Les 35 heures, horreur économique pour la droite, sont aussi décriées par une partie du PS qui n’assume plus LA réforme des années Jospin. La députée socialiste Barbara Romagnan, auteure d’un rapport parlementaire, plaide, elle, pour une nouvelle réduction du temps de travail.
« Il n’y aura pas de remise en cause des 35 heures. » Dimanche soir sur France 2, le premier ministre Manuel Valls a exclu de légiférer à nouveau sur le temps de travail. Il n’y aura donc pas de discussion sur le temps de travail dans la loi Macron, présentée ce mercredi en conseil des ministres, un texte qui concerne pêle-mêle les professions réglementées, le travail du dimanche, la réforme des prud’hommes ou des mesures pour encourager l’investissement (lire notre article).
Le débat sur cette réforme emblématique des années Jospin (1997-2002) continue pourtant de faire rage. Inlassablement, la droite en fait la cause de bien des maux de l’économie française. Au PS aussi, les 35 heures sont désormais loin de faire l’unanimité. Avant d’être nommé ministre de l’économie, Emmanuel Macron voulait les vider de leur substance en facilitant les accords dérogatoires. Devenu ministre, il plaide désormais pour une plus grande flexibilité de la loi, regrettant que les 35 heures aient donné aux investisseurs étrangers l’impression « que les Français ne voulaient plus travailler ». Manuel Valls a toujours rêvé de les « déverrouiller ». La charte des États généraux, adoptée ce week-end par le PS, fait même l’impasse sur la réduction du temps de travail.
En juin dernier, l’UDI (centristes) a demandé la tenue d’une commission d’enquête sur « l’impact sociétal, social, économique et financier de la réduction progressive du temps de travail ». Près d’une quarantaine de personnes ont été auditionnées. Le rapport, qui sera rendu public la semaine prochaine, a été adopté mardi 9 décembre, par douze voix (PS et Front de gauche) contre quatre (UMP et UDI).
Thierry Benoît, le président UDI de la commission d’enquête, explique à Mediapart ne pas l’avoir voté « car il conforte l’idée que les 35 heures sont positives et qu’il faut aller encore plus loin, vers les 32 heures ». « Loin d’aller dans le sens d’une réhabilitation de cette mesure, les auditions ont montré combien le dispositif était rigide et très complexe, dit-il. Par ailleurs, la réduction du temps de travail s’est appliquée de façon très différente dans le privé et dans le public. » Pour se faire une idée précise de la teneur des débats, on peut retrouver ici l’ensemble des auditions.
Depuis quinze ans, les 35 heures sont devenues un thème incontournable du débat politique. Ses partisans s’y référent pour prouver que l’État peut encore créer de l’emploi, à condition de le vouloir. Ses opposants y voient la cause, ou le symptôme, de tous nos archaïsmes supposés : faiblesse industrielle, compétitivité en berne, hausse du coût du travail alors que l’Allemagne réduisait ses salaires, voire paresse des salariés français. Pourtant, quinze ans après leur mise en œuvre, la durée légale du travail est toujours de 35 heures. Vilipendée, assouplie à plusieurs reprises (en 2003, en 2007, etc.), la loi n’a jamais été remise en cause. Pas même par Nicolas Sarkozy qui avait promis de leur tordre le cou. « Nous tuons régulièrement les 35 heures mais (…) elles sont toujours vivantes », s’est amusé l’ancien directeur de cabinet de Martine Aubry lors de son audition par les députés.
Entretien avec l’auteure du rapport, la socialiste Barbara Romagnan, proche de l’aile gauche du PS. Elle plaide pour la poursuite du mouvement historique de réduction du temps de travail, sous d’autres formes.