Loi ALURJeudi 20 février, le Sénat a adopté la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR), confirmant l’adoption par l’Assemblée nationale le 18 février dernier. Ce texte de loi présente des avancées décisives pour la politique du logement en France, tant dans sa dimension de justice sociale et de protection des foyers modestes que dans une perspective de transition écologique dans les territoires.

Au carrefour d’enjeux économiques, sociaux et environnementaux, la question du logement rendait nécessaire une intervention législative, la seule régulation du marché ne parvenant pas à satisfaire les exigences en matière d’égalité d’accès au logement et de protection de l’environnement notamment.

Un enjeu de protection des populations les plus précaires

10 mesures de la loi ALURHausse des loyers, pénurie de logement, marchands de sommeil, habitat insalubre, etc. : l’accès au logement pose de nombreuses questions, tant en matière de quantité que de qualité. Actuellement, on estime que 20% des locataires du parc privé dépensent plus de 40% de leurs revenus pour se loger. Dans l’esprit du décret pris en 2012 pour limiter les augmentations de loyer, la loi ALUR fixe un loyer de référence du mètre carré par département, avec impossibilité pour les propriétaires de dépasser de plus de 20% ce montant référence. Ce dispositif sera mis en place dans les agglomérations de plus de 50 000 habitants, où il a été constaté un déséquilibre entre la demande de logements et la proportion de logements soumis à la taxe sur les logements vacants.

Afin de favoriser la mise en location de ces logements vacants, la loi comporte un volet de sécurisation des propriétaires et de protection des locataires. Afin de garantir les propriétaires contre les impayés de loyers (qui concernent 2 à 2,5% des cas) le texte prévoit la création d’une Garantie universelle des loyers (GUL, en vigueur au 1er janvier 2016), qui permettra aux propriétaires d’être indemnisés à condition qu’ils pratiquent des loyers conformes au loyer de référence mentionné plus haut. Les locataires en rupture de paiement seront suivis afin d’étudier leur situation et de mettre en place des solutions susceptibles de rétablir leur situation.

Parce que l’accès au logement suppose l’accès à un logement salubre et digne, la loi prévoit la  mise en place d’une obligation de travaux pour les propriétaires lorsque l’état du bien mis en location fait courir un risque pour la santé ou la sécurité des locataires. Une telle obligation,  est par ailleurs à l’étude de nos travaux actuels sur le futur projet de loi sur la Transition Energétique.

En matière d’égalité d’accès au logement social, la loi ALUR introduit davantage de transparence dans la procédure d’attribution : création d’un dossier unique de demande, accès aux étapes de la procédure de demande, système de cotation afin d’objectiver les motivations d’attribution du logement.

Ces différentes mesures, à disposition tant des locataires que des propriétaires et dont la liste n’est pas exhaustive, font le diagnostic de la crise du logement en France et constituent des outils pragmatiques pour augmenter le nombre de biens disponibles à la location, garantir un prix de loyer plus juste et perfectionner le service public du logement. Mais cette ambition de justice dans l’accès au logement ne saurait suffire à garantir l’égalité de tous au sein de l’habitat urbain si elle ne s’accompagnait pas de mesures favorables à la transition écologique à l’échelle des territoires.

Un impératif écologique : un premier pas dans la lutte contre l’étalement urbain

Le développement des villes et des activités qu’elles induisent ne suivent pas naturellement une pente favorable à l’environnement. Il s’agit donc d’une question éminemment politique avec des enjeux locaux forts, en lien avec la qualité de vie et la valorisation des territoires. Forte de ce constat, la loi ALUR vise à établir les bases durables d’une politique d’urbanisme responsable et respectueuse de l’environnement.

Dans cette perspective, la loi envisage de mettre un frein à l’étalement urbain, en densifiant notamment les zones pavillonnaires, symptomatiques de l’étalement urbain. Concrètement, cette mesure se traduit par un abaissement de la taille minimale du terrain pour la construction d’un pavillon, afin de favoriser des quartiers plus ramassés de fait moins couteux en termes de transports.

Face à la classification croissante des sols en zones constructibles, la loi a créé les outils nécessaires au reclassement de certaines zones en zones naturelles, agricoles ou forestières, lorsqu’elles n’ont pas fait l’objet de programme de construction au cours des neuf dernières années. Du fait des discontinuités croissantes du tissu urbain en effet, le mitage des espaces naturels fragilise les écosystèmes et renforce l’urbanisation polycentrique.

Plus précisément, en matière de lutte contre l’étalement urbain, la loi permet la création d’Etablissements publics fonciers locaux chargés d’optimiser la gestion des espaces. Alors que chaque année en périphérie des villes près de 3 millions de mètres carrés sont autorisés à la vente, les friches se multiplient du fait de l’obsolescence des implantations précédentes. Dans cette perspective, le texte de loi instaure une obligation pour les porteurs de projets commerciaux de remettre en état le terrain précédemment occupé afin de valoriser ces potentiels inexploités.

Mais l’urbanisation croissante se traduit également par la modification des sols et notamment leur imperméabilisation progressive du fait des revêtements utilisés. Face aux dérives observées en matière de parcs de stationnement, – qui constituent l’avatar principal de cette imperméabilisation croissante –, la loi ALUR prévoit une limitation de ces zones au moyen d’un coefficient fixé en fonction de la surface de l’équipement commercial lui-même. Beaucoup de zones commerciales en effet bénéficient de structures inadaptées qui ne servent que partiellement, tout en modifiant profondément le ruissellement des pluies et donc l’irrigation des terres.

Ces mesures, qui couvrent des champs variés, permettent de doter les territoires des moyens nécessaires à un développement raisonné du fait urbain. L’utilisation de l’espace, – qui constitue un outil économique mais demeure avant tout un bien public –, à des fins aussi bien commerciales que résidentielles, justifie que la collectivité se donne les moyens de l’utiliser de manière respectueuse des intérêts des habitants et des agents économiques.

Vers une loi de transition énergétique ambitieuse

Qu’on ne s’y trompe pas : ces deux objectifs que sont la justice sociale et la transition énergétique sont profondément liés, pour la question du logement comme pour d’autres problématiques comme les transports. J’espère les retrouver également dans le futur projet de loi sur la transition énergétique que nous travaillons actuellement.

Les inégalités économiques sont également sociales, et écologiques. Le réchauffement climatique et l’épuisement de la planète créés par le système capitaliste frappent avant tout les plus défavorisés, – ceux qui n’ont pas les moyens de migrer en cas de catastrophe climatique, de se chauffer correctement par peur des factures énergétiques, d’être mobiles pour trouver un emploi du fait de la hausse des prix de l’énergie. La loi ALUR met en place une partie des outils nécessaires à une gestion responsable et politique de l’aménagement urbain, seule susceptible de garantir l’égale mobilité de tous et le droit à un environnement sain, tel que le garantit la Convention européenne des droits de l’homme. Mais ce n’est qu’un début, nous reverrons tout cela dans la future loi de transition énergétique.