Article tagué Christiane Taubira
Réforme pénale : une justice pragmatique et lucide
12/06/14
Mardi 10 juin, la réforme pénale portée par Christiane Taubira, Garde des Sceaux, a été adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture à 328 voix contre 221. Ce texte a été l’occasion pour la majorité de gauche à l’Assemblée de s’unir dans la volonté de réformer l’institution judiciaire.
A travers les différentes mesures qu’elle prévoit, la réforme pénale manifeste une conception renouvelée de la justice et de l’efficacité des peines.
Tout d’abord, le texte prévoit que les peines soient réellement individualisées, c’est-à-dire qu’elles prennent en compte la spécificité de chaque situation et de chaque personne, à l’inverse des peines plancher ou des peines incompressibles. La réforme met également fin aux révocations automatiques de sursis. La révocation automatique du sursis permettait qu’une personne ayant été condamné à une peine de prison avec sursis effectue cette peine si elle était de nouveau condamnée à une peine d’emprisonnement. Ainsi, les peines se cumulaient.
Punir autrement que par la prison
L’autre mesure principale du texte est l’institution d’une contrainte pénale, qui constitue une alternative à l’incarcération, dont on sait par ailleurs les effets négatifs en termes de réinsertion, pour les petits faits de délinquance notamment. La contrainte pénale est un suivi social soutenu, avec la possibilité d’être soumis à des obligations, injonctions de soins et interdictions spécifiques décidées par le juge de l’application des peines après une évaluation. Parmi ses obligations, se trouve par exemple celle d’effectuer un travail d’intérêt général, justifier d’une contribution aux charges familiales ou s’abstenir de conduire un véhicule.
Cette mesure s’applique uniquement qu’aux personnes majeures, pour des délits passibles de moins de 5 ans d’emprisonnement. Le but de cette mesure est de permettre aux auteurs de petits délits d’éviter un emprisonnement qui risquerait de les faire basculer plus durablement dans la délinquance. Parmi les délits concernés par la contrainte pénale, se trouvent actuellement les agressions sexuelles autre que le viol (passible de 5 ans d’emprisonnement), la vente de drogues (passible de 5 ans d’emprisonnement), les violences volontaires ayant entraîné un arrêt de travail (passible de 3 ans d’emprisonnement) ou la conduite avec un permis étranger non-validé par les autorités (passible d’un an d’emprisonnement).
« Chère Christiane Taubira » - Lettre de Christine Angot / Libération
7/11/13
A défaut de l’avoir écrite, je partage cette admirable lettre de Christine Angot à Christiane Taubira. A lire dans Libération aujourd’hui.
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Je viens de lire votre interview dans Libération (du 06 novembre), tout ce que vous dites est vrai, juste, ce n’est pas de ça que je veux parler, je veux vous parler de la fin de votre interview, on vous demande : «Avez-vous été déçue par la faiblesse des réactions qui ont suivi les attaques dont vous avez été victime ?» Entre crochets, il y a d’abord écrit : «soupir». Vous poussez donc un soupir puis vous répondez. Vous parlez des messages de soutien qui vous ont été adressés à titre personnel, vous expliquez que c’est gentil mais que ce n’est pas le propos, et vous avez raison. Vous parlez de l’analyse de l’historien Pascal Blanchard, que vous dites juste mais qui n’est pas une alerte, et vous avez aussi raison. Vous dites que des consciences françaises pourraient dire que les injures racistes dont vous avez fait l’objet ne sont pas périphériques mais sont «une alarme», ne sont plus un signe mais une alarme, un signal d’alarme, dites-vous, car quelque chose dans notre société se «délabre», c’est votre mot, se dégrade, fout le camp, pourrit, est sale, est crade, est dégueulasse, est nul, est fini, est foutu, et vous avez raison. Et puis vous dites, je vous cite : «Ce qui m’étonne le plus, c’est qu’il n’y a pas eu de belle et haute voix qui se soit levée pour alerter sur la dérive de la société française.»
Là encore, vous avez raison, mais puisque vous dites que vous êtes étonnée, permettez-moi une explication. Nous n’avons rien dit parce que nous ne savons pas comment faire, comment dire ce que nous ressentons, nous ne trouvons pas les mots pour expliquer la terreur qui nous saisit à la gorge, la peine radicale, plus que profonde, radicale, une tristesse qui touche le fond, que nous éprouvons, cette histoire de banane nous tue.
Lire la suite de cette lettre sur Libération.fr (édition Abonnés)
Mariage pour tous les couples : intervention de Christiane Taubira
30/01/13
Ce mardi 29 janvier à l’Assemblée nationale, les députés ont commencé l’examen et le débat du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe. C’est un moment fort, symbolique, qui conduira à mettre en oeuvre l’engagement 31 du Président de la République et des députés de la majorité pour assurer l’égalité de tous les couples et la protection juridique de tous les enfants et de toutes les familles.
Christiane Taubira, garde des Sceaux, ministre de la Justice, porte ce texte avec Dominique Bertinotti, ministre de la Famille. Elle est brillamment intervenue en ouverture des débats en mettant toute sa passion, sa conviction, son énergie et sa pédagogie au service d’un beau texte qui honore notre République. Je vous propose de retrouver son intervention.
Retrouvez l’intégralité de l’intervention de… par LCP
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. — Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, madame la rapporteure pour avis, mesdames, messieurs les députés, nous avons l’honneur et le privilège, Dominique Bertinotti, ministre déléguée chargée de la famille, et moi-même, de vous présenter, au nom du Gouvernement, un projet de loi traduisant l’engagement du Président de la République d’ouvrir le mariage et l’adoption aux couples de même sexe.
S’agissant de l’état des personnes, ce sont donc principalement des dispositions du code civil relatives au mariage, à l’adoption et à l’attribution du nom de famille qui seront adaptées.
Mariage pour tous : le printemps d’un nouveau droit
15/01/13
Le projet de loi ouvrant le mariage et l’adoption pour les couples de même sexe suscite depuis plusieurs semaines un large débat qui traverse toute la société. Ce débat est légitime, tout comme peuvent être entendues les différentes positions défendues par les uns et les autres, tant qu’elles le sont de manière sereine, sans violence verbale ou physique.
Je suis intervenue à plusieurs reprises durant la campagne pour l’élection présidentielle ou celle des législatives pour défendre avec conviction l’engagement 31 de François Hollande, au nom de l’égalité qui constitue le pilier de notre République. Hier lundi, la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale examinait d’ailleurs le projet de loi présenté par Christiane Taubira, ministre de la Justice, Garde des Sceaux. Le débat que nous avons eu était utile, même si je regrette l’attitude d’Henri Gaino qui, alors que nous étions réunis depuis 2h sur ce sujet, a pris la parole pour faire savoir qu’il jugeait le Parlement illégitime pour traiter de ces questions ! Il a donc quitté la commission, tout comme les quelques députés UMP qui avaient fait le déplacement… Cela n’a pas empêché le texte d’être adopté par la commission des affaires sociales, et j’en suis heureuse.
Je vous invite à prendre connaissance de l’interview qui figure dans le dernier numéro de La Presse Bisontine, qui m’a interrogée sur ce projet de loi. Vous pouvez également visionner la vidéo du Groupe Socialiste, Républicains et Citoyens (SRC), « Mariage pour tous, le printemps d’un nouveau droit », où plusieurs de mes collègues interviennent pour présenter et défendre ce texte important.
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« Un enfant adopté par un couple
d’homosexuels sera désiré »
La jeune députée socialiste de Besançon fait partie de ceux qui soutiennent pleinement le projet. Au nom de l’égalité totale.
La Presse Bisontine : Êtes-vous pour ou contre ce projet, et pour quelles raisons précises ?
Barbara Romagnan : Je suis pour. Je soutiens ce projet pour deux raisons essentielles. Concernant le mariage pour tous, il me semble que vouloir institutionnaliser son amour, son lien d’attachement me semble devoir être accessible à tous, indépendamment de ses préférences amoureuses et de son orientation sexuelle. Les couples homosexuels doivent, comme les autres couples, pouvoir faire le choix de se marier ou non. C’est l’égalité que doit garantir notre République.
Ce projet est également des plus nécessaires au regard de la possibilité pour les couples homoparentaux d’adopter. En effet, on estime aujourd’hui que plus de 100 000 enfants vivent dans un cadre homoparental, mais seul l’un de leurs deux parents exerce l’autorité parentale sans qu’aucun droit ni devoir ne soit reconnu au deuxième parent. Il est important que ces familles soient reconnues par la société, d’abord pour ces enfants.
LPB : Que répondez-vous à ceux qui s’érigent contre cette réforme (et qui réfutent qu’on les taxe d’homophobes) ?
BR : Être contre ne signifie pas pour autant être homophobe, même si on peut regretter et condamner les propos outranciers parfois tenus. Quelle que soit la position que l’on défend, il me paraît essentiel de respecter celle des autres et de se garder de tout anathème. Ces questions interrogent chacun sur sa conception personnelle de la famille et de la vie en société.
LPB : Comme l’affirment nombre de pédopsychiatres, n’y a-t-il pas un vrai risque de perte de repères des futurs enfants si la PMA, voire la GPA, découlent ensuite de cette réforme ?
BR : Il serait inexact de dire que les pédopsychiatres sont contre l’homoparentalité. Au contraire, ils sont partagés à ce sujet, et de nombreux sont pour. De même, il est essentiel de bien distinguer la PMA de la GPA, cette dernière nécessitant l’utilisation voire l’exploitation du corps d’autrui, et en l’occurrence le corps de femmes.
Le couple parental homosexuel, la PMA (technique déjà utilisée pour les couples hétérosexuels) constituent des changements essentiels qui ne sont évidemment pas sans incidence sur les repères et il faut prendre cela au sérieux. Cependant il y a bien longtemps que les modèles sur le couple, la parentalité et la famille évoluent. Ces repères différents sont aussi une réalité dans les familles où les parents sont séparés, dans les familles homoparentales, dans les familles où les cultures se mélangent… L’essentiel, selon moi, est effectivement d’expliquer sereinement les choses aux enfants.
LPB : N’est-ce pas une réforme précipitée qui méritait un vrai et large débat de société ?
BR : Cette réforme justifie en effet un grand débat, il a d’ailleurs lieu depuis plusieurs semaines à l’Assemblée nationale et dans la société. Je tiens tout de même à rappeler que cette proposition est portée depuis de nombreuses années par les parlementaires socialistes et les associations défendant les droits LGBT, et que par conséquent le débat n’est pas nouveau en France et se tient depuis longtemps. J’ajoute que la France n’est pas précurseur en la matière, puisque de nombreux pays en Europe et dans le monde ont déjà légiféré en ce sens.
LPB : Au sein même du PS, certaines voix s’élèvent contre le projet. Y’a-t-il des consignes de vote unanime au sein du groupe PS ?
BR : Sur ce projet comme sur d’autres, les avis peuvent être nuancés. Etant donné la complexité de la question, je trouve cela rassurant et justifié.
(La Presse Bisontine - Février 2013)
Mariage pour tous - le printemps d’un nouveau droit par GroupeSRC
Reconversion des parlementaires en avocats : l’abrogation décidée
5/10/12
Les combats ne sont pas vain. En annonçant aujourd’hui, à l’occasion de l’assemblée générale du Conseil national des Barreaux, que le fameux décret « passerelle » serait abrogé, Christiane Taubira, ministre de la Justice, Garde des Sceaux, accède à une revendication légitime des professionnels de justice et, au-delà, d’hommes et de femmes engagés pour l’exemplarité en politique et la reconnaissance du métier d’avocat. Je me réjouis de cette prise de position attendue, que j’ai eu l’occasion de défendre à de nombreuses reprises, en particulier en co-signant une tribune dans Médiapart pendant les élections législatives avec Martine Chantecaille ou en posant une question écrite à la ministre sur ce sujet le 31 juillet dernier.
Le décret en cause, pris en avril dernier par la droite, ouvrait la possibilité de devenir avocat sans concours ni formation aux « personnes justifiant de huit ans au moins d’exercice de responsabilité publiques les faisant directement participer à l’élaboration de la loi », c’est-à-dire les parlementaires et les ministres, mais également leurs assistants parlementaires. Une drôle de conception de la politique, de l’intérêt public et de la profession d’avocat… Devenir avocat, ce n’est pas un lot de consolation pour les parlementaires non réélus. C’est un noble métier qu’on ne peut exercer qu’après avoir suivi six ou sept années d’études spécialisées. Ce décret avait suscité, à raison, une levée de boucliers, notamment du Conseil national des Barreaux qui avait formé un recours.
Aujourd’hui, Christiane Taubira prend une décision juste. Elle a dit ceci aux avocats réunis à Paris ce vendredi : « Je pense que ce décret allait au-delà des conditions acceptables pour l’intégration dans votre belle profession de quelques « beaux » parlementaires et de quelques « beaux » anciens ministres -même si, sur la période récente, j’en connais assez peu. Je pense pour ma part que les députés et sénateurs, ainsi que les anciens ministres, doivent pouvoir accéder à la profession d’avocat, sous condition de diplôme -maîtrise de droit ou équivalent-avec dispense du CAPA (Certificat d’aptitude à la profession d’avocat), mais avec l’obligation de suivre une formation de déontologie et de subir l’examen de contrôle de ces connaissances déontologiques ainsi que des connaissances sur la réglementation professionnelle ».
Ainsi, elle a donné consigne de préparer un décret abrogeant le précédent et créant un alinéa incluant ces conditions.