Dominique Versini

Dominique Versini, Défenseure des enfants

Mardi dernier 26 avril, Dominique Versini a présenté son rapport pour 2011. Je vous en recommande la lecture si vous en avez le temps (lien en fin d’article) et vous en présente très sommairement la portée. L’analyse est particulièrement riche et les propositions me paraissent très pertinentes.

On peut également indiquer que, et je le regrette vivement, ce sera le dernier rapport établi par le défenseur des enfants, car la loi votée le 15 mars 2011, qui est entrée en vigueur ce 1er mai, fait du défenseur des enfants un adjoint du défenseur des droits sans aucune attribution propre, ne pouvant plus être saisi directement et n’ayant plus le droit de présenter de rapport sur le droit des enfants (art. 36-II-2°).

Cette réforme est particulièrement dommageable si l’on regarde l’impact qu’on eut les précédents rapports. Pour ne prendre que deux exemples, le rapport de 2007 sur « les adolescents en souffrance » a permis de faire augmenté le nombre de Maison des adolescents qui est passé de 18 à 68, le rapport de 2008 quant à lui sur « les enfants au cœurs des séparations parentales conflictuelles » a permis d’inscrire dans la loi un dispositif expérimental imposant le recours préalable et obligatoire à la médiation familiale avant toute saine du juge. En outre, ces rapports avaient surtout comme immense mérite, même si les recommandations qu’ils préconisaient n’ont été que trop peu suivies, de mettre en lumière les nombreuses problématiques et souffrances liées à l’enfance. Le rapport produit en 2011 en est une nouvelle illustration.

Ce rapport intitulé « Prendre soin des enfants et adolescents atteints de cancers, leurs familles et les équipes soignantes : constat et recommandation » apporte tout d’abord de précieuses information sur « l’état des lieux » actuel avant d’avancer plusieurs propositions pour remédier aux carences et difficultés rencontrées.

Pour appréhender correctement cette question, le rapport la définit ; il y a aujourd’hui 2500 nouveaux cas de cancers diagnostiqués chez les moins de 15 ans et 700 chez les 15-19 ans. C’est une cause de mortalité très importante (la deuxième pour les enfants de moins de 15 ans, la troisième pour les adolescents de 15 à 19 ans). La survie globale est estimée à environ 78 %. En tout état de cause, c’est une maladie très grave, qui emporte des conséquences lourdes sur les personnes qui en ont été victimes et c’est d’autant plus traumatisant pour un enfant, qui a de fortes chances de rechute et qui en garde très souvent des séquelles. C’est en cela qu’un tel rapport est fondamental.

Le rapport souligne tout d’abord l’importance de personnaliser l’appréhension de la maladie chez un mineur. Pour faciliter la guérison, il est en effet primordial que le patient soit placé dans les meilleures conditions possibles impliquant un traitement, un environnement, des droits adéquats. Or, pour l’enfant, des problématiques supplémentaires entrent en jeu ; il est en effet nécessaire qu’il soit dans un cadre qui lui correspond, qu’il soit entouré de sa famille, qu’il puisse appréhender au mieux « son entrée dans l’âge adulte ». Le rapport valorise à ce titre la dynamique impulsée par le plan cancer 2009-2009 visant à « développer des prises en charge spécifique » notamment pour les enfants et adolescents atteints de cancer et le réel volontarisme déployé en faveur de la multiplication des centres de soin spécialisés et des unités d’adolescents (pour le moment il n’y en a qu’une à l’Institut Gustave Roussy).

Sur le constat, le rapport rappelle les différents droits qui sont aujourd’hui accordés au jeune malade ; un droit à une information adaptée à l’âge de l’enfant, le fait qu’aucun acte ne puisse être pratiquée sans « le consentement libre et éclairé » de l’enfant ou de son représentant légal, le droit de recevoir des soins visant à soulager la douleur, un droit à l’accompagnement de la fin de vie, un droit au respect de la vie privée et de l’intimité, un droit à l’éducation. Il indique également, les prestations sociales et les différents droits accordés à la famille de l’enfant pour l’accompagner dans sa maladie, notamment le congé de présence parentale attribué pour une période maximale de 310 jours ouvrés par enfant et par maladie, accident ou handicap, assorti d’une Allocation Journalière de Présence Parentale (41,79 euros pour un couple et 49,65 euros pour une personne seule) et d’un complément mensuel pour frais (106,88 euros net). Il met enfin l’accent sur l’importance et l’effectivité de l’action associative. En effet, dans le cadre de la cancérologie pédiatrique, les associations de parents tiennent une place particulière. Elles ont portées des revendications souvent avec succès devant les autorités publiques et apportent un soutien essentiel à la fois moral et financier aux familles, dans le cadre des centres et par le montage de « Maison de parents ». Elles apportent également un soutien précieux aux familles lors du retour à la maison de l’enfant.

Le rapport permet ensuite de mettre en exergue de nombreuses insuffisances. Nous en citerons ici quelques unes majeures et je vous renvoie pour plus de précisions à l’article intégral. En premier lieu, il relève la lourdeur et la difficulté à auxquelles sont confrontées les familles dans leur démarche administrative pour bénéficier des prestations sociales. Egalement, il insiste sur l’insuffisance des aides allouées à la fois quant à la durée car bien souvent les 310 jours ne sont pas suffisants et on en refuse pourtant le renouvellement ; mais aussi quant aux personnes qui peuvent en bénéficier car les chômeurs n’y ont pas droit notamment. C’est un problème très grave car cela aboutit à des situations très critiques ; professionnels comme associations rapportent des cas de parents dormant dans leur voiture, se privant de nourriture. Le rapport démontre aussi que la scolarisation des enfants malade n’est pas suffisante aujourd’hui. Très peu d’enseignants du secondaire sont détachés en milieu hospitalier et la pérennité de leurs postes est très largement mise en cause. Le rapport affirme enfin le manque de moyens et de dispositifs d’accompagnement du retour de l’enfant à la maison, à l’école et du suivi postérieur à la maladie.

Face à cela, la défenseur des enfants a formulé 15 propositions qui apparaissent très pertinentes. En voici quelques unes qui m’ont semblé tout particulièrement essentielles :

  • Renforcer le nombre d’infirmiers d’annonce, de psychologues cliniciens et d’assistantes socio-éducatives, comme préconisé par l’INCa.
  • Accompagner la famille sans oublier la fratrie tout au long de la prise en charge, de l’enfant malade par le psychologue et le pédopsychiatre du centre.
  • Elaborer un programme de formation des bénévoles à l’accueil et à l’écoute pour les bénévoles associatifs et mettre en place des groupes d’analyse de pratiques.
  • Instaurer un référent formé et dédié au traitement des dossiers d’enfants atteints de cancer dans les CAF et les MDPH afin de les traiter avec plus de célérité et d’égalité.
  • Multiplier et diversifier les possibilités d’hébergement des familles à tarifs modiques en favorisant les hébergements à proximité du centre de soins. Développer les possibilités de garde d’enfants à proximité des lieux de soins.
  • Assurer une continuité et une qualité effective de scolarisation à tous les niveaux et dans toutes les situations des enfants et des adolescents tant à l’hôpital qu’au domicile.
  • Maintenir le lien avec l’école durant le traitement et favoriser le retour de l’enfant dans son école avec des réunions régulières des professionnels qui participent ou ont participé à la prise en charge de l’enfant sur le plan pédagogique, psychologique et somatique.
  • Développer des activités permettant aux enfants et adolescents des services de cancérologie pédiatrique d’être en lien avec les jeunes qui sont hospitalisés dans les autres services de pédiatrie ou suivis en ambulatoire, y compris en pédopsychiatrie.
  • Renforcer la réflexion sur la place et les possibilités d’expression des adolescents afin de respecter leurs besoins spécifiques.

Outre ce rapport démontrant que la prise en charge des enfants atteints de cancer doit encore s’améliorer, Dominique Versini a également fait un bilan de l’état des recommandations formulées dans les derniers rapports mettant encore en lumière nombre d’insuffisances et présenté toute une analyse sur la dégradation de la vie en France des enfants roms.

Le travail réalisé est d’une excellente qualité encore une fois je vous en recommande la lecture et regrette très amèrement la perte de pouvoirs très conséquente de cette institution.