Tout le monde est d’accord pour reconnaître que l’éducation, et l’école en particulier, est un enjeu majeur. Pourtant, on n’en parle pas beaucoup. C’est pourquoi le débat organisé par la bibliothèque de Chaucenne, ces 3 et 4 février, était particulièrement bienvenu.

Personnellement, j’ai toujours été heureuse à l’école. Que ce soit en tant qu’élève ou, aujourd’hui, en tant qu’enseignante. Je l’ai toujours vécue comme un lieu de rencontres, d’apprentissage, d’amusement. Mais en 11 ans d’enseignement dans différents établissements, j’ai eu le temps de me rendre compte que cette expérience n’est pas partagée par tous les enfants et les jeunes. En effet, pour beaucoup, l’école est un lieu de l’échec, d’humiliations parfois.

Pour moi, l’école doit contribuer à compenser les inégalités sociales, à susciter la curiosité, le goût de l’étude, la tolérance, l’ouverture. C’est pourquoi je me sens aussi souvent très en colère. Malgré le temps passé (quoi qu’en disent certains), le sérieux et la passion que l’on met dans son travail d’enseignant, on est obligé de voir que loin de réduire les inégalités sociales, l’école les reproduit largement. Je dirais même qu’elle les légitime. En grossissant un peu le trait, on pourrait dire que, un peu comme certaines banques blanchissent de l’argent sale (sale parce qu’issu du commerce de la drogue, de la prostitution, du crime), l’école blanchit les inégalités sociales sales.

En effet, à force de dire qu’à l’école tout le monde est à égalité, que c’est le travail, la bonne volonté et l’intelligence qui sont récompensés, on finit par penser que ceux qui ne réussissent pas sont, soit des imbéciles, soit des fainéants. Et le pire, c’est que les jeunes eux-mêmes le ressentent. Les enseignants – et les parents - éprouvent souvent un grand sentiment d’impuissance.

Il faut reconnaître qu’aujourd’hui l’école ne corrige pas les inégalités qui minent et divisent la société. Pour reconstruire le Service Public attendu, il faut sans doute permettre un nouvel engagement des enseignants confrontés à l’impuissance dans un contexte social dégradé ; assumer un renfort massif et mieux ciblé de l’aide à apporter aux établissements concentrant les enfants des familles les plus en difficulté. Ce n’est évidemment pas uniquement une question de moyens, mais les suppressions de postes prévues pour la rentrée prochaine, sans commune mesure avec la baisse du nombre d’élèves, sont une très mauvaise façon d’améliorer le fonctionnement de l’école.