La question des réfugiés est constamment et dramatiquement d’actualité. Certains, reprenant une formule tronquée de Michel Rocard, disent qu’« on ne peut accueillir toute la misère du monde ». Michel Rocard ajoutait que la France « devait y prendre sa part ». Or, aujourd’hui, la France accueille peu de demandeurs d’asile. Elle peut et doit en accueillir davantage. Selon le HCR, le nombre de nouvelles demandes d’asile déposées dans les pays industrialisés a crû de 45 % entre 2013 et 2014. Parmi celles-ci, les Syriens sont les plus nombreux avec 150 000 demandes, dont 138 000 pour l’Europe. L’Allemagne a traité 41 000 demandes, la Suède 30 000, les Pays-Bas 9 000, la Hongrie 7 000 et la Bulgarie 6 000. La quasi-totalité des demandes traitées ont été acceptées. Le Liban et la Turquie accueillent respectivement 1,1 et 1,7 million de réfugiés sur leur sol. De loin, ce sont les pays en développement, voisins des pays en conflit ou exposés aux catastrophes climatiques, qui accueillent le plus de réfugiés.

La France, qui continue régulièrement de se définir comme une terre d’asile, n’a reçu, elle, que               3 000 demandes de Syriens. Elle en a refusé un tiers. Actuellement, le total des demandeurs d’asile et des réfugiés représente 0,4 % de la population. C’est 1,1 % en Suède. Chaque année, nous allouons 600 millions d’euros de notre budget national aux demandeurs d’asile, soit 0,05 % des dépenses publiques. La Grèce et l’Italie accueillent davantage de migrants alors que leurs difficultés sont égales ou supérieures. À cause de l’instabilité politique durable des régions dont ils proviennent, ces vagues de migrants risquent de durer. Nous devons nous organiser, car la question n’est pas de savoir si nous voulons de ces immigrés parmi nous, car ils le seront ; la question est celle de la place que nous leur réservons : les accueillir et favoriser leur intégration, ou les ignorer mais les côtoyer quand même, aux périphéries des agglomérations sous forme de bidonvilles.

Il faut une coopération européenne. Sur l’île de Kos, en Grèce, la municipalité de 30 000 habitants ne peut absorber l’arrivée de 7 000 migrants en l’espace de quelques nuits. Il en est de même pour Lampedusa. En les laissant seuls face à cette immigration massive, nous favorisons bien sûr les réactions de rejet et de xénophobie. Enfin, alors que beaucoup de pays européens ont un solde migratoire négatif, et que nous peinons à maintenir à flot nos systèmes de retraites, l’immigration est avant tout une chance. Considérons le courage qu’il faut à ces migrants pour quitter leur pays et venir en Europe ; c’est une preuve de ce qu’ils peuvent apporter à nos pays, pour peu que nous ne nous fermions pas à eux.

Barbara Romagnan

Chronique publiée dans l’Humanité le 31 août 2015