Egalité femmes-hommes : intervention en discussion généraleAlors que s’est ouvert ce lundi 20 janvier l’examen en première lecture à l’Assemblée nationale du projet de loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes, je suis intervenue dans l’hémicycle au cours de la discussion générale.

Co-rapporteure pour information au nom de la Délégation aux droits des femmes sur les volets « égalité professionnelle » et « lutte contre la précarité », je me suis attachée à mettre en avant les avancées du projet de loi dans ces domaines ainsi que les propositions que nous émettons pour améliorer le texte.

Je vous propose de retrouver mon intervention et sa retranscription telle qu’elle figure au Journal officiel :

Egalité femmes-hommes - Intervention en… par barbara-romagnan

Mme Barbara Romagnan. Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, faire une loi, c’est déjà reconnaître qu’il y a un problème ; c’est reconnaître que l’on doit et que l’on peut le résoudre, ou du moins que l’on doit y contribuer. Ainsi que cela a été rappelé, une femme meurt sous les coups de son conjoint tous les deux jours et demi ; les femmes représentent 82 % des travailleurs à temps partiel, avec les conséquences que l’on sait en termes de précarité et de retraite ; les femmes ont encore des salaires inférieurs de 27 % à ceux des hommes ; elles sont toujours tenues à l’écart des lieux de pouvoir, en politique comme dans l’entreprise, même si des progrès ont été enregistrés dans le domaine politique.

Cette situation n’est ni une fatalité, ni une catastrophe naturelle qui nous tomberait dessus sans que l’on n’y puisse rien : elle est le résultat d’un rapport de forces entre les hommes et les femmes ce qui ne signifie pas que toutes les femmes sont de pauvres victimes, ni que tous les hommes sont de méchants agresseurs. Ni les femmes, ni les hommes ne peuvent se satisfaire de cette situation. Cette question étant très politique, la représentation nationale se devait donc de s’en saisir. C’est désormais chose faite, et c’est très bien ainsi !

Ce projet de loi est également important parce qu’il s’inscrit dans un contexte politique qui, à mon sens, lui donne de la force et de la crédibilité, car il est proposé par le premier gouvernement paritaire de l’histoire, représenté par une ministre de plein exercice. Ce gouvernement a en outre mis en place le Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, qui contribue à lutter contre les discriminations et les stéréotypes sexistes dans les lois qui s’y prêtent ; or toutes les lois s’y prêtent ! En effet, les inégalités entre les hommes et les femmes sont partout, de façon plus ou moins visible ; elles se renforcent et s’entretiennent les unes les autres.

L’on voit ici une des autres qualités de ce projet de loi, essentielle à mon sens : ce texte prend en compte le caractère systémique et cumulatif de ces discriminations et, en conséquence, adopte une approche transversale.

Adopter une approche transversale revient à considérer que les violences, la précarité, les inégalités dans la vie personnelle et professionnelle, ainsi que l’exclusion des lieux de pouvoir sont étroitement liées. Le couple n’est pas toujours un havre de paix, pour répondre à ce que disait tout à l’heure Mme Greff : il reproduit très souvent les inégalités existant dans la société et les entretient, très souvent au détriment des femmes mais également, je tiens à le souligner, au détriment des pères, les hommes n’étant jamais considérés comme tels et n’en ayant souvent pas les droits. Pour ma part, je m’attacherai aux questions de travail et de précarité. L’un des nœuds des inégalités entre les femmes et les hommes au travail résidant dans la très inégale répartition des tâches et des responsabilités familiales, le texte prévoit la réforme du congé parental qui passera ainsi de trois ans à deux ans et demi, plus six mois pour le deuxième parent le plus souvent le père. Cela permet de décharger quelque peu la mère, matériellement et psychologiquement, et de reconnaître un peu plus l’homme dans son rôle de père ; je crois aussi qu’il s’agit d’un progrès très important pour les enfants.

Il s’agit certes d’une première étape ; mais celle-ci devra rapidement s’orienter vers un congé beaucoup plus court. En effet, l’éloignement prolongé du travail pose problème au moment de retrouver une bonne situation professionnelle, ou tout simplement de retrouver un emploi. Plus court, ce congé devra également être partagé à égalité entre les hommes et les femmes, et bien mieux indemnisé.

Pour autant, toutes les femmes ne sont pas des mères, et les difficultés auxquelles les femmes, mères ou non, sont confrontées au travail ne se limitent pas à la difficile conciliation entre la vie privée et la vie publique.

C’est pourquoi le texte prévoit de nouveaux moyens d’information : pour combattre les inégalités, encore faut-il se donner les moyens de les voir. Cela passe par un renforcement du rapport de situation comparé, qui permet d’évaluer les différences de situation entre les femmes et les hommes dans l’entreprise.

À titre d’exemple, si ce rapport ne prend pas en compte l’âge et l’ancienneté des salariés, il ne peut révéler que les femmes dans l’entreprise n’atteignent tel ou tel niveau de salaire qu’à l’âge de 45 ans contre 35 ans pour les hommes. Cela passe également par une révision des classifications professionnelles, déjà proposée par le Sénat. Certains métiers, très majoritairement exercés par des femmes, voient leur pénibilité ou leurs exigences de compétences sous-évaluées au motif que les femmes posséderaient des qualités innées la patience, la douceur ou un pseudo instinct maternel, qui rendraient l’exercice de ce métier moins pénible et ne mobiliseraient aucune compétence justifiant d’être monétisée.

Par ailleurs, je crois essentiel que nous ajoutions des mesures permettant de limiter le recours au temps partiel et de réduire la précarité liée à ce type d’emploi. Des progrès restent à faire dans ce domaine, raison pour laquelle des amendements seront proposés en ce sens.

Enfin, sachant qu’une famille monoparentale sur trois vit sous le seuil de pauvreté, que près de 90 % des chefs de famille monoparentales sont des femmes et que 40 % des pensions alimentaires ne sont pas versées ou pas payées régulièrement, le texte prévoit un mécanisme de garantie des impayés de pension pour mettre un terme à des situations aussi pénibles pour les femmes que pour les enfants qui en subissent directement les conséquences.

Si l’action politique en faveur de l’égalité entre les hommes et les femmes ne saurait se limiter au vote d’une loi, aussi complète fût-elle, je crois que l’adoption de celle-ci peut constituer une étape décisive.