Mardi 13 mai a débuté à l’Assemblée nationale l’examen du Projet de loi relatif à l’Economie sociale et solidaire, adopté il y a près de six mois par le Sénat.

Le projet de loi introduit de nombreuses dispositions pour favoriser le développement l’économie sociale et solidaire, et répondre aux attentes de ses acteurs en termes de périmètre, de gouvernance, d’opportunités nouvelles de développement, etc.

Il s’agit donc avant tout d’encourager un secteur prometteur d’économie, qui regroupe environ 200 000 structures, représente 10% du produit intérieur brut et près de 10% des emplois en France. Actuellement, plus de 2,4 millions de salariés travaillent dans ce secteur, et les entreprises de l’économie sociale et solidaire ont créé entre 2000 et 2010 23 % d’emplois, contre 7 % en moyenne dans l’économie traditionnelle. A l’heure où cette économie traditionnelle souffre de la crise et peine à créer de manière décisive des emplois,  l’ESS apparait de plus en plus comme une réponse alternative: les études estiment ainsi à près de 100 000 nouveaux emplois les retombées potentielles de la loi.

Une approche renouvelée de la création de richesses

Le dynamisme spécifique de ce secteur tient au fait qu’il est principalement animé par des acteurs privés poursuivant un but non lucratif. Par conséquent, l’impact de la crise financière de 2008 s’est moins fait sentir dans l’ESS, à la différence des entreprises reposant sur un modèle économique traditionnel articulé autour du capital financier de la structure. Par ailleurs, l’opportunité présentée par l’ESS réside également en ce que ce modèle économique alternatif se déploie dans des secteurs caractérisés par des potentiels de croissance importants, tels les services à la personne, l’économie verte ou encore le secteur sanitaire et social. Ces domaines spécifiques participent eux aussi à redéfinir l’activité économique comme un investissement de la collectivité dans la collectivité. En cela, l’économie sociale et solidaire permet de mettre l’accent sur l’objet social de l’activité, c’est-à-dire son apport à la collectivité, et non pas seulement sur les marges financières réalisées.

Historiquement, l’ESS est apparue à la fin du 19ème siècle, comme une réponse adressée aux disparités sociales engendrées par la révolution industrielle. Il a alors été fait le constat que la création globale de richesse ne s’accompagnait pas nécessairement d’un bien-être des individus, notamment ceux relégués dans les marges. Dès lors, la loi s’est attachée à définir de nouvelles structures économiques : les associations, les mutuelles et les coopératives. Leur principe commun était de remettre au cœur de l’organisation économique l’homme et non plus le profit, en mettant en avant le service rendu plutôt que la distribution de ces profits. En d’autres termes, l’ESS s’efforce de donner un prix à la plus-value sociale plutôt que de conserver comme seule grille de lecture les prix marchands des transactions réalisées.

Afin de se distinguer explicitement de l’économie traditionnelle, l’ESS se caractérise par des critères à respecter pour pouvoir s’en réclamer : les entreprises s’y inscrivant doivent établir qu’ils poursuivent un objectif socialement utile, mettre en place une gouvernance démocratique ou participative au sein de la structure, et adopter une gestion au but lucratif limité.

Pour remplir ces objectifs, le projet de loi prévoit que l’ESS bénéficie de moyens financiers nouveaux pour se développer, avec un accès facilité aux financements, essentiellement au moyen de la Banque publique d’investissement, qui mobilisera près de 500 millions d’euros à destination de ce secteur.

Une réponse à la désindustrialisation

Si l’ESS constitue un outil relativement récent dans l’histoire économique, le projet de loi entend lui donner la pleine faculté de se développer, notamment dans la perspective d’une réponse innovante apportée au problème de la désindustrialisation. Le texte de loi en effet prévoit des mesures pour faciliter la reprise de certaines entreprises (de moins de 250 employés) par des salariés, au moyen d’une obligation d’information préalable d’un projet de cession. Trop souvent en effet, l’intention de céder l’entreprise n’est connue qu’à la veille de la réalisation de la vente, de sorte que les syndicats, salariés et comités d’entreprises se trouvent dans l’incapacité d’intervenir. Cette communication interne a donc pour objectif de permettre aux salariés de déposer éventuellement un projet de reprise sous forme de coopérative.

Ce projet de loi était donc nécessaire non seulement en tant que qu’ensemble de normes pour protéger et développer l’ESS, mais aussi en tant que reconnaissance d’une voie alternative pour l’économie et la création de richesse. Je salue en ce sens le travail des ministres Benoît Hamon puis Valérie Fourneyron qui ont travaillé à ce que soit reconnue la particularité de ce secteur, et l’espoir qu’il porte.