MédicamentsCe mardi, l’Assemblée nationale vote en nouvelle lecture le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 (PLFSS 2014). Ce texte s’inscrit dans une démarche de redressement des comptes, qui me semble nécessaire si elle ne se fait pas au détriment de nos concitoyens et en considérant que la situation économique et sociale actuelle se traduit nécessairement par des déficits conjoncturels. Il faut souligner que ce PLFSS 2014 ne comporte pas de mesures de déremboursement de médicaments ou de soins (comme le faisait systématiquement les précédents gouvernements de droite), mais au contraire, par de nouveaux progrès s’agissant notamment de la contraception.

Un pan important du PLFSS 2014 concerne également la politique du médicament, dont on sait que la France constitue à certains égards une exception européenne en matière de prix et de niveau de recours.

Le bon usage du médicament est une préoccupation majeure tant pour des raisons de santé publique
que pour des raisons économiques. En 2005, l’IGAS (inspection générale des affaires sociales) a évalué qu’un médicament remboursé sur deux n’était pas consommé.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale de cette année propose ainsi d’expérimenter, pour une durée de 3 ans (dans certaines régions), la dispensation à l’unité de médicaments antibiotiques. Tout au long de cette expérimentation les autorités publiques seront bien entendues vigilantes pour garantir la sécurité sanitaire dans la chaîne de distribution du médicament.

Il est également prévu dans le cadre du PLFSS de 2017 un rapport dressant le bilan de l’expérimentation notamment au regard de son impact sur les dépenses et du bon usage des médicaments concernés.

Il convient enfin de préciser que la délivrance à l’unité existe déjà pour certains médicaments :

  • à l’étranger comme l’Espagne, l’Allemagne, la Suède, la Belgique, le Royaume Uni, l’Islande ;
  • en France dans les établissements de santé et dans certains EHPAD disposant d’une pharmacie à usage intérieur ainsi qu’en officine de ville où cela est obligatoire pour les médicaments stupéfiants

Par ailleurs, la maîtrise de la consommation de médicament implique également une régulation plus forte des prescriptions tant en volume qu’en qualité (éviter par exemple de prescrire les molécules les plus récentes).

Enfin, il convient ici de préciser que la base de données publique (www.medicaments.gouv.fr) sur le médicament visant à donner accès à des informations fiables et indépendantes sur le médicament a été récemment mise en ligne.

Des marges de progrès et des marges financières importantes existent également en matière de médicament générique. J’ai eu l’occasion d’aborder cette question il y a quelques semaines avec le directeur de la caisse primaire d’assurance maladie du Doubs.

Je me permets de reproduire ici les principaux éléments de cette discussion qui fait un état des lieux national et local riche d’enseignements.

Le médicament générique, un enjeu fondamental pour la préservation du système solidaire de santé. Quels progrès dans le Doubs et au niveau national ?

Coûtant environ 30 % moins cher que le médicament de marque, le médicament générique est un levier d’économie important pour l’assurance maladie. Dans le Doubs, les économies liées au générique représentent 11 millions d’euros en 2012, 27 millions au niveau régional et 1,5 milliard d’euros au niveau national. Il faut rappeler que ces économies ne se font pas sur le dos de la santé des Français. En effet, un médicament générique est équivalent sur le plan thérapeutique au médicament princeps correspondant et n’entraîne pas plus d’effets secondaires. Seuls les excipients (substances sans activité pharmacologique) sont différents. Les médicaments génériques sont autant contrôlés que les médicaments princeps et sont donc d’aussi bonne qualité.

Le médicament générique est également un enjeu fondamental en ce qu’il concerne et doit mobiliser tous les acteurs du système de santé : les médecins prescripteurs et l’hôpital, les pharmaciens, l’industrie pharmaceutique, l’assurance maladie et, bien sûr, les assurés. Ces derniers ont une véritable responsabilité : ils sont acteurs du système de soin et de la préservation du système solidaire d’assurance maladie, lorsqu’ils usent de médicaments génériques. Les assurés sont d’ailleurs bien conscients de l’importance des génériques : selon un sondage CSA pour BFM-TV publié le 26 septembre, 43 % des français privilégient le développement des médicaments génériques pour réduire le déficit de la Sécurité sociale.

Des objectifs ambitieux et des mesures concrètes

Dès lors, un certain nombre de mesures sont mises en place pour encourager l’usage des médicaments génériques à la place des médicaments princeps. En 1999, est instauré le droit de substitution pour les pharmaciens : les pharmaciens peuvent – si le patient ne s’y oppose pas et si le médecin n’a pas écrit la mention « non substituable » sur l’ordonnance – délivrer un médicament générique à la place du médicament princeps prescrit. Le dispositif « tiers payant contre génériques » a été mis en place le 16 juillet 2012 dans le Doubs, suite à la signature de l’accord national sur la délivrance des médicaments génériques. Depuis, les patients qui refuseront que leurs médicaments princeps soient substitués par le pharmacien doivent avancer les frais et être remboursés ultérieurement par l’Assurance maladie (au bout de 3 semaines). Seuls sont concernés, bien sûr, les médicaments ayant un équivalent générique.

Des objectifs de taux de substitution existent, à la fois pour les caisses primaires d’assurance maladie (CPAM) et pour les pharmaciens, au sein de leurs conventions. En 2011, dans le Doubs, le taux de substitution des médicaments concernés était de 76 %, l’objectif national 2012 étant fixé à 85 %. En 2011, le Doubs se classait 66ème département français au niveau du taux de substitution. Notre département dispose donc d’une belle marge de progression.

Les obstacles à la progression

Mais la progression du marché des génériques ne se fait pas pour autant sans difficultés. Il existe des freins importants à cette progression. Tout d’abord, les primo prescriptions hospitalières sont très largement tournées vers des médicaments princeps et récents, qui sont vendus à très bas coût aux hôpitaux par les industries pharmaceutiques, mais dont les coûts en médecine de ville sont très importants. Or ces primo prescriptions hospitalières influencent très largement les prescriptions en ville et freinent donc la progression des génériques. De plus, des déclarations de leaders d’opinion largement relayées dans les média, et, le plus souvent, sans fondements scientifiques, produisent dans l’opinion une méfiance vis-à-vis des génériques. Enfin, les industries pharmaceutiques adoptent des stratégies limitant la progression des génériques, par exemple en créant de nouveaux médicaments, non substituables qui n’améliorent pas le service médical rendu mais qui influencent les prescriptions (cf. rapport IGAS 2012)

Ces obstacles expliquent en partie pourquoi la France a un retard conséquent sur nos voisins en la matière. Ces différences pouvant également s’expliquer par le prix des génériques qui est assez élevé au regard des comparaisons internationales. Les médicaments génériques représentent 24 % du marché français en volume, contre plus de 60 % au Royaume-Uni et en Allemagne. La France a même connu un recul des génériques en 2011, le taux de croissance en volume étant de – 3 % cette année-là (cf. rapport IGAS 2012)

C’est pourquoi diverses actions sont menées au niveau local, par la CPAM du Doubs. Les actions de la CPAM sont tournées à la fois vers les professionnels de santé (lettres d’information aux prescripteurs ainsi qu’aux pharmaciens, envois de courriers aux pharmaciens pour leur indiquer leur marge de progression, entretiens individuels avec les prescripteurs récalcitrants), et vers les assurés (courrier aux assurés ayant eu 3 délivrances de médicaments princeps sur un semestre de mandatement, article dans le journal « Vitalité Assurée »). Avec en ligne de mire, bien sûr, l’objectif des 85 % de taux de substitution. Des progrès notables sont à signaler : en Décembre 2012, le taux de substitution s’élevait à 82,3 %.