Le foulard de la discorde
Une élue, également maman et éducatrice de profession, m’a dit avoir été en colère en entendant la ministre de l’Éducation nationale dire qu’une mère voilée pouvait accompagner une sortie scolaire. Elle dit ne pas accepter que quelqu’un qui porte des signes religieux puisse s’occuper d’enfants dans une institution de la République et considère que c’est une atteinte à la laïcité.
Cette question de l’accompagnement des sorties scolaires est très discutée. Les ministres de droite Xavier Darcos et Luc Chatel y avaient répondu d’une façon différente. Najat Vallaud-Belkacem a en effet tranché la question en estimant que les parents qui accompagnaient des sorties scolaires n’étaient pas des « collaborateurs du service public » et qu’ils échappaient donc à l’obligation de neutralité religieuse. Si le sujet est difficile, c’est la position dans laquelle je me reconnais. Ainsi, les mères voilées ne sont pas a priori exclues de l’accompagnement des sorties scolaires. Néanmoins, cela ne les autorise pas à faire du prosélytisme religieux, de même qu’on n’a pas le droit de faire du prosélytisme politique. C’est aux enseignants d’en juger.
Sur un plan pratique, dans nombre d’écoles que je connais, se priver des mères voilées pour les sorties signifierait arrêter les sorties. Par ailleurs, je trouverais dommage de se priver de ces parents qui souhaitent s’investir aux côtés de l’école et participent à des activités pratiquées par leurs enfants. Et comment expliquer à un enfant que sa mère ne peut pas accompagner une sortie scolaire seulement parce qu’elle porte un foulard ? Ces moments permettent de voir son enfant sous un autre angle, de le voir évoluer avec les autres ; c’est aussi un moment privilégié pour des échanges avec les enseignants. Enfin, c’est l’occasion pour les enfants de réfléchir concrètement sur la laïcité.La façon dont je comprends la laïcité, c’est qu’elle est d’abord une liberté, celle de croire ou de ne pas croire ; liberté de ses convictions syndicales, politiques ou religieuses et celle de les exprimer, y compris dans l’espace public. C’est ensuite l’indépendance de l’État à l’égard des religions. L’État respecte les croyances et les croyants, qui en retour respectent les lois de la République.
On a le droit de considérer que porter un foulard est une marque de soumission, un signe de la domination des hommes sur les femmes, on peut y compris faire part à cette femme de son opinion, mais, à défaut de partager son choix ou son opinion, on se doit de respecter ce choix, qui, en l’occurrence, ne contrevient pas au droit. la laïcité, c’est d’abord une liberté, celle de croire ou de ne pas croire.
Barbara Romagnan
Chronique publiée dans L’Humanité le 16 février 2015
Imprimer l'article | Cette entrée a été postée par Barbara Romagnan le 17 février 2015 à 8 h 43, et placée dans Dans les médias. Vous pouvez suivre les réponses à cette entrée via RSS 2.0 Les commentaires et les pings sont fermés pour l'instant |
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about 6 months ago
« Sur un plan pratique, dans nombre d’écoles que je connais, se priver des mères voilées pour les sorties signifierait arrêter les sorties » …. donc si j’ai bien compris, on peut également, pour les mêmes raisons, autoriser la burqa ?
about 6 months ago
Donc, si j’ai bien compris : adorateur de Pan et adepte du naturisme, je pourrais revendiquer d’accompagner une sortie scolaire dans le plus simple appareil. Adepte de Dionysos, la tête ornée du pampre de la vigne, une bouteille de vin dans la poche. Emule du FN, arborant un tee-shirt « vive Le Pen ». On pourrait même ouvrir un concours pour inventer d’autres propositions toutes plus originales les unes que les autres pour brouiller un peu plus les repères. Quelque chose me dit qu’une association ad-hoc (à créer) serait capable de fournir quand c’est nécessaire les accompagnateurs « neutres » dont ont besoin des enfants en construction, futurs citoyens d’une société commune bien plus large que celle de leur croyance. Alors que votre « accommodement » n’aura pas d’autre effet que de les confiner dans l’espace communautaire univoque. Vous êtes vous interrogée sur la violence imposée aux athées et agnostiques (qui comptent aussi des enfants) par l’impérialisme des croyances religieuses ?
about 6 months ago
Je suis très surpris que Barbara accepte des accompagnateurs portant leurs insignes du front national. car à partir de là , il ne peut en être autrement.
La laïcité c’est: la liberté de conscience + la liberté d’expression ( y compris celle d’afficher ses convictions dans l’espace civil (la rue,…) et celle de critiquer et de se moquer des croyances.) + la séparation des Églises et de l’État.
Les sorties scolaires de l’école publique relèvent bien de l’État. Les accompagnateurs occasionnels et bénévoles ont dans le cadre de cette activité un lien de « subordination » avec les enseignants. (ce sont ces derniers qui décident du lieu , de la date , des horaires..;) An sens du code du travail les accompagnateurs sont donc des collaborateurs de l’Éducation nationale. c’est d’ailleurs à ce titre qu’ils sont assurés par l’État.
ce sont des positions comme celle là qui font le succès du front National. quelle erreur!