Bois-énergie : plaquettesLe débat national sur la transition énergétique a été lancé par le président de la République les 14 et 15 septembre 2012 lors de la conférence environnementale. Depuis, ce sont des centaines de débats publics qui ont lieu en France, jusqu’à la fin de ce mois de juin. Ce sujet, qui lie intimement la question environnementale et la question mais aussi l’enjeu de notre modèle de développement, m’intéresse particulièrement. Ces dernières semaines, j’ai été invitée à participer à plusieurs réunions publiques dans la région et en France, comme ce fut le cas samedi dernier à Pontarlier, à l’invitation de la section Haut-Doubs du Parti socialiste. Les organisateurs avaient choisi de concentrer nos échanges sur une problématique à résonance locale : le bois-énergie, son développement et le partage de la forêt.

Après une première partie consacrée au développement de cette énergie renouvelable, je suis intervenue au cours de la seconde table ronde sur les enjeux du partage de la forêt pour rendre compatible l’expansion du bois-énergie et la multi-fonctionnalité de la forêt française.

La forêt couvre plus de 16 millions d’hectares en France métropolitaine, soit près de 30 % du territoire. Par conséquent, elle représente des enjeux considérables et notre région l’illustre tout à fait avec un taux de boisement de 44 %. Les forestiers, tout comme les agriculteurs que je rencontre d’ailleurs, sont animés par la passion de leur métier, ont conscience de la fonction qu’ils exercent dans la société. Ce ne sont pas des métiers ordinaires. Bien souvent, ils ont également une réflexion globale sur toutes les interactions au centre desquelles ils se trouvent. C’est particulièrement intéressant et j’y trouve de nombreuses convergences avec des valeurs que je porte et défends.

Au niveau de l’énergie, la forêt et l’agriculture sont deux activités qui permettent de séquestrer du carbone lorsque la gestion est durable. La forêt française séquestre environ 75 à 100 millions de tonnes de CO2 par an, soit l’équivalent de 4 tonnes par seconde, alors que notre pays rejette chaque année un peu plus de 350 millions de tonnes de CO2. On voit donc l’importance de la forêt.

Allumage du feu à la préhistoireLe bois-énergie est une énergie à la fois très ancienne et très récente. Très ancienne parce que le bois est le premier mode de chauffage utilisé à la préhistoire avant même la découverte du feu. Les hommes préhistoriques ramassaient le bois touché par la foudre ou les éruptions volcaniques et tentaient de conserver le feu pour chauffer leurs grottes. La découverte et la maitrise du feu allumé par l’Homme va changer profondément les modes de vie, développant ainsi chauffage, protection, lumière et moyens de cuisson. Pendant de longs millénaires, le bois est resté le mode unique de chauffage. Mais, je le disais, le bois-énergie est aussi très récent, ou plus exactement, la préoccupation forte que nous avons pour son développement et son efficacité comme moyen alternatif aux énergies fossiles, est beaucoup plus récente.

Pourtant, l’enjeu est de taille. La transition énergétique est aujourd’hui un impératif auquel nous ne pouvons nous soustraire. Que nous le voulions ou non, nous devons repenser notre modèle de développement. Il nous a permis d’extraordinaires progrès, mais au prix d’inégalités persistantes et d’une exploitation et d’un épuisement progressif des ressources, tant en quantité qu’en qualité.

Jusqu’à maintenant, nous avions pu, tant bien que mal, repousser l’échéance et les limites, grâce à la science et aux technologies. Mais nous ne pouvons plus faire écran, faire diversion. Refonder notre modèle de développement, ce n’est pas opposer l’économie et la compétitivité à l’écologie. Au contraire, l’exigence environnementale doit être utilisée comme un levier permettant de favoriser l’activité économique, l’emploi, d’améliorer le bien-être commun et de réduire les inégalités.

La transition énergétique est l’un des piliers de ce défi, avec deux impératifs. D’abord et avant tout, il nous faut agir pour la sobriété et l’efficacité énergétique. C’est la condition sine qua non qui participe aussi du changement de modèle, de renversement des valeurs où le « toujours plus » ne doit plus être la règle. Ensuite, nous devons développer les énergies renouvelables pour nous passer progressivement des énergies fossiles, devenues rares et chères.

Part de chaque filière dans la production primaire d'énergie renouvelable en 2009

Part de chaque filière dans la production primaire d'énergie renouvelable en 2009

Pour parvenir à ces deux impératifs, la forêt et le bois ont toute leur place et, il faut le dire, une place déterminante s’agissant des énergies renouvelables. Cela a été rappelé, la France a pris l’engagement d’atteindre 23 % d’énergies renouvelables dans la consommation d’électricité finale d’ici à 2020, contre 13,5 % en 2011. Le palier à franchir est important. Et à l’heure actuelle, le bois représente 46 % de la production d’énergies renouvelables dans notre pays. On ne pourra donc atteindre l’objectif des 23 % qu’avec une contribution indispensable du bois-énergie.

Pour autant, il ne s’agit pas de faire n’importe quoi, n’importe comment, au risque de déstructurer toute une filière et de dérégler les équilibres environnementaux des milieux naturels. En effet, la France – contrairement à l’Allemagne ou à d’autres pays de l’Est de l’Europe – a fait le choix d’une forêt « multifonctionnelle », ce qui signifie qu’elle n’est pas sectorisée, découpées géographiquement en fonction des usages. Cette multifonctionnalité se traduit concrètement par les rôles joués par la forêt dans plusieurs domaines, tous interdépendants :

  • la biodiversité (la forêt mondiale abrite 80 % de la biodiversité terrestre)
  • l’économie et l’aménagement du territoire (la filière bois et tous ses produits et sous-produits, les emplois locaux générés, la valeur ajoutée créée)
  • les sols (prévention contre les éboulements, lutte contre l’érosion…)
  • l’eau (régulation des débits, filtration, 80 % des eaux minérales sont captées en forêt)
  • l’air et le climat (captage de CO2, filtration des particules)
  • les loisirs et le tourisme (200 millions de visiteurs par an en forêt en France, surtout dans les forêts publiques)
  • le lien social (pratique de l’affouage)
  • les paysages (diversité du relief, des climats)

Concilier tous ces rôles de la forêt, la partager, est une gageure quotidienne. Plusieurs questions sont devant nous et des réponses que nous y apporterons dépendront les évolutions de la forêt pour les décennies et les siècles à venir :

  • Comment gérer la forêt et l’exploiter de façon soutenable pour atteindre les objectifs ambitieux de développement du bois-énergie et de la transition énergétique ?
  • Jusqu’à quelle limite supérieure pouvons-nous mobiliser la ressource, sachant qu’actuellement, environ la moitié de la production biologique annuelle de la forêt (100-120 M de m3) est prélevée et qu’il convient de ne pas la surexploiter afin de permettre la régénération des sols ?
  • Comment éviter les conflits d’usage, qui sont déjà apparus, détournant ainsi du bois d’œuvre vers le bois-énergie ? Le développement de la filière bois-énergie doit-elle être prioritaire au risque de cette concurrence ou vaut-il mieux encourager le développement du bois d’œuvre et d’industrie et utiliser ensuite leur recyclage et les connexes de bois comme bois-énergie ?
  • Comment valoriser toutes les fonctions indirectes de la forêt et assurer une gestion financièrement stable ?
  • A l’échelle d’un territoire régional comme le nôtre, fortement imprégné par la forêt, quels sont les acteurs à mobiliser et à mettre autour de la table, avec quels dispositifs, quels moyens humains et financiers, quel cadre juridique et réglementaire ?