La société Nicollin devant la Justice
La société Nicollin est chargée de récupérer et stocker les déchets industriels sur le site de Corcelles-Ferrières depuis de nombreuses années. A la suite de cette installation, une association d’habitants, « Bien vivre » (essentiellement ceux vivant à proximité mais pas seulement) s’est montée et exerce depuis une vigilance citoyenne exemplaire sur les pratiques de cette société.
L’année dernière, le Directeur de la DREAL (1) de Franche-Comte, a décidé, de transmettre au Parquet les infractions et délits en matière de traitement des déchets (industriels) dont la société Nicollin, s’est rendue coupable depuis plusieurs années.
L’association « Bien vivre », représentant les habitants des villages environnants, a également écrit au Procureur de la République pour se porter « Partie civile » (c’est-à-dire victime), en soulignant les graves atteintes à l’environnement engendrées par les pratiques de cette Société.
Le Procureur a décidé d’engager une action judiciaire, mais l’audience a été reportée. Vous trouverez ci-dessous des éléments du dossier, transmis à l’association, en tant que partie civile. L’ensemble est un peu long, mais clair et vous permettra d’être attentif à cette question qui ne concerne pas uniquement les proches habitants. J’ajouterai également que ce qui est reproché ici, n’est pas le principe de la présence d’un centre d’enfouissement de déchets, même si personne ne souhaite en avoir un près de chez lui, mais le non respect des normes et obligations afférentes à cette activité.
Ce qui est reproché à la Société NICOLLIN, et à son Directeur de site :
- L’absence de mesure de la charge hydraulique dans les casiers de déchets,
- L’écoulement suspect relevé par la DREAL lors d’une inspection inopinée,
- Le glissement de terrain,
- L’absence de barrière de sécurité active,
- Absence de mesure de la charge hydraulique dans les casiers de déchets.
Les lixiviats, c’est-à-dire les jus qui s’écoulent au fond des casiers du fait de la décomposition des déchets et de la percolation des eaux de pluie à travers la masse des déchets, doivent être drainés puis évacués par un ensemble de canalisations jusqu’à un bassin de récupération, puis évacués vers une usine de traitement. Le risque encouru est que les tuyaux viennent à être obstrués, ce qui est tout à fait possible s’agissant de déchets solides qui peuvent être entraînés par ces écoulements de jus et boucher la canalisation. Dans ce cas, les lixiviats pourraient s’accumuler au fond des casiers sous une forte pression, et la masse des milliers de tonnes de déchets reposer sur un élément liquide avec, au pire, le risque que la colline étant déstabilisée se déplace et glisse vers le bas. La loi impose une surveillance de la montée éventuelle du liquide au fond des casiers et que les jus s’écoulent bien par la mise en place de dispositifs (soit piézomètres soit débitmètres) rendant impossible ce scénario catastrophe. Avec 2 ans de retard, la Sté NICOLLIN a mis en place une formule de surveillance, mais seulement partielle et incomplète.
La Société NICOLLIN est mise en cause pour non respect des arrêtés préfectoraux lui imposant ces mesures et contrôles.
Ecoulement suspect
Lors d’une inspection en octobre 2008, les inspecteurs de la DRIRE (2) constatent à flanc du site, « un effluent liquide de couleur brunâtre qui rejoint le réseau des eaux de ruissellement, lesquelles sont rejetées dans le milieu naturel… », considérant que « d’un point de vue olfactif et visuel, ce liquide s’apparente à des lixiviats… ».
Les analyses de ce liquide « font apparaître des concentrations relativement importantes en plomb, en manganèse et en fer ». La Société NICOLLIN conteste absolument qu’il puisse s’agir d’un écoulement de lixiviats, bien que le Directeur ait admis que cet écoulement se produisait depuis 12 ans.
Une étude a été réalisée à la demande de la Société NICOLLIN, par un Cabinet spécialisé, infirmant la présence de lixiviat. Mais il faut noter que les « investigations », c’est-à-dire le creusement du sol par les agents du Bureau d’étude à l’endroit incriminé, et les prélèvements d’eau et de terre, ont été effectués en Mars 2009, c’est-à-dire 5 mois (et 1 hiver) après la découverte de l’effluent par les inspecteur de la DRIRE. Et antérieurement, « NICOLLIN a pris l’initiative de reprendre cet endroit à la pelle mécanique afin d’assainir les lieux », selon le rapport du Bureau d’étude. Comment imaginer dans ces conditions que des anomalies aient pu être détectées ?
La Société NICOLLIN est mise en cause pour atteinte à la protection de la nature et de l’environnement.
Glissement de terrain
Début avril 2006, l’agriculteur qui exploite une prairie située à proximité et en contrebas du site, découvre que le sol de son terrain, normalement très plat, s’est soulevé sous forme d’un bourrelet d’environ 40 à 50 m de long et de 0,80m de hauteur. Par la suite, ce bourrelet atteindra environ 2 m de hauteur. Il est actuellement encore dans cet état.
Suite aux incessantes interventions de l’association « Bien vivre », en août 2007, le Préfet met en demeure la Société NICOLLIN de réaliser les travaux de consolidation de la colline dans les 2 mois. Ceux-ci ne seront réalisés qu’en août 2008. En mars 2010, une inspection de la DREAL (confirmée par une expertise) relève que le glissement n’est pas complètement stabilisé et précise que les travaux n’ont pas été exécutés selon les prescriptions.
La Société NICOLLIN est mise en cause, là encore, pour non respect des arrêtés préfectoraux et atteint à la protection de la nature et de l’environnement.
Barrière de sécurité active
La législation, dans le but d’éviter l’infiltration des lixiviats vers les nappes phréatiques, impose pour les casiers de déchets une sécurité dite passive constituée par le terrain naturel, souhaité imperméable (mais qui ne l’est jamais parfaitement), et une barrière de sécurité active constituée par une géomembrane étanche. La DREAL, à plusieurs reprises, a rappelé à l’exploitant cette loi de 2007… sans succès. Le Directeur de la Société NICOLLIN a même osé écrire au Préfet qu’il ne se conformerait pas à cette prescription, du fait qu’il envisageait de mettre fin à l’exploitation du site de Corcelles-Ferrières… 2 ans après la mise en application de cette loi !
La Société NICOLLIN est mise en cause une fois de plus pour non respect des arrêtés préfectoraux et risque d’atteinte à la protection de la nature et de l’environnement.
D’une façon générale, la gestion du site par l’exploitant est fortement mise en cause par la DREAL qui relève dans ces différentes affaires de très nombreuses infractions à la réglementation sur la gestion d’un site de cette nature.
A présent que va-t-il se passer ?
L’audience devait avoir lieu le 13 avril dernier, mais la Société NICOLLIN a obtenu qu’elle soit repoussée. L’objectif de l’association est :
- que soit mis fin à ces pratiques délictueuses,
- de faire apparaître l’incapacité de la Sté NICOLLIN de gérer ce site en application des dispositions légales et réglementaires,
- de démontrer les risques importants que ce Centre d’enfouissement des déchets fait encourir à l’environnement et à la santé publique,
- et, si possible, que soit prononcé l’arrêt de l’exploitation.
(1) DREAL : Direction Régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement
(2) Direction Régionale de l’Industrie, de la Recherche et de l’Environnement
Imprimer l'article | Cette entrée a été postée par Barbara Romagnan le 25 avril 2011 à 7 h 07, et placée dans 1ère circonscription du Doubs. Vous pouvez suivre les réponses à cette entrée via RSS 2.0 Les commentaires et les pings sont fermés pour l'instant |
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