L’extension du temps partiel est une fausse bonne idée : elle se ferait surtout par les travailleurs précaires et par les femmes, accroissant les inégalités. Une réduction globale du temps de travail est une meilleure solution.

Invité sur France Inter le 4 mars, François Rebsamen, ministre du Travail, s’est prononcé en faveur du développement du temps partiels pour combattre le chômage plutôt que de la réduction et le partage global du temps de travail.

Le temps partiel constitue effectivement une manière de partager le travail, mais il est socialement injuste, et par ailleurs vecteur d’inégalités entre les femmes et les hommes. A l’inverse d’une réduction du temps de travail des contrats à temps plein – comme ce fut le cas lors de la mise en place des 35 heures –, le temps partiel fait peser sur une petite partie de la collectivité tous les efforts de résorption du chômage.

Or les salariés à temps partiels appartiennent souvent à des catégories sociales déjà fragilisées : comme le rappelle régulièrement la Dares (Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, le travail à temps partiel concerne majoritairement les femmes : 31 % des femmes contre 7 % des hommes ; mais également 27 % des jeunes, 25 % des seniors ou encore 25 % des personnes les moins diplômés.

Parmi ces catégories, les femmes sont les plus concernées : en France, 82% des salariés à temps partiel sont des femmes. Cette inégalité se double d’une autre caractéristique : la proportion de femmes à temps partiel est considérablement accrue lorsqu’elles ont des enfants à charge. Ainsi, plus de 45 % des femmes salariées ayant trois enfants travaillent à temps partiel.

A l’inverse, selon l’Anact (Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail), le choix du temps partiel par les hommes suit une courbe opposée, car ils choisissent ce type de contrat majoritairement lorsqu’ils n’ont pas d’enfants à charge : 18 % d’entre eux travaillent à temps partiel afin d’exercer une autre activité professionnelle, reprendre des études ou se former.

Par ailleurs, le travail à temps partiel est une solution précaire et incertaine. En effet, les 32 % de salariés déclarant travailler à temps partiel faute de trouver un emploi à temps plein, sont en majorité moins diplômés que les autres salariés, occupent des emplois dits à faibles qualifications et leur contrat sont le plus souvent des CDD (contrats à durée déterminée) ou relèvent de l’intérim. Par ailleurs, parmi les 41 % déclarant choisir de leur plein gré le temps partiel, beaucoup le font parce qu’ils s’occupent de leurs ou de leurs parents. Qu’il s’agisse du soin des enfants ou des parents (des leurs ou ceux de leur conjoint), ce sont quasi-exclusivement les femmes qui sont, de fait, impliquées. Ces contraintes relativisent assez largement la notion de choix.

Quand on sait qu’en France plus de la moitié des travailleurs à temps partiel gagnent moins de 850 euros par mois, on voit en quoi un partage plus juste du temps de travail est un enjeu décisif en termes d’égalité et de dignité. Accroitre le recours au temps partiel comme outil de lutte contre le chômage, c’est donc favoriser des logiques inégalitaires déjà en place, qui ne permettent ni l’autonomie des salariés ni l’indépendance financière des femmes.

On peut penser à l’inverse que le chômage est un problème collectif, et que sa résorption, pour être juste, doit passer par des mesures qui mobilisent l’ensemble des salariés et de ceux et celles qui souhaiteraient pouvoir l’être. La réduction et le partage du temps de travail et des richesses font parties des solutions à enfin prendre en compte et mettre en œuvre.