Une ville d’Argentine interdit les concours de beauté : une initiative citoyenne
Le conseil municipal de la ville de Chivilcoy en Argentine a décidé en décembre dernier d’interdire les concours de beauté destinés aux femmes, au motif qu’ils constituaient « une pratique discriminatoire et sexiste », et les a remplacés par des cérémonies de récompenses citoyennes. Ces concours récompensaient la grâce et la beauté de jeunes-femmes âgées de 15 à 25 ans et leur donnait la possibilité, en cas de victoire, de représenter leur ville. Suite à cette interdiction, au lieu de défiler habillées puis en maillot de bain et d’être évaluées sur leurs critères physiques, les jeunes femmes de la ville peuvent désormais, au même titre que les hommes, être distinguées pour les actions bénévoles au bénéfice de la société.
On ne peut que saluer une telle décision, qui n’est pas sans rappeler celle de la loi relative à l’égalité entre les femmes et les hommes votée en 2013 d’interdire les concours de mini-miss aux adolescentes âgées de moins de 16 ans.
Ces concours de beauté, presque exclusivement destinés aux femmes, aux jeunes femmes - voire aux petites filles - réduisent l’identité et la valeur de la femme à sa seule apparence extérieure, et développe l’idée qu’elle ne vaudrait que pour ses qualités physiques et son inclination à s’exposer. Cette dynamique de chosification constitue une négation violente des droits de la personne humaine, qui se retrouve niée dans sa dimension individuelle de singularité.
Des pratiques violentes et discriminatoires
En érigeant comme modèle des canons de beauté très particuliers, - notamment la maigreur et l’extrême jeunesse -, ces événements contribuent à exclure toutes celles qui en diffèrent. Ne pas être belle est alors synonyme d’un statut social moindre, et d’un moindre droit à la considération, au respect, à la dignité. La diffusion et la célébration d’un modèle stéréotypé conditionnent les enfants - filles comme garçons - en influençant à un âge décisif la construction de leur échelle de valeurs. Il trace un chemin extrêmement périlleux à suivre, et favorise le mal-être et les troubles tels que l’anorexie ou la boulimie, - parce que ces compétitions ne ménagent aucun espace à celles qui ne correspondent pas aux critères de sélection.
Il est par ailleurs attesté que cette image réductrice de la femme encourage les comportements violents à leur égard, de même que les agressions sexuelles, car elle valide l’idée que la femme ne serait qu’un objet esthétique, destiné à être exposé et comparé. Car ces concours ont bien pour toile de fond un horizon sexuel, plus ou moins implicite ; les défilés en bikini le montrent assez. Quand on sait qu’en moyenne en France plus de 16% des femmes déclarent avoir été agressées sexuellement, on peut raisonnablement s’interroger sur l’opportunité de telles compétitions, qui présentent la femme comme un corps sexuellement disponible, au détriment de son libre-arbitre. Loin de constituer un divertissement innocent, les concours de beauté sont une compétition violente et injustifiée, et participent de fait à la division sexuée de la société.
Les remplacer par des récompenses visant à mettre en valeur l’engagement en faveur de la collectivité constitue à mon sens une proposition à la fois plus ambitieuse pour la jeunesse et plus saine pour la société.
Imprimer l'article | Cette entrée a été postée par Barbara Romagnan le 15 janvier 2015 à 13 h 01, et placée dans Culture et éducation. Vous pouvez suivre les réponses à cette entrée via RSS 2.0 Les commentaires et les pings sont fermés pour l'instant |
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