Inégalités femmes-hommes en territoires urbains et ruraux : penser global, agir local
Jeudi 19 juin, Najat Vallaud-Belkacem, ministre des Droits des femmes, de la Ville, de la Jeunesse et des Sports s’est vu remettre le rapport du Haut Conseil à l’Egalité entre les femmes et les hommes relatif à l’égalité femmes-hommes dans les quartiers prioritaires et les territoires ruraux.
Ce rapport, qui pour la première fois dresse un état des lieux de la précarité féminine rurale et urbaine, permet de mettre en évidence les effets conjoints de la pauvreté féminine avec les inégalités femmes-hommes préexistantes.
Afin de favoriser une action de terrain, le rapport formule 44 recommandations regroupées sous 3 thèmes principaux : l’emploi des femmes, l’égalité dans l’espace public, l’accès aux droits et aux services. Le rapport souligne en particulier des situations de pauvreté alarmantes des femmes dans certains territoires spécifiques.
« Les femmes en Zones urbaines sensibles, pauvres parmi les pauvres »
L’approche par zonage urbain permet de mettre en évidence les signes d’une pauvreté causée par des conditions de vie globalement dégradées : emploi, santé, violences, etc., et plaide en faveur d’une politique globale relayée par des actions ciblées.
Le pauvreté en Zus touche près d’une femme sur quatre, contre 20% des hommes. La pauvreté féminine se double ici d’un enjeu territorial puisqu’en dehors des Zus, le taux de pauvreté est de près de 10% pour les hommes et les femmes. La difficulté d’approche résulte d’une certaine invisibilité de cette pauvreté, et également du non-recours de certaines personnes aux minimas sociaux, de sorte que leur prise en compte statistique est impossible ou biaisée. De fait l’approche retenue par l’étude du Haut conseil – les bénéficiaires de la Couverture Maladie Universelle Complémentaire – permet une enquête statistique plus renseignée.
Habiter en Zus est également facteur d’une pauvreté accrue pour les familles monoparentales : si 15% d’entre elles hors Zus vivent sous le seuil de pauvreté, cette proportion s’élève à 35% en Zus. Or 90% de ces familles ont à leur tête une femme, montrant là la spécificité de cette précarité. Cette pauvreté est alimentée par un marché de l’emploi plus défavorable dans ces zones qu’ailleurs.
La part des salariés à temps partiel y est plus forte, et la différence entre les femmes et les hommes dans l’évolution plus nette (- 3% de temps plein chez les femmes contre - 1% chez les hommes). Et ces écarts s’accroissent, notamment chez les jeunes : si 62% des femmes de moins de 30 ans travaillaient en CDI en 2008, elle n’était plus que 54% en 2012.
Territoires ruraux : une pauvreté discrète et disséminée
Du fait de l’organisation territoriale et du caractère discontinu de l’habitat, les problématiques des territoires ruraux diffèrent de celles des villes. Ainsi, l’accès aux droits et services est plus difficile en matière de santé et de services d’accueil de la petite enfance notamment.
Du point de vue de l’emploi, la situation est plus dégradée pour les femmes en milieu rural qu’en ville: 53% des demandeurs d’emploi sont des femmes, contre 51% au niveau national. Cette difficulté est encore plus sensible pour les femmes moins de 25 ans, – 61% des demandeurs d’emploi sont des femmes contre 50% au niveau national.
Cette réalité de l’emploi, qui grève durablement les perspectives de sortie de la pauvreté, est aggravée par un recours massif aux temps partiels (39% des femmes bénéficient de ces contrats contre 29% nationalement) et aux emplois précaires (en milieu rural, 16% sont en CDD ou intérim, contre 11% au niveau national), ce qui a pour effet d’inscrire les femmes dans une pauvreté durable.
Parmi les femmes précaires se signale également le cas des « conjointes de » qui ne bénéficient pas d’un statut réel et n’ont de fait pas de droits sociaux correspondants au travail pourtant réalisé. De fait, ces femmes n’ont ni protection sociale ni retraite, et cette précarité demeure difficile à évaluer, à identifier et à réduire.
D’une manière générale enfin, le rapport note que pour les femmes, les territoires ruraux se distinguent également par une moindre valorisation des diplômes éventuellement obtenus. Les femmes diplômées émigrent en effet moins que les hommes vers des zones urbaines plus dynamiques. De fait, pour ces populations, l’opportunité de faire des études constitue dès lors une protection moindre contre le risque de chômage.
Ces observations, qu’elles concernent les territoires ruraux ou le tissu urbain, montrent que les inégalités femmes-hommes sont renforcées par les difficultés en termes d’emploi, de formation, de protection de la santé que rencontrent les populations concernées. Déjà fragilisées par ailleurs, les femmes en pâtissent davantage que les hommes et que les populations des quartiers plus favorisés.
Ce rapport propose par conséquent une approche croisée qui prend en compte ces spécificités afin d’adapter les outils de lutte contre les inégalités, – qu’il s’agisse de la politique de la ville ou bien de la politique d’égalité des territoires. Il rappelle surtout que, loin de suivre des chemins séparés, les inégalités de territoires recoupent et renforcent les inégalités de sexes.
Imprimer l'article | Cette entrée a été postée par Barbara Romagnan le 25 juin 2014 à 15 h 47, et placée dans Affaires sociales. Vous pouvez suivre les réponses à cette entrée via RSS 2.0 Les commentaires et les pings sont fermés pour l'instant |
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