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Eco-taxe : l’arbre qui cache la forêt
28/10/13
Les scènes de colère et de désespoir qui défilent ce week-end ne sont pas anodines, elles révèlent une crise plus profonde d’un modèle français plus agroalimentaire qu’agricole. La même crise qui se donne régulièrement à voir au fil de l’aberrante répartition des aides de la Politique agricole commune (PAC) et la course aux plus grosses exploitations au détriment des plus petites. Comme si le scandale de la viande de cheval ne suffisait pas, la colère des agriculteurs bretons paraît être pour certains une nouveauté. Pourtant, l’éco-taxe poids lourds qui rentrera en vigueur en janvier 2014 et semble cristalliser la colère, n’est ni le fossoyeur, ni la solution miracle, de ce modèle à bout de souffle, simplement une mesure de fiscalité écologique qui n’arrive peut-être pas au meilleur moment.
L’écotaxe vise à faire payer l’usage des routes, en dégageant des recettes pour financer les infrastructures de transport, et, à terme en incitant à modifier les comportements. Le but est donc clair, celui de réduire les émissions de gaz à effet de serre du transport routier, mais également celui de relocaliser des productions agricoles elles-aussi soumises au libre-échange, à la baisse des coûts, au moins-disant social et environnemental, au dogme de la quantité au détriment de la qualité.
Ils ont raison d’être en colère, car de ce modèle agroalimentaire que d’autres appelleront « malbouffe », les victimes sont encore une fois les mêmes. D’un côté les petits exploitants agricoles, déjà étouffés par les marges de la grande distribution, de l’autre, des consommateurs, et pas n’importe lesquels. Ce sont encore une fois celles et ceux qui ne peuvent se permettre de regarder l’origine du produit ou sa composition avant son prix. Celles et ceux une fois encore qui sont les plus exposés aux maladies cardio-vasculaires, au diabète, aux aliments trop gras, trop salés, trop sucrés. Alors, que l’on ne me dise pas que l’écologie est une préoccupation de riches.
Rétablir quelques contre-vérités
Mme Pécresse, M. Copé ont beau jeu de critiquer un dispositif qu’ils ont eux-mêmes mis en place suite au Grenelle de l’environnement, et dont la mauvaise gestion n’avait fait jusque-là que retarder la mise en place, tout cela relève pourtant d’une hypocrisie sans nom.
Cette mesure est plutôt saine, et contrairement à ce qui certains laissaient entendre, elle ne pénalisera pas l’agriculture française. S’appliquant équitablement aux véhicules français, comme aux véhicules étrangers, elle n’introduit pas de concurrence déloyale. Conscient des difficultés que traverse la filière agricole française, notamment laitière, le Gouvernement en a épargné les véhicules agricoles et de collecte de lait. En pratique, pour certaines marchandises avec peu de transport et des circuits courts, l’impact serait de 0.1%. 1 kg de tomates produit en Aquitaine vendu en Rhône Alpes verra par exemple son prix augmenter de 0,01€ selon le ministère des Transports.
Ecotaxe poids lourds et cabotage routier : deux préoccupations des transporteurs
8/10/12
Ce lundi, j’ai rencontré à sa demande le secrétaire général de l’OTRE (organisation des transporteurs routiers européens), l’un des syndicats professionnels regroupant des TPE et PME du secteur des transports routiers. Ce rendez-vous, qui faisait suite à des échanges de courriers pendant les élections législatives, a été l’occasion d’aborder plus en détail deux sujets de préoccupation de ces professionnels : la mise en œuvre de l’écotaxe poids lourds et la libéralisation du cabotage routier.
Voici quelques éléments synthétiques de présentation.
L’écotaxe poids lourds
Elle était présentée comme novatrice, ambitieuse et nouvelle par le précédent Gouvernement, Jean-Louis Borloo et Nathalie Kosciusko-Morizet en tête, directement issue de la concertation du Grenelle de l’environnement… L’écotaxe poids lourd est en fait une mesure recommandée par l’Union européenne. L’Allemagne n’a, au contraire de la France, pas perdu de temps dans sa mise en œuvre puisqu’elle a été instaurée dès 2005.
Cette écotaxe a pour objectifs de :
- réduire les impacts environnementaux du transport routier de marchandises en favorisant les autres modes de transport grâce à un mécanisme de répercussion de la taxe sur les chargeurs
- rationaliser à terme le transport routier sur les moyennes et courtes distances
- financer les nouvelles infrastructures nécessaires à la politique de développement intermodal des transports.
Cette taxe est importante à plus d’un titre :
- Fiscalement : les rentrées fiscales peuvent être potentiellement très importantes. L’Etat les estime à 1,2 milliard d’euros par an en direction de l’AFITF (agence de financement des infrastructures de transport de France) et des conseils généraux pour le réseau local, déduction faite des coûts de gestion par le prestataire privé. En Allemagne, une taxe similaire est en place depuis 2005.
- Ecologiquement : la taxe tend à facturer les transports routiers à leur juste coût, en intégrant les coûts externes (pollution, bruit, accidents de la route, entretien des routes…). La taxe peut aussi être structurante économiquement pour limiter progressivement les transports de produits agricoles notamment, qui voyagent beaucoup trop.
La taxe nationale sur les véhicules de transports de marchandises s’appliquera donc aux poids lourds à partir de 3,5 tonnes, qui utilisent le réseau routier national non concédé (donc hors autoroutes à péage), qu’ils soient immatriculés en France ou pas. Son taux est compris entre 0,025 € et 0,200 € par kilomètre, en fonction du nombre d’essieux, du poids total autorisé en charge (PTAC) et de la classe d’émission EURO du véhicule, avec un abattement de 25 % pour les régions excentrées, comme la Bretagne (art. 153 de la loi de finances pour 2009). Il y aurait 4100 points de tarification virtuels sur le réseau routier et les camions seront géolocalisés.