Injustices et terrorisme
On me dit que parler des conditions sociales reviendrait à trouver des justifications aux comportements de ces gens, à excuser leurs actes. Non, évidemment. Mais si l’on veut se préserver autant que faire se peut de prochains attentats, il faut bien s’interroger sur nous-mêmes, sur notre société. Car ces hommes et ces femmes, souvent jeunes, ne viennent pas de Syrie, de Palestine ou d’Irak, ils ne sont pas des réfugiés non plus. Ils sont français, nés en France, élevés en France. Il est vrai, loin s’en faut, que tous les enfants des quartiers populaires, issus de familles immigrées, ne deviennent pas des terroristes. Vrai aussi que l’intégration se passe mieux qu’on ne le dit souvent. Tous les jeunes issus de l’immigration ne sont pas au chômage, les mariages mixtes sont nombreux et les réussites individuelles manifestes. Mais ils souffrent quand même du chômage bien plus que la moyenne
des jeunes, qui eux-mêmes en souffrent davantage que la moyenne des Français. Plus que les autres, ils souffrent de discriminations, de la difficulté à se loger.
La promesse républicaine dont ont pu bénéficier d’autres générations d’immigrés – sans diminuer les difficultés qu’ils ont eux-mêmes rencontrées – n’est guère tenue à leur égard. La contradiction entre l’ambition que nous affichons dans notre devise « liberté, égalité, fraternité » et sa traduction dans la réalité vécue par nombre de ces jeunes offre un terreau favorable aux recruteurs sans scrupule qui savent repérer les esprits les plus fragiles et manipulables pour les embrigader dans ce suicide d’eux-mêmes et de la société dans laquelle ils ont pourtant grandi.
C’est pourquoi la réponse ne peut pas être uniquement sécuritaire. Les causes de ces attentats sont nombreuses et complexes et certaines n’ont que très peu à voir avec la politique – intérieure et extérieure – conduite en France, par la France. Mais il nous faut agir sur ce qui dépend de nous, pour le partage du travail et des richesses, pour l’accès à un logement et pour limiter de la ségrégation spatiale, pour une éducation qui permette l’émancipation. En effet, les conditions dans lesquelles vivent nos concitoyens peuvent les rendre plus ou moins fragiles et susceptibles de répondre aux sirènes de Daech. La lutte contre les injustices sociales et environnementales, en France et dans le monde, ne suffira pas à nous préserver absolument des attentats, mais à mon sens elle constitue l’investissement le plus sûr pour notre sécurité et la qualité. Elle est dans tous les cas indispensable à la qualité de notre vie commune sur cette planète, la seule que nous ayons.
Barbara ROMAGNAN
Chronique publiée dans L’Humanité le 30 novembre 2015
Imprimer l'article | Cette entrée a été postée par Barbara Romagnan le 30 novembre 2015 à 12 h 45, et placée dans Dans les médias. Vous pouvez suivre les réponses à cette entrée via RSS 2.0 Les commentaires et les pings sont fermés pour l'instant |
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about 2 months ago
Nous ne sommes que les produits d’un système.
Le système « formate » les individus pour en faire des êtres sans conscience, sans réflexion. On apprend aux collégiens la trigonométrie. Pourtant cela sera utile à moins de 1% d’entre eux.
Alors quel intérêt ? faire accepter à quelqu’un de réaliser quelque chose, sans qu’il en comprenne le sens.
Après 4 ans de collège, et trois ans de lycée, l’individu est prêt à obéir à n’importe quel ordre. Celui de patrons … voire d’extrémistes.
Pour changer le monde, il faut changer d’éducation. Mais est-ce entendable par une enseignante ?