Le 28 juin dernier, l’Assemblée Nationale a adopté un projet de loi visant à réformer la justice des mineurs. Il ne reste maintenant plus qu’à l’Assemblée Nationale et au Sénat à s’entendre sur quelques ajustements mineurs pour que ce projet de loi soit adopté.

De nombreux professionnels de la justice, de nombreuses personnalités politiques, des associations à l’image de l’UNICEF, se sont indignés et se sont mobilisés contre ce projet.

Comme l’indiquait Jean-François de Mongolfier, chargé de mission au service juridique du Conseil Constitutionnel, en octobre 2008, deux principes fondamentaux doivent régir la justice des mineurs :

  • l’atténuation de leur responsabilité pénale en fonction de leur âge
  • la nécessité de rechercher le relèvement éducatif et moral des enfants délinquants par des mesures adaptées à leur âge et à leur personnalité.

Cette justice doit être mise en œuvre par une juridiction spéciale, et donc spécialement formée, et selon des procédures qui prennent en compte les spécificités liées au jeune âge des justiciables mineurs.

Les principes précédents, pourtant garantis par la Convention internationale des droits de l’enfant, sont aujourd’hui largement mis à mal par ce projet de loi qui prévoit notamment :

  • la réduction des délais de jugement pour les mineurs ; or, la vitesse et le rendement dans les jugements vont à l’encontre d’une justice de qualité. Le jeune âge des délinquants mineurs imposent un dialogue, de la pédagogie et un accompagnement pour éviter la récidive. Et cela prend du temps… surtout avec des moyens réduits pour la justice.
  • des sanctions pour les parents « défaillants » ! Bien sur les parents sont responsables de l’éducation de leurs enfants, c’est pourquoi la justice permet déjà de les sanctionner pour leurs éventuels manquements. Cependant, généraliser ces mesures et s’en contenter n’est guère susceptible d’améliorer l’état de notre société et faire avancer des parents souvent bien démunis. A mon sens c’est seulement une façon de se donner bonne conscience en permettant de reporter le déficit d’éducation sur les seuls parents. Or, le déficit d’éducation généré par la société elle même, dois nous mobiliser également, par exemple par certaines séries télé ou radios hautement contre-éducatives qui saturent les esprits d’individualisme, de narcissisme (parce que je le vaux bien), ….et qui captent l’audience par tout ce qui excitent (le sexe, la violence, l’argent, les scandales, l’indignation sans pouvoir ou  » creuse « , les grosses voitures, le/les risques…). On sait également qu’il est primordial de lutter, contre l’état de faiblesse, de précarité économique, sociale, de santé, d’éducation, de temps disponible, …. qui font que des parents puissent être  » dépassés « .
  • la création d’un tribunal correctionnel pour les mineurs de 16 à 18 ans. Pourtant, La nécessité de rechercher le relèvement éducatif et moral des enfants délinquants par des mesures adaptées à leur âge et à leur personnalité mise en œuvre par les Tribunaux pour enfant n’exclut nullement le principe de la peine  » correctionnelle « . On veut nous faire croire que les bons sentiments conduisent au laxisme et sont inefficaces,… qu’il faut être réaliste, ….. que le savoir faire éducatif passe nécessairement par la peine correctionnelle.

Pour la nième fois, le gouvernement met la pénalisation et la répression à l’honneur ; et favorise le déclin de l’éducation. La volonté est sans nul doute de réduire les coûts. C’est à mon sens une erreur si l’on prend en compte le coût de la délinquance tant à la fois pour les finances de l’Etat que pour l’état de la société et pour le bien être des personnes.

En d’autres termes, avec cette loi sur le point d’être adoptée, la justice des mineurs qui faisait « le pari de la capacité d’évolution des jeunes » (selon l’expression de Marie-Pierre Hourcade, juge des enfants au Tribunal de Grande instance de Paris) perd de sa spécificité et se rapproche très dangereusement de la justice des majeurs. Pourtant, cette justice des mineurs a fait ses preuves puisque selon des statistiques, seulement 5 % des jeunes délinquants récidivaient.

Je soutiens que la lutte contre la délinquance juvénile est, pour nous mêmes comme pour nos jeunes, un sujet sérieux qui requiert la mise en place d’une politique globale. Comme le souligne l’UNICEF, une politique qui agirait sur l’ensemble des facteurs contribuant au développement de la délinquance et qui mettrait l’accent sur les mesures préventives et sur les réponses éducatives, est nécessaire. Une telle politique doit être menée en concertation avec des professionnels de l’enfance, de l’adolescence et de la justice des mineurs.

Cette approche globale, humaine, concertée et efficace n’est pas le choix du gouvernement qui a choisi de faire adopter en urgence un projet de loi centré sur la pénalisation.

Les associations et les professionnels sont aujourd’hui plus que jamais mobilisés et espèrent, à l’occasion d’une saisine très prochaine du Conseil constitutionnel, une invalidation de cette réforme. Je voudrais ici soutenir cette mobilisation.