Ce mardi 2 avril, je suis intervenue dans la soirée à la tribune de l’hémicycle lors de la discussion générale sur le projet de loi de sécurisation de l’emploi, sur lequel je travaille avec mes collègues depuis plusieurs mois. J’ai choisi de revenir plus particulièrement sur le travail des femmes.

Je vous propose de retrouver la vidéo et la retranscription de mon intervention.


Intervention - Sécurisation de l’emploi - 2 avril 2013 par barbara-romagnan

Barbara Romagnan - Beaucoup d’intervenants ont jugé de l’opportunité de ce texte en fonction de son équilibre ; or je ne crois pas que l’accord ait à être équilibré. Le droit du travail a vocation à être déséquilibré, de manière à rééquilibrer ou à compenser le déséquilibre spontané qui existe dans la relation salariale, dont le principe est la subordination du salarié, qui n’a que sa force de travail à proposer, à celui qui a besoin de gens pour travailler, mais qui dispose presque toujours de la possibilité de remplacer un salarié par un autre.

Le déséquilibre est évidemment d’autant plus grand que le taux de chômage est plus élevé. Pour les femmes, pas toutes et pas seulement certes, cette situation est encore amplifiée. Or la question de l’égalité entre les hommes et les femmes n’a pas été un élément structurant des négociations. Je n’en ferai toutefois pas le reproche ici, d’autant que le Gouvernement a choisi de présenter à une date prochaine une loi sur l’égalité comprenant un volet relatif à l’égalité professionnelle.

Cependant, nous devons avoir en permanence à l’esprit cette revendication, quand nous parlons de travail, de santé, d’école ou de transports et pas seulement de temps en temps dans le cadre d’une loi réservée aux femmes, même si elle est nécessaire. Cette question n’est pas à part, comme en suspension, mais elle irrigue toute la société et la mine parfois. La quasi-totalité des politiques ont un impact différent sur les hommes et sur les femmes, pour peu que l’on prenne le temps d’examiner la situation.

À cet égard, on peut observer une avancée notable, puisque l’article 8 modifie le code du travail, en imposant une durée minimale de temps de travail pour les emplois à temps partiel à hauteur de vingt-quatre heures, soit plus que dix-huit heures ou vingt heures. Les entreprises en effet ne pourront pas y déroger de façon abusive, sans tomber, en principe, sous le coup de la loi. Or cette avancée relative aux emplois à temps partiel touche plus particulièrement les femmes puisqu’elles constituent 80 % des travailleurs à temps partiel, qui sont subis dans 30 % des cas.

Qu’ils soient subis trois fois sur dix ne signifie pas qu’ils sont choisis dans 70 % des cas. « Choisir » le temps partiel, parce qu’il n’y a pas de place en crèche ou parce que l’on doit prendre soin d’un parent âgé – dans la quasi-totalité des cas, ce sont les femmes qui ont ces charges – ce n’est pas vraiment « choisir », même s’il existe aussi une part de plaisir à prendre soin des siens.

« Choisir » le temps partiel parce qu’on est seule à assumer les charges familiales – 85 % des chefs de familles monoparentales sont des femmes – ce n’est pas vraiment « choisir » non plus. Il s’agit donc bien d’une avancée importante, mais il faut veiller à ce qu’elle n’ait pas trop de contreparties et à ce qu’elle ne soit pas trop facilement contournée.

En effet, les salariés à temps partiel, et plus généralement les femmes, sont déjà dans des situations très précaires qui ont d’importantes conséquences sociales et sanitaires.

Au stade de la définition des règles du contrat, il me semble par exemple important de veiller à protéger la salariée, ou le salarié, d’une dérogation volontaire aux vingt-quatre heures, qui n’aurait de volontaire que le nom et qui serait trop fortement encouragée par l’employeur.

Au stade de l’exécution du contrat ensuite, il faudrait garantir aux salariés à temps partiel une majoration juste de leurs heures complémentaires lorsqu’elles correspondent à un surcroît de travail pour l’entreprise. Y compris dans le cadre d’un avenant modifiant temporairement le temps de travail, ces heures complémentaires devraient être majorées à 10 % lorsqu’elles sont effectuées dans la limite d’un dixième en sus de la durée initiale du temps de travail et à 25 % au-delà. Il semble en effet injuste que, pour faire face à un surcroît de travail, notamment pendant les fêtes de fin d’année, un salarié à temps plein qui travaillerait quarante-cinq heures, soit dix heures au-delà de son contrat de trente-cinq heures, bénéficie d’une majoration à hauteur de 25 % pour les huit premières heures supplémentaires et d’une majoration à hauteur de 50 % pour les deux heures suivantes alors qu’un salarié à temps partiel pourrait, par le biais d’un avenant, exécuter dix heures en sus de son contrat initial sans qu’elles soient majorées.

Enfin, au stade des licenciements ou des accords de maintien dans l’emploi, lorsque l’entreprise rencontre de grosses difficultés, il est important que les femmes ne soient pas désavantagées, c’est-à-dire prioritairement visées par une incitation – prévue par la loi à l’article 15 – à privilégier le critère des compétences ; non que l’on voudrait privilégier indûment des femmes incompétentes, mais parce que ce critère se réfère de fait très souvent à la disponibilité et qu’il est donc défavorable aux femmes.

Quand elles ont des enfants en effet, qu’elles ont pourtant faits avec des hommes, ce sont plus souvent elles qui rentrent au domicile lorsqu’ils sont malades ou simplement pour les coucher. Quand elles n’en ont pas, les patrons anticipent le fait qu’elles en auront et ils imaginent rarement qu’elles puissent choisir de privilégier leur carrière ou que leurs compagnons puissent en prendre soin.