole, permettra de réaliser des économies substantielles. Mais il faut associer le plus grand nombre de personnes à cet effort, en combinant contraintes et développement des alternatives. Nous pouvons dès lors formuler quelques propositions :

L’instrument qui semble le plus approprié est celui de la fiscalité, car il permet de faire évoluer les comportements tout en dégageant des marges de financement pour les politiques publiques. Ségolène Royal souhaite une taxe de lutte contre les changements climatiques, en complément de la TIPP et de nouvelles taxes sur le transport de marchandises, sur le kérosène et sur les véhicules les plus polluants. Son taux serait connu à l’avance, afin de préparer les consommateurs et les acteurs économiques. Les sommes perçues ne seront pas perdues. L’argent ne disparaîtra pas mystérieusement dans les caisses de l’Etat. Au contraire, il permettra de financer des alternatives au pétrole, dont le bénéfice sera collectif. Il alimentera également un fonds de soutien aux ménages fragilisés par l’augmentation des prix et aux personnes qui, vivant en milieu rural ou périurbain, n’ont pas d’autre solution que de se déplacer en voiture. Dans l’idéal, cette fiscalité devrait être européenne.

L’Union européenne doit aller au-delà des objectifs fixés par le protocole de Kyoto. Pour cela, elle doit instaurer une taxe sur les produits qui entrent en Europe, dont le "bilan carbone" est mauvais et qui proviennent de pays non engagés dans la lutte contre l’effet de serre. Cette taxe ne serait pas appliquée aux pays en développement.

L’Union européenne, et, à défaut, la France, doit renforcer ses exigences auprès des constructeurs automobiles en matière de consommation des moteurs. Elle doit également durcir la réglementation dans le domaine de l’habitat. Notre pays doit anticiper ces nouvelles normes et lancer un vaste plan de rénovation des bâtiments existants et de formation des professionnels de ce secteur. Il ne s’agit pas d’une utopie, car les sommes investies seront amorties en quelques années grâce aux économies réalisées notamment sur la facture de chauffage. Sans compter les nombreuses créations d’emplois à la clef. C’est de la responsabilité du politique de lancer ce grand mouvement.

La France doit se défaire d’une politique du tout routier et renoncer à des projets jugés inutiles. Cela dégagerait des marges pour financer - enfin - des infrastructures ferroviaires vraiment efficaces.

Notre pays doit encourager le développement de l’agriculture biologique et des filières dites "courtes" qui rapprochent le producteur du consommateur. Dans le même temps, l’Union européenne doit réformer la politique agricole commune pour réorienter les aides accordées aux agriculteurs.

Nous ne pourrons pas nous limiter à un catalogue de mesures. L’objectif est global. Il concerne tous les leviers de la décision publique et de la création de richesses. Parler de développement durable, c’est dire quelle société nous voulons construire pour 2030, 2050 et après. C’est une occasion d’inscrire dans la durée des choix collectifs ambitieux. Le développement durable, c’est de la politique à l’état pur.