Je souhaite vous faire partager la lecture de cette tribune de Claire Alet, journaliste au magazine Alternatives économiques, parue dans Libération il y a quelques jours au sujet de l’égalité femmes-hommes. Cela permet d’alimenter nos réflexions en vue du futur projet de loi qui sera présenté en conseil des ministres très prochainement et sur lequel je m’impliquerai.

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Claire AletLe 23 mai, une étude de l’Institut national d’études démographiques (Ined) faisait le buzz : «Près d’un enfant de parents séparés sur cinq ne voit jamais son père.» Libération se faisait d’ailleurs l’écho de cette publication en concédant qu’elle «fournit, bien malgré elle, de la rancœur à remâcher à ceux qui clament que les pères sont les parents pauvres du divorce». Le pédopsychiatre Marcel Rufo reprenait de son côté les résultats de cette étude sur France Inter dans une de ses chroniques matinales, en s’interrogeant sur les risques pour les enfants de ne jamais voir leur père.

Mais quelques jours plus tard, une autre publication, d’un autre organisme public, ne faisait elle, aucun bruit. La Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, la Drees (1), montrait que dans un couple le temps consacré aux enfants, sans la présence de l’autre conjoint, est en moyenne d’une heure et vingt et une minutes par jour pour les femmes et de trente et une minutes pour les hommes. De plus, les mères s’occupent davantage des soins et des déplacements des enfants, quand les pères se consacrent aux activités de sociabilité et de loisirs. Autrement dit, les hommes s’investissent majoritairement dans des activités parentales plus valorisées.

Mettons en parallèle ces deux publications. Est-ce que le constat de l’une n’expliquerait pas les résultats de l’autre ? Si les tâches parentales étaient mieux équilibrées entre les pères et les mères lorsqu’ils sont en couples, cela ne permettrait-il pas un partage plus équitable au moment du divorce ?

Les associations de pères, qui dénoncent à juste titre cette iniquité au moment du divorce, rappellent souvent que trois enfants sur quatre résident chez leur mère. Ce qui est confirmé par les chiffres du ministère de la Justice. Mais une autre statistique est moins connue : la moitié des divorces impliquant des enfants mineurs sont des divorces par consentement mutuel. Cette procédure implique que les deux époux en cours de séparation déposent devant le juge une requête dans laquelle ils doivent se mettre d’accord sur les points principaux, dont la garde des enfants. Le juge ne fait que valider cette requête. Or, dans les divorces par consentement mutuel, la résidence des enfants est fixée chez la mère dans 72 % des cas.

LibérationEn clair, cette organisation de la garde des enfants émane bien plus souvent qu’on ne le croit de la demande même des couples. Et non de femmes juges qui discrimineraient volontairement les pères.

Mais pourquoi les parents demandent-ils si souvent une résidence chez la mère ? Du fait de la force des habitudes, installées alors qu’ils étaient encore en couple. Et qui assignent la mère aux soins des enfants, comme le montre l’étude de la Drees. Ces habitudes prennent elles-mêmes racine dans les stéréotypes qui attribuent aux femmes une plus grande compétence en la matière. Ce qui est bien sûr erroné, les pères ayant les mêmes capacités à s’occuper de leurs enfants.

Pour inciter à cette égalité, des moyens sont possibles : rendre obligatoire le congé de paternité (qui dure onze jours) juste après l’accouchement, afin d’installer dès la naissance une juste répartition des soins entre la mère et le père. Par ailleurs, la réforme du congé parental (jusqu’aux 3 ans de l’enfant actuellement), annoncée par Jean-Marc Ayrault et qui sera incluse dans la loi pour l’égalité entre les hommes et les femmes présentée début juillet, doit aller plus loin. Elle va certes dans le bon sens en prévoyant que le congé parental soit raccourci à deux ans et demi après la naissance de l’enfant et que les six mois supplémentaires ne puissent être pris que par l’autre conjoint, pour ne pas dire le père. Mais pour véritablement inciter ces derniers à utiliser ce congé parental (2), il faudrait que le temps à partager entre les deux parents soit égal et la durée totale plus courte et mieux indemnisée. A l’image de ce qui se fait en Norvège ou en Suède. Autant de mesures qui participeraient aussi à la lutte contre les stéréotypes. Car l’égalité entre les pères et les mères ne se décrètent pas le jour du divorce. Elle s’instaure au quotidien, dès la naissance de l’enfant.

Claire Alet

(1) Le temps consacré aux activités parentales, Drees, n° 841, mai 2013.

(2) Les pères ne représentent que 3,5 % des personnes en congé parental.