Les mardis de l'avenirChaque premier mardi du mois Claude Bartolone organise les Mardis de l’Avenir pour débattre de la transition écologique. J’intervenais ce mardi 4 février dans le débat portant sur le rôle des élus locaux et les défis des territoires, en présence, entre autres, de Claude Bartolone, Cécile Duflot, Philippe Martin et Gérard Magnin, Bisontin directeur d’Energy Cities. Je vous propose de retrouver mon intervention.

Le travail de terrain exposé dans les interventions précédentes est particulièrement intéressant. Je suis moi-même allée à la rencontre des acteurs de terrain sur ma ville de Besançon pour mieux comprendre et appréhender ce qui se fait et ce qui pourrait être généralisé.

Cette expérience, je suis allée la recueillir dans le cadre de notre travail parlementaire sur le futur projet de loi de programmation sur la transition énergétique autour de Philippe Plisson. C’est à ce titre que je m’intéresse tout particulièrement au sujet de la précarité énergétique. J’ai organisé d’abord un certain nombre d’auditions nationales d’ONG ou associations particulièrement investies, telles que la Fondation Abbé Pierre, le Réseau Action Climat, le CLER ou encore l’ANAH.

Mais j’ai tenu à aller à la rencontre des acteurs locaux car ce sont eux qui savent utiliser des ressources liées à la diversification des sources d’énergie, en cohérence avec le territoire. Ce sont eux qui connaissent leur territoire et les publics les plus fragiles qui y vivent. Ce sont donc bien eux qui peuvent effectuer le travail de détection et d’accompagnement des plus vulnérables dans la lutte contre la précarité énergétique.

D’où le travail que je mène actuellement, et l’alerte que je lance ce soir au Ministre présent, pour rendre le sujet de la précarité énergétique central dans le projet de loi, d’avantage en tous cas qu’il ne l’est actuellement. Cette question est fondamentale selon moi car il s’agit d’un enjeu politique essentiel.

L’enjeu politique est celui de prendre conscience que la transition énergétique est un outil majeur de la lutte contre les inégalités, que la transition énergétique est un outil essentiel de notre bataille commune pour une meilleure répartition des richesses. Je tiens à le dire ce soir, il ne s’agit pas là d’une question secondaire ou de privilégiés dont on s’occupera quand on aura réglé les questions réputées plus importantes.

Ce n’est pas au hasard que les plus pauvres sont les plus touchés, ceux-là même qui coupent leur chauffage en hivers par peur de la facture. Les problèmes écologiques actuels révèlent les inégalités déjà criantes de notre modèle économique. Elles jouent comme un révélateur et amplifient l’inégale répartition des richesses qui fonde le modèle actuel.

Il existe 4 millions de passoires thermiques en France, qui touchent donc plus de 8 millions de personnes précaires énergétiques. En 2010, l’INSEE établissait que les dépenses dites « contraintes » des ménages, à savoir logement et énergie était passée de 9 % à 21 % du budget mensuel des ménages. Une évolution bien inégalement répartie. La part de ces dépenses contrainte a atteint près de 50%, la moitié, du budget des plus pauvres et des revenus modestes. (source : INSEE dans rapport CNLE Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale septembre 2012)
Le sujet est donc bien celui d’une urgence sociale, et j’estime qu’il est de notre rôle en tant que majorité socialiste de nous en saisir et de le rendre plus visible, plus lisible, plus clair pour les concitoyens dans cette future loi.

Une question sociale, mais pas seulement. Ces passoires énergétiques dans lesquelles vivent les plus vulnérables constituent également une priorité si l’on entend bien respecter nos objectifs de réduction de nos émissions de gaz à effet de serre et de lutte contre le réchauffement climatique.

Autrement dit, j’ai souvent l’habitude de le dire, et je tiens à m’excuser auprès de mes collègues qui m’entendent le répéter que trop souvent, même si le sort des plus pauvres nous était indifférent, rénover les logements dans lesquels ils vivent reste une priorité écologique.

Enfin, et je détaillerai ensuite les exemples locaux qui animent ma ville, je voudrais dire ce soir que l’énergie ne se confond pas, ne se limite pas, à l’électricité. L’adaptation de la production énergétique aux besoins ne se fera pas sans une diversification plus importante de notre mix-énergétique.

J’insiste sur ce point car je crains que l’on oublie que le tout électrique, notamment en matière de chauffage, n’est pas la solution loin de là pour combattre la précarité énergétique du fait de ses faibles performances thermiques. J’ai peur que la dominance actuelle de l’énergie électrique nous empêche de développer ce qui relève pourtant de nos ressources, de nos emplois locaux, et faiblement émetteurs en carbone : je pense ici au bois notamment.

Le bois énergie est en effet la première source d’énergie renouvelable en France à près de 50%, particulièrement dans ma région en Franche-Comté où il atteint près de 70% du mix énergétique. Alors ne l’oublions pas non plus dans notre futur projet de loi, y compris pour atteindre nos objectifs de réductions de nos émissions de gaz à effet de serre.
J’en viens donc aux exemples locaux qui sont liés aux sujets que j’évoquais à l’instant.

A Besançon, dans ma ville, des chaufferies bois ont été installées dans les écoles. La desserte en bois des écoles devient alors prétexte à la sensibilisation directe des enfants, et donc indirecte des parents, aux énergies renouvelables en les rendant accessibles et concrètes.

La ville a mis en place depuis 2010 un service de prêt de matériel de mesures des consommations énergétiques comprenant une caméra thermique, des mousseurs, etc. la finalité de ce prêt est bien-sûr dans un premier de faire prendre conscience aux personnes des pertes énergétiques qu’ils subissent dans leur logement, puis de les orienter vers des solutions. Celles-ci ne seront pas les mêmes pour tous, l’orientation vers l’Espace info énergie local permettra de réaliser des travaux pour ceux qui en auront les moyens financiers. Pour d’autres, le don de petit matériel d’économies d’énergie par la ville leur permettra de réaliser non pas des centaines, mais déjà quelques dizaines d’euros d’économies sur leurs factures énergétiques.

Enfin, l’expérience réalisée localement avec le CCAS de repérage des plus vulnérables énergétiquement est extrêmement intéressante. L’enjeu de l’action mise en place par la ville est en effet d’aller chercher ces ménages, d’aller à leur rencontre, pour les accompagner dans la réduction de leurs factures énergétiques et les informer des aides dont ils pourront bénéficier. Ce genre d’action ne peut là encore se faire que localement.

Voilà des exemples qui, je le pense, alimenteront notre débat de ce soir sur la place des territoires dans la transition énergétique.