Justice, sécurité, défense

Aucun enfant ne peut, ne doit choisir entre sa famille et sa scolarité

Un Monde d'AvanceFrançois Hollande a annoncé il y a quelques heures lors d’une intervention télévisée que Leonarda pourra poursuivre sa scolarité en France « si elle en fait la demande » mais que ce retour n’était possible que pour « elle seule ».

A l’instar du Premier Secrétaire du Parti Socialiste, Harlem Désir, Un Monde d’Avance souhaite que Leonarda n’ait pas à choisir entre sa famille et sa scolarité en France. Nous demandons que Leonarda puisse revenir en France accompagnée de sa fratrie et de sa mère. C’est aussi bien une question d’humanité qu’une question de cohérence à l’égard des conventions internationales.

D’autre part, si nous considérons l’annonce d’une circulaire visant à sanctuariser le cadre scolaire et à y interdire toute interpellation comme une première pierre essentielle à l’édifice d’une politique migratoire portée par un gouvernement de gauche, nous invitons notre Président à poursuivre sa réflexion en appelant à une grande concertation avec l’ensemble des acteurs concernés (organisations lycéennes et étudiantes, syndicats de l’éducation, RESF, etc.).

Guillaume Balas,
Secrétaire général d’Un Monde d’Avance

Expulsion de Léonarda et sa famille : au-delà de la loi…

Mercredi 9 octobre dernier, une famille du Doubs a été expulsée vers le Kosovo. Comme le rappelle le communiqué de presse de Ministère de l’Intérieur, la famille a pu effectuer tous les recours auxquels elle avait droit, conformément au droit, qu’il s’agisse de la demande d’asile ou de son réexamen ensuite. Mais j’ai été interpellée par le récit de son expulsion.

La loi a certes été respectée, mais on peut légitimement se poser la question de savoir si ce doit être notre unique préoccupation. Le fait d’avoir respecté la législation n’exonère en rien du reste, et notamment du respect de nos engagements internationaux protégeant l’intérêt supérieur de l’enfant et interdisant de recourir à tout traitement dégradant. Au-delà, cela interpelle me semble-t-il nos principes élémentaires d’humanité. D’ailleurs, si l’on souhaite s’en tenir aux règles, rien n’empêcherait à ce jour qu’une circulaire permette aux enfants menacés d’expulsion de terminer une année scolaire entamée en France, alors même que cela procède d’une très bonne démarche d’intégration. Même si elle a été appliquée très brièvement, c’était d’ailleurs le sens d’une circulaire du 31 octobre 2005 par laquelle Nicolas Sarkozy demandait au préfet de ne pas intervenir dans l’enceinte des établissements scolaires pour permettre aux enfants de terminer leur année.

Les enfants de cette famille Rom étaient scolarisés depuis près de 4 ans en France. Le dernier enfant y était né. Il s’agit donc d’un déracinement majeur. Les conditions d’interpellation de la jeune fille sont évidemment traumatisantes. Même si l’on souligne que le comité de soutien et la mère étaient consentants, quel est le degré de consentement d’un parent dont l’époux est déjà éloigné, et qui reste seul avec ses 6 enfants ? Est-ce que le départ pressait tellement qu’il faille interrompre un voyage scolaire plutôt que d’attendre au moins la fin de celui-ci ? Il faut envisager les conséquences de cette interruption des activités scolaires et sociales des enfants, qui du jour au lendemain se retrouvent soustraits à tous leurs cadres familiers. Il faut prendre conscience de la violence du retour dans un pays quitté depuis de nombreuses années, sans doute pour protéger sa famille.

Expulser des étrangers a également un coût

Depuis 2012 pourtant, il y a eu des avancées, notamment grâce à la circulaire du 28 novembre 2012 et les critères de régularisation. Le délit de solidarité a été supprimé, de même que la politique chiffrée d’expulsion en direction des préfets. Malgré tout, et le cas présent en donne l’exemple, il existe encore des situations de violence au moins morale infligée à des familles. Rien n’exigeait une expulsion dans les 24h : les enfants n’étaient pas sans parents, la séparation n’allait de toute manière pas excéder les 72 heures. Il était donc bien possible d’attendre les délais permettant de ne pas interrompre une journée de classe.

En réalité, la question de cette famille pose une nouvelle fois celle des conditions d’intégration et des incohérences de notre système : en quatre ans, les familles s’intègrent nécessairement, via la scolarité des enfants, via les emplois qu’ils occupent, via parfois leurs engagements associatifs locaux. Les flux migratoires sont inévitables, il s’agit donc de régler la seule vraie question : préfère-t-on des étrangers que l’on intègre et qui ont vocation à devenir citoyens français, ou bien des clandestins que l’on empêche de participer pleinement à la société mais qui demeurent, ou reviennent, bien souvent, lorsqu’ils sont expulsés ?

Les coûts de la politique de rétentions et d’expulsion sont conséquents : l’Etat dépense 394 millions d’euros pour les seuls centres de rétention, selon une estimation d’un rapport du Sénat ; 42 millions pour les billets d’avion, train ou bateau. Le Sénat a estimé au total à un peu plus 20 000 euros le coût d’une expulsion. Dans la mesure où la plupart du temps, les étrangers reviennent, (au péril de leur vie, le drame de Lampedusa l’a encore montré dernièrement), on peut raisonnablement estimer que cet argent n’a servi à rien. Il est perdu alors qu’il pourrait être investi dans un service public d’apprentissage de la langue par exemple.

Ces moyens absolument démesurés montrent bien que l’on est dans le dogme et non pas une politique réaliste. On peine à voir en quoi ces pratiques s’inscrivent dans les principes fondateurs de la République et de l’Union Européenne.

Exprimons notre malaise, n’oublions pas que cette enfant est Rom

Cette expulsion nous interpelle sur la politique migratoire mise en place en France et plus spécifiquement sur les règles fixées à l’égard des populations Roms. C’est pourquoi, sans nier la complexité de définir un équilibre mais en restant fidèles à notre héritage, nous appelons la France à s’interroger sur de telles situations et à en prendre toutes les conséquences. Ne nions pas plus notre malaise en tant que militant de gauche, quand aujourd’hui encore plus de 30 personnes sont expulsées chaque jour hors de nos frontières, et ce alors même que nous descendions dans la rue, à la sortie des écoles, aux côtés des militants de RESF, pour dénoncer la politique migratoire du précédent gouvernement de droite.

Dans quelques mois, le régime transitoire appliqué à la Roumanie et à la Bulgarie va prendre fin, n’est-ce pas le moment opportun pour demander lors du sommet européen de cette fin octobre à ce qu’une concertation européenne soit organisée sur la situation de la minorité « Roms » en Europe ? N’est-ce pas le moment, en parallèle, de mener cette réflexion à l’échelle nationale avec l’ensemble des personnes concernées à commencer par les Roms eux-mêmes ?

Dans cette actualité mouvementée, soumise à la dictature de l’instant, je tiens à saluer les milliers de militants, de citoyens, qui chaque jour s’indignent eux-aussi du traitement fait aux personnes en situation irrégulière, sans pour autant bénéficier d’une telle reconnaissance médiatique. Et c’est bien dommage.