Lutte contre le système prostitutionnel

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Ce mercredi 4 décembre, l’Assemblée nationale a adopté la proposition de loi visant à lutter contre le système prostitutionnel, déposée par Catherine Coutelle et Maud Olivier. Je voudrais revenir sur le sens de ce vote, ainsi que sur le texte lui-même et le débat qu’il a permis d’ouvrir.

Ce texte me semble comporter des avancées notables pour les personnes prostituées, tant pour leurs droits que pour son ambition de faire évoluer les mentalités et les pratiques. Tout d’abord, un article a été créé pour reconnaitre leur vulnérabilité face aux violences en général et aux violences sexuelles en particulier, afin que les peines en cas de viols puissent être aggravées. Un autre aspect fondateur du texte est l’affirmation du rôle de l’Etat dans la politique de réduction des risques sexuels (lutte contre le Sida et prévention notamment). Enfin, le texte de loi permet d’instaurer une interdiction d’achat d’actes sexuels, punie d’une contravention, et d’une amende en cas de récidive.

Au-delà des mesures phares, la loi comporte pour la première fois un dispositif permettant d’aider à sortir de la prostitution : une aide financière, un hébergement, des formations, un titre de séjour renouvelable permettant de travailler, etc. En effet, lors des auditions réalisées par la Délégation aux droits des femmes notamment, beaucoup d’associations ont fait part des difficultés des personnes prostituées à se maintenir durablement hors de la prostitution, du fait notamment d’un manque d’aide à la réinsertion. Un des mérites de cette loi est donc d’envisager le parcours réel vécu par les personnes souhaitant sortir de la prostitution, en ne s’appuyant pas seulement sur leur volonté et le travail des associations. Nul doute cependant que ces dispositifs ont vocation à être complétés et approfondis et renforcés.

Il me semble important également de rappeler l’esprit de cette loi. Il s’agit d’affirmer que l’achat d’actes sexuels met le corps humain au rang de bien marchand, et par là même le dégrade. La très grande difficulté du débat a notamment été de répondre aux arguments des syndicats et des personnes prostituées qui invoquent le droit à disposer de soi comme justification de la prostitution. Face à cela, il convient de considérer la situation des personnes prostituées en France.

La prostitution est pratiquée, en grande majorité, par des personnes étrangères, qui ne connaissent pas leurs droits et sont maintenues dans un état de dépendance vis-à-vis des réseaux qui les exploitent : l’Office central pour la répression de la traite des êtres humains (OCRETH) estime en effet que 90% des personnes prostituées sont étrangères. Par ailleurs, si 90% des personnes prostituées sont des femmes, 99% des clients sont, eux, des hommes. Ces statistiques nous invitent à considérer que la prostitution constitue une violence d’un sexe sur l’autre et d’une catégorie économique sur une autre. Dans ces conditions il me paraît souhaitable de légiférer. Contrairement à ce qui a pu être énoncé dans le débat, je ne crois pas que le législateur intervienne ici dans le domaine de la sexualité, - qui relève effectivement de l’intime -, mais qu’il édicte comme c’est son rôle des limites face à des pratiques dégradantes d’achat ou de location d’un corps.

Cependant, j’entends les inquiétudes de certaines associations, même si la majorité d’entre elles soutient le texte, d’aide aux prostituées, qui craignent que le délit qui pèse désormais sur le client encourage une dissimulation et un enfouissement de la prostitution. Mais ce texte abroge aussi le délit de racolage, et vient inscrire dans la loi que le responsable de la prostitution est bien le client, et non pas la personne prostituée. Les personnes restent néanmoins en situation de grande fragilité. Il faudra à l’avenir renforcer le dispositif d’aide aux personnes prostituées, en termes de moyens matériels mais aussi de formation des travailleurs sociaux et des policiers. Il faut surtout se donner les moyens de mettre en place une véritable éducation aux sexualités pour rappeler dès le plus jeune âge que le plaisir ne peut faire l’objet d’une transaction financière et que le corps n’est pas un bien marchand.