Interview parue dans Les Echos ce lundi 13 janvier 2014.
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Vous avez déclaré mardi à huis clos que les vœux de François Hollande « auraient pu être prononcés par Nicolas Sarkozy ». Qu’est-ce qui vous à tant déplu ?
L’idée de baisser les cotisations patronales pour restaurer les marges des entreprises et penser qu’elles embaucheront ensuite est une solution prônée d’habitude par la droite qui n’a pas fait la preuve de son efficacité. Cela fait des années que l’on baisse les cotisations sociales sans que cela fasse reculer le chômage. Même le patron de la CGPME qui est favorable à cette mesure admet que la création d’emplois dépend avant tout du carnet de commandes ! C’est pour cela que j’ai pointé des similitudes entre les discours de François Hollande et Nicolas Sarkozy. C’était peut-être maladroit, mais j’aurais préféré des mesures en faveur du pouvoir d’achat pour relancer l’activité.
N’y a-t-il pas néanmoins un problème de coût du travail ?
En matière de compétitivité, on parle toujours de coût du travail, alors que celui de l’énergie est lui aussi très important. Nos importations d’énergies fossiles expliquent 80 % de notre déficit commercial ! On ne se penche sur le problème qu’une fois l’an, lors de la conférence environnementale, alors que la transition énergétique est créatrice d’emplois. Et puis je ne crois pas qu’il y ait un problème général de coût du travail en France : il faut distinguer les secteurs, les entreprises et les types d’emplois.
Qu’attendez-vous donc du chef de l’Etat ?
Baisser les cotisations patronales peut faire partie d’une politique de l’emploi, mais à condition que la mesure soit ciblée. Ou alors il faut se donner les moyens de contrôler l’utilisation des exonérations au service de l’emploi et de l’investissement. Mais on ne sait pas le faire avec le Cice. On ne va pas se lancer dans une course au travail low cost que nous perdrons forcément. En revanche, il peut être intéressant pour les PME de baisser les cotisations sur les emplois les plus qualifiés qui sont les plus générateurs d’innovation. Et, dans le cadre de la réforme fiscale, il est grand temps de faire en sorte que les cotisations sociales ne pèsent pas que sur le travail.
Propos recueillis par Elsa Freyssenet
Chef de service adjointe
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En complément de cette interview et afin de donner quelques éléments d’illustration sur la baisse des cotisations et l’évolution du coût du travail, je souhaite vous faire partager les données suivantes.
En effet, depuis les années 1990, les Gouvernements de façon plus ou moins constantes ont pris différentes mesures pour baisser les cotisations sur les bas salaires afin de permettre aux entreprises d’embaucher. En 2005, le ministère du Travail a résumé ces baisses de cotisations et leurs effets sur le coût du travail peu qualifié dans la série de graphiques ci-dessous. Des graphiques assez explicites qui témoignent d’une baisse quasi constante du coût relatif du travail peu qualifié, c’est-à-dire dont les rémunérations se situent aux alentours du SMIC.
