Fin de vie : quelle nouvelle loi ?
Lundi soir, mon collègue Éric Alauzet a organisé une table ronde au Petit Kursaal de Besançon autour de la question délicate et importante de la fin de vie, dans la perspective d’une nouvelle loi. En effet, prévu initialement pour le mois de juin, le débat que nous aurons au Parlement sur ce sujet devrait intervenir à l’automne prochain.
Dès juillet dernier, le Président de la République a confié une mission de réflexion sur la fin de vie au Professeur Didier Sicard, ancien président du Comité consultatif national d’éthique. Dans la lettre de mission, François Hollande souligne que « la loi du 22 avril 2005 [dite « Loi Leonetti »] relative aux droits des malades constitue une avancée certaine » mais qu’il est nécessaire de réaliser « une évaluation de l’application de ce texte dans le cadre d’une réflexion sur la fin de vie ». Une série de débats publics citoyens a été organisée fin 2012, dont un à Besançon le 22 octobre, afin d’alimenter le rapport que le Professeur Sicard a remis au Président de la République le 18 décembre. Ce rapport sert de base aux travaux du Gouvernement en vue du projet de loi.
Nous sommes actuellement à un moment charnière de la réflexion et il est nécessaire de poursuivre le débat public sur ces questions qui touchent à l’intime, à nos convictions personnelles. Pour y participer, Éric Alauzet avait convié le Pr. Régis Aubry, chef du service des soins palliatifs au CHRU de Besançon et président de l’Observatoire national sur la fin de vie, Jean-René Binet, professeur de droit privé à l’Université de Franche-Comté, spécialiste de ces questions, Thierry Martin, professeur de philosophe à l’Université de Franche-Comté, membre de l’Espace Ethique de Bourgogne Franche-Comté.
Comme l’a souligné Régis Aubry, les progrès de la médecine au cours du XXe siècle ont été tels qu’il est désormais possible de maintenir en vie des patients mais l’émergence récente et souhaitable des droits des personnes malades conduit la médecine à ne plus décider pour autrui : il s’agit du consentement éclairé, lorsque toutes les informations ont été données au patient. Le débat sur la fin de vie pose donc la question fondamentale des limites : le fait que l’on sache faire ne nous dit pas si l’on doit faire.
Par ailleurs, et en dépit du doublement du nombre de places en soins palliatifs depuis 2005 avec désormais 6 000 places en France, chacun s’accorde à reconnaître que la loi Leonetti est encore largement méconnue. Élaborée dans un esprit de consensus et d’ouverture après un arrêt de la cour européenne des droits de l’Homme et l’affaire Vincent Humbert, et votée à l’unanimité au Parlement, la loi Leonetti visait d’abord à regrouper dans un même texte tout l’arsenal juridique existant et à le faire connaître. Elle a conduit aussi le législateur à condamner l’acharnement thérapeutique, à instituer l’arrêt du traitement dans le cadre d’une procédure collégiale pluridisciplinaire, à développer les soins palliatifs et de permettre l’expression libre des volontés des patients ou à défaut, d’une personne de confiance.
Toute la question est donc aussi de savoir si, même en étant mieux connue et appliquée, elle demeure aujourd’hui suffisante, notamment pour des cas particuliers, certes peu nombreux mais que l’on doit aussi prendre en compte. Le désir de mort que les patients en fin de vie peuvent formuler doit être entendu, pris en compte pour y apporter la réponse la plus adaptée, en ayant conscience que ce désir peut exprimer autre chose.
Je souhaite que le débat que nous aurons sur la fin de vie soit le plus apaisé possible, afin que tous les points de vue, légitimes, puissent s’exprimer sans caricature. J’ai déjà eu l’occasion de m’entretenir à plusieurs reprises avec des associations qui réfléchissent et travaillent sur ces questions et poursuivrai ce travail dans les mois à venir, ainsi que lors de l’examen du projet de loi en commission des affaires sociales et en séance.
Imprimer l'article | Cette entrée a été postée par Barbara Romagnan le 3 mai 2013 à 12 h 15, et placée dans Affaires sociales. Vous pouvez suivre les réponses à cette entrée via RSS 2.0 Les commentaires et les pings sont fermés pour l'instant |
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