Loi égalité femmes-hommes : garantir l’effectivité des droits
Jeudi 26 juin, l’Assemblée nationale a adopté en 2ème lecture le texte de loi sur l’égalité entre les femmes et les hommes. Le Gouvernement et les députés se sont avant tout attachés à rendre effectifs les textes existants, afin de ne pas ajouter des mesures à celles déjà insuffisamment appliquées. Le projet de loi contient quatre volets principaux, qui témoignent de l’approche transversale des inégalités : l’égalité professionnelle, la lutte contre la précarité, la lutte contre les violences, et la parité.
De nombreuses études et le retour des associations montrent que l’origine des inégalités professionnelles s’explique par les inégalités de répartition des responsabilités familiales et des tâches domestiques plus généralement. La ministre Najat Vallaud-Belkacem a initié en ce sens une démarche décisive via l’instauration d’un partage du congé parental entre les deux parents, congé qui passe de trois ans à 2,5 ans + 6 mois pour l’autre parent. A terme cependant, il faudra me semble-t-il poser clairement comme objectif un congé plus court et mieux rémunéré, et surtout partagé de manière égale entre le père et la mère.
Concernant la lutte contre précarité des femmes, elle s’est principalement articulée autour du cas des mères isolées. 90% des familles monoparentales en effet ont à leur tête une femme, et près de 40% des pensions alimentaires ne sont pas versées – ou le sont irrégulièrement – par leur ancien conjoint. Le texte de loi permet de remédier à ces situations de grande précarité en donnant à des structures existantes telles que les CAF la possibilité de se substituer au parent défaillant en cas de non-versement, puis de se retourner vers le débiteur.
Sur le volet violence, le projet de loi permet des avancées majeures telles que le principe de l’éviction du foyer du conjoint violent, qui n’était pas encore inscrit dans la loi. De même, concernant l’ordonnance de protection qui permet à une femme d’être protégée même sans porter plainte, le texte prévoit que les femmes étrangères seront exonérées du timbre fiscal qui était évidemment un frein à leur accès à la justice.
Sur le plan de la parité, le projet de loi prévoit le doublement des pénalités pour les partis politiques ne respectant pas les obligations de parité. Parité également au sein des exécutifs locaux, de même que pour les responsabilités sociales et électives (chambre de commerce et fédération sportives, etc.).
Toujours dans le souci de garantir l’effectivité des droits existants, le travail parlementaire a permis de prolonger ou de compléter le texte d’origine, concernant l’avortement notamment. Ainsi les parlementaires avaient-ils obtenu en première lecture la suppression de la notion de « détresse » préalable à l’IVG, afin de faire de l’IVG un droit à part entière et non pas une tolérance.
Au cours du travail législatif, plusieurs points m’ont semblé devoir être approfondis, et notamment le temps partiel.
Réduire le recours aux temps partiels et réduire la précarité liée à ce type d’emploi
Au vu de la précarité qu’il induit pour les femmes, il faut encadrer de manière plus stricte l’emploi à temps partiel, afin de rappeler que la norme demeure le temps plein. J’avais déposé, avec la Délégation aux droits des femmes notamment, des amendements visant à décourager le recours au temps partiel par le biais d’une surcotisation pour l’assurance vieillesse, visant à ouvrir les droits sociaux à tous les contrats en supprimant la notion de « prorata temporis », ainsi qu’à limiter le recours aux avenants aux contrats. Nous avions également proposé que soit instaurée une prime de précarité à l’instar de ce qui existe pour les CDD.
Mettre en place un véritable accompagnement de la parentalité afin de limiter l’impact des responsabilités familiales sur la vie professionnelle des femmes
Ce texte de loi porte une conception partagée de la parentalité via la réforme du CLCA ; il m’a semblé important d’accentuer cette dimension en ouvrant des droits pour les pères (tel que la prolongation du congé paternité, l’autorisation d’absence des pères au travail pour les examens prénataux, etc.) parce que l’on sait que l’implication précoce des pères détermine le partage par la suite des responsabilités éducatives et familiales.
Ce projet constitue également l’occasion de rappeler qu’à terme toutefois, rien ne se fera sans la mise en place d’un véritable service public de la petite enfance, car l’impossibilité de faire garder son enfant entraine presque systématiquement la perte de l’emploi pour la mère.
Renforcer les outils de collecte des données nécessaires à l’évaluation des inégalités femmes / hommes.
Le travail d’audition a également été l’occasion de constater le manque de données à dispositions des acteurs de l’égalité, qu’il s’agisse des observatoires ou des partenaires sociaux, pour mettre en place et orienter des politiques publiques adéquates. Les recommandations que nous avons formulées avec la Délégation de même que les amendements que j’ai déposés proposent de conditionner les allègements de charges dont bénéficient les entreprises à l’actualisation du Rapport de situation comparée.
Il faut également veiller à ce que la classification professionnelle remplisse un objectif de non-discrimination pour les carrières des femmes, en demandant aux branches de fournir un rapport annuel à des instances telles que le Conseil supérieur de l’égalité professionnelle (CSEP). En effet, 50% des femmes sont réparties dans seulement 12 des 87 familles professionnelles, et ces métiers essentiellement exercés par des femmes souffrent d’un manque de reconnaissance de leurs pénibilités et de leurs compétences propres.
Afin d’assurer une valorisation satisfaisante de ces données, il est nécessaire de compléter la formation des acteurs de l’égalité professionnelle ; les RH notamment, mais aussi les représentants du personnel, de même que les personnels ayant trait à l’emploi. Trop souvent en effet, les informations disponibles demeurent sous exploitées.
Ce projet de loi comporte donc des avancées importantes, et notamment celle d’adopter une démarche transversale dans la lutte contre les inégalités. Celle-ci reconnait que les discriminations contre les femmes dans leur vie sociale en général et au travail en particulier ne sont pas sans liens avec les représentations qui sont données d’elles, ni sans rapport avec le partage des responsabilités familiales et domestiques.
Imprimer l'article | Cette entrée a été postée par Barbara Romagnan le 8 juillet 2014 à 18 h 31, et placée dans Affaires sociales. Vous pouvez suivre les réponses à cette entrée via RSS 2.0 Les commentaires et les pings sont fermés pour l'instant |
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