Elle ActiveInterview réalisée par Clémence Leveau

Jusqu’au mois de septembre, elle va travailler dans l’ombre. Barbara Romagnan, députée du Doubs, a été nommée co-rapporteure du projet de loi-cadre sur l’égalité entre les femmes et les hommes, en charge du volet égalité professionnelle. À ce titre, elle va rencontrer militant(e)s, chercheur(e)s, responsables associatifs et syndicaux ou encore dirigeant(e)s d’entreprises, pour « préciser, compléter, enrichir » l’existant, avant les débats au Parlement, attendus pour l’automne. Interview.

ELLE.fr : Depuis une soixantaine d’années, huit lois ont été adoptées sur l’égalité professionnelle, sans pour autant être appliquées. Celle-ci va-t-elle vraiment changer quelque chose ?

Barbara Romagnan : Dire que les lois n’ont pas été appliquées depuis soixante ans me paraît être un postulat faussé. L’application peut sembler lente et incomplète, mais on constate tout de même des avancées : on ne peut pas nier, par exemple, l’augmentation du nombre d’accords sur le sujet en entreprise. Quoi qu’il en soit, les constats imposent une réaction législative et nous sommes mobilisés pour que la loi ait des conséquences positives sur l’égalité. Mais c’est vrai que l’égalité femmes-hommes n’est pas qu’une « affaire de loi », il faut aussi faire bouger les mentalités. Cela demande du temps.

ELLE.fr : Quelles pistes de réflexions allez-vous privilégier en matière d’égalité professionnelle ?

Barbara Romagnan : Nous allons travailler sur celles qui sont déjà incluses dans le projet de loi (conciliation vie privée/vie professionnelle, respect par les entreprises des règles favorisant l’égalité professionnelle, familles « monoparentales »…), mais il faudra aussi aborder la question de la santé des femmes au travail. Selon les statistiques, elle se serait détériorée ces dernières années, alors que c’est plutôt l’inverse pour les hommes. Il faut donc agir sur ce point.
De même, il est nécessaire de réfléchir à la revalorisation de compétences que l’on considère comme plus ou moins « innées » aux femmes (le sens du contact vis-à-vis des plus jeunes et des plus âgés, l’attention, l’écoute, le ménage…) et qui sont par conséquent sous-payées dans les métiers qui les requièrent. Ce n’est pas normal.

ELLE.fr : Pour nombre d’acteurs de l’égalité professionnelle, la loi est très incomplète sur le volet égalité professionnelle. Que leur répondez-vous ?

Barbara Romagnan : Les mesures principales présentées par la ministre des Droits de femmes, Najat Vallaud-Belkacem, sont des avancées importantes et attendues pour tous les militant(e)s de l’égalité. Les premières auditions que nous avons réalisées ont, à ce titre, été révélatrices. Les femmes sont encore trop souvent perçues comme des mères ou des mères en devenir. Du coup, le fait qu’elles aient moins de primes ou d’avancements paraît justifié, quand elles sont au chômage cela semble moins grave que pour un homme… Il faut combattre cela et je pense que c’est la vocation de ce projet de loi. J’invite tous ceux qui voudraient aller plus loin à formuler leurs propositions, et à agir dans la société de la façon qui leur semble la plus appropriée pour faire avancer l’égalité femmes-hommes. Nous avons besoin du concours de tous.