Mardi 30 mars, lors de l’examen du projet de loi visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel, le Sénat a supprimé la pénalisation du client et réintroduit le délit de « racolage passif ».

Il s’agit d’un sujet difficile, et certains sénateurs ont exposé leurs craintes d’effets pervers de mesures visant à pénaliser les clients, comme le font certaines associations de défense des prostituées. Pour autant, la suppression du délit de racolage passif et l’introduction d’une pénalisation des clients me semblent essentiels pour rappeler le véritable rapport de forces à l’œuvre dans la prostitution. Lorsqu’un individu – presque toujours un homme – achète des faveurs sexuelles à une personne – très souvent une femme – dont on peut supposer qu’elle exercerait une autre activité si elle en avait les moyens, cet individu exerce une violence sur la personne prostituée, et non l’inverse.

Par conséquent, pénaliser les personnes prostituées et supprimer la pénalisation des clients, c’est envoyer un bien curieux message ; c’est dire que la responsabilité de l’existence du système prostitutionnel incombe aux seules personnes prostituées, quand on sait pourtant que ce système existe au moins autant en raison de la demande que de l’offre. C’est nier aussi le statut de victime des personnes prostituées, et les placer dans une situation de grande faiblesse par rapport à leur client. Quelle protection possible pour une femme sur qui repose le délit face à un individu sûr au contraire de son immunité ? Les personnes prostituées en témoignent : c’est ce genre de rapport de forces qui permet notamment aux clients d’exiger des pratiques sexuelles à risques.

Que la pénalisation des clients et la suppression du délit de racolage passif ne puissent seuls tenir lieu de politique, cela ne fait aucun doute. Il faut des moyens considérables, sur le long terme, pour aider les personnes prostituées à sortir du système prostitutionnel. Malgré tout, ces mesures constituent il me semble un pas vers dans la bonne direction ; les supprimer fragilise encore davantage les personnes victimes de la prostitution.