Thématiques
Ils meurent en Europe et nous détournons notre regard
4/09/15
Voici la tribune publiée sur Mediapart que j’ai signé avec trente-trois députés socialistes pour exhorter la France et l’Europe à se mobiliser pour protéger les réfugiés présents en Europe.
« Combien faudra-t-il de drames ? Combien devrons-nous compter de vies perdues pour réagir enfin ? Quand passerons-nous de l’émotion légitime et nécessaire à une véritable action ?
Depuis des mois, depuis des années maintenant, les garde-côtes italiens et grecs n’ont plus les moyens de secourir les migrants qui perdent leur vie au milieu des deux rives de la Méditerranée. Sur tout le continent européen, les drames humains se multiplient. Il y a quelques jours encore, en Autriche, ce sont 71 corps sans vie qui ont été retrouvés entassés au fond d’un camion. Depuis le début de l’année, il n’ y a pas eu une semaine sans qu’une embarcation de fortune ne fasse naufrage en mer Méditerranée.
Plus que jamais, il y a une urgence impérieuse à venir en aide à ces milliers d’hommes, de femmes et d’enfants qui tentent, au péril de leur vie, de fuir les conflits armés, les persécutions et la misère.
Depuis la gestion désastreuse du conflit en Libye, les trafics d’êtres humains, les trafics de migrants y sont devenus un commerce florissant. Nous le savons, aujourd’hui, la majorité des personnes qui tente de rejoindre l’Europe a fui la Syrie, l’Irak, l’Afrique subsaharienne, l’Erythrée ou la Somalie, en partant des côtes libyennes, quand d’autres rejoignent la Grèce depuis les côtes turques.
En Italie, les ports de Lampedusa, Trapani, Messine, de Sicile, de Calabre ou des Pouilles, doivent faire face à une augmentation significative de l’arrivée de réfugiés. D’après les données fournies par le ministère italien de l’intérieur, 170 000 migrants sont arrivés en Italie par la mer en 2014, et d’après les estimations de l’Organisation Internationale pour les Migrations (OIM), plus de 3 200 personnes ont perdu la vie pendant la traversée maritime. Le ministre de l’Intérieur allemand annonce, quant à lui, le chiffre record de 800 000 demandeurs d’asile cette année pour son pays, quatre fois plus que l’an dernier.
Les organisations humanitaires internationales sont mobilisées. Les personnels de l’OIM, du Haut-Commissariat aux Réfugiés, de la Croix-Rouge italienne, de Save the Children viennent en aide aux rescapés de ces traversées de la mort.
Face à cette tragédie, elles lancent un cri d’alarme et exhortent l’Europe à se mobiliser pour protéger les réfugiés.
L’Europe compte plus d’un demi-milliard d’habitants. Ainsi, quand bien même elle accueillerait un million de réfugiés, cela représenterait 0,2 % de sa population totale. Faut-il rappeler que le Liban accueille plus de 1,2 millions de réfugiés ?
Il ne s’agit pas de nier l’ampleur de nos difficultés, de nier la désespérance sociale, le niveau du chômage en Europe, mais simplement de rappeler combien notre situation reste privilégiée dans le monde. Cela nous oblige et il est urgent d’agir parce que nous en avons les moyens.
Au niveau européen, il y a urgence à venir en aide à ces populations en danger et à combattre les trafiquants de mort qui exploitent la misère humaine.
Il y a urgence à soutenir l’Italie et la Grèce qui font face seules à l’arrivée de migrants en prévoyant une répartition et un accueil solidaire au sein de l’Union Européenne. Les politiques d’accueil ne sont pas à la mesure de ces déplacements massifs de population, tant du point de vue des ressources matérielles que des moyens humains. L’Europe, la France, doivent sans attendre mettre en œuvre des politiques plus fortes pour protéger ces réfugiés et renforcer, face à l’ampleur de ces phénomènes migratoires durables, leurs capacités d’accueil.
Il y a urgence à se doter d’une politique migratoire commune et d’un droit d’asile européen pour relever les défis auxquels l’Europe est confrontée. Il y a urgence à établir une véritable imposition sur les transactions financières pour financer les politiques de coopération Nord-Sud.
Il y a urgence enfin à redonner du sens aux valeurs portées par l’Union Européenne, par ses citoyens et à cesser de détourner notre regard.
Signataires :
Chaynesse KHIROUNI, Pouria AMIRSHAHI, Christian ASSAF, Alexis BACHELAY, PhilippeBAUMEL, Erwann BINET, Kheira BOUZIANE, Gwenegan BUI, Isabelle BRUNEAU, ColetteCAPDEVIELLE, Fanélie CARREY-CONTE, Marie-Anne CHAPDELAINE, Philip CORDERY, Pascale CROZON, Yves DANIEL, Sandrine DOUCET, Anne-Lise DUFOUR-TONINI, LaurenceDUMONT, Olivier DUSSOPT, Jean-Marc GERMAIN, Hervé FERON, Daniel GOLDBERG, Chantal GUITTET, Catherine LEMORTON, Arnaud LEROY, Audrey LINKENHELD, PhilippeMARTIN, Christian PAUL, Elisabeth POCHON, Dominique POTIER, Barbara ROMAGNAN, Denys ROBILIARD, Suzanne TALLARD, Cécile UNTERMAIER, député-e-s socialistes.
Les idées fausses du ministre sur les 35 heures
28/08/15
Emmanuel Macron s’est rendu à l’université d’été du Medef. Il est ministre de l’économie. Je n’y vois donc rien d’anormal. Mais il n’a pas résisté à prendre à son compte et répéter cette idée fausse et tellement facile, qu’on ne réussit pas mieux en travaillant moins. Plus précisément, quand il a évoqué les 35 heures, il a livré son analyse : on s’est trompé en pensant que « la France pourrait aller mieux en travaillant moins ».
Il confond – volontairement ? – la durée individuelle du travail et le nombre total d’heures travaillées. La première confusion consiste à ne prendre en compte que les salariés à temps complet en oubliant le temps partiel (82 % des travailleurs à temps partiel sont des femmes). La durée hebdomadaire moyenne du travail de l’ensemble des actifs occupés en France est l’une des plus élevée des pays développés d’Europe : 37,5 heures en France en 2013 contre 36,5 au Royaume-Uni, 35,3 heures en Allemagne et en Suisse, 30 heures aux Pays-Bas.
De plus, c’est le nombre d’emplois qui détermine le volume d’heures travaillées dans l’économie d’un pays. Entre 1998 et 2002, l’ampleur des créations de près de 2 millions d’emplois a conduit à une forte augmentation du nombre total d’heures travaillées (+ 8 %), malgré la réduction de la durée légale du travail. Donc, la France n’a pas travaillé moins, mais plus que jamais, pendant les 35 heures.
Ensuite, il remet en cause l’efficacité de la politique menée. Il y a incontestablement des limites à cette politique, mais on peut quand même rappeler que le taux de chômage - calculé par l’INSEE selon les règles du Bureau International du Travail qui permettent des comparaisons internationales - passe de 11,8 % de la population active en mars 1998 à 8,8 % en mars 2001. La baisse est identique quand on regroupe les trois catégories A, B et C. Autrement dit, cette baisse ne correspond pas un à transfert des demandeurs d’emplois de catégories A dans les autres catégories de chômeurs, qui admettent ceux qui accomplissent moins de 78 heures de travail dans le mois ou qui, au-delà, n’ont cependant qu’un emploi à temps très réduit. Accessoirement, les comptes sociaux étaient à l’époque équilibrés, le solde de la balance commerciale positif, précisément grâce à cette répartition de l’activité sur un plus grand nombre de Français…
Au regard de la situation d’aujourd’hui, on se dit que finalement, la France n’allait peut-être pas si mal.
Migrants : l’urgence de planifier une réponse européenne
26/08/15
Alors que François Hollande et Angela Merkel lancent un appel à une réponse européenne à la crise des migrants, 3 000 d’entre eux dérivent en Méditerranée, au large des côtes libyennes notamment. Depuis le début de l’année, près de 220 000 migrants sont arrivés en Europe. Sans pouvoir être sûrs des chiffres, on estime que plus de 2000 autres sont morts en mer pour la seule année 2015. Et depuis 2000, 24 000 personnes ont péri en tentant la traversée.
A cause de l’instabilité politique durable des régions dont ils proviennent, qu’il s’agisse de la Syrie, de l’Afghanistan ou de l’Erythrée, ces vagues de migrants risquent de durer. Nous n’avons pas d’autres choix que de nous organiser.
Crise de l’agriculture : remettre les producteurs au centre d’un système à repenser
31/07/15
Depuis plusieurs jours, plusieurs semaines parfois, une partie des agriculteurs du pays manifeste tout à la fois colère et détresse face à une situation qui s’est progressivement dégradée dans 3 secteurs principaux : l’élevage bovin, l’élevage porcin et la production laitière standard. La cause commune : une rémunération insuffisante des producteurs par l’aval des filières, qui ne permet plus de couvrir le coût de revient des productions et donc de dégager un revenu décent – parfois même un revenu tout court. En effet, entre le prix payé au producteur et le prix payé par le consommateur final, il y a actuellement une répartition de valeur qui n’est pas juste au niveau des intermédiaires de transformation (abattoirs, transport, grande distribution…), et ce, en dépit de l’accord interfilières intervenu dans le courant du mois de juin. Ce dernier, qui prévoyait une revalorisation progressive des prix chaque semaine, a eu des effets insuffisants même si la grande distribution semble plutôt avoir « joué le jeu ». A titre d’exemple, le prix du kilo de porc se situait aux alentours de 1,385 € alors que le prix de revient est autour de 1,40 €. Pour la viande bovine, l’écart est plus notable encore : 3,70 €/kg contre 4,50 €/kg en prix de revient. Et pour la filière laitière, les 1000 litres de lait standard se vendaient 280 € contre 340 € en prix de revient.
Cette crise, latente, est accentuée depuis la loi de modernisation de l’économie de 2008 qui a dérégulé les relations commerciales et renforcé la pression sur les petits producteurs et fournisseurs. Ainsi, les agriculteurs ne sont pas en position de force face aux grands abatteurs ou aux grandes centrales d’achats qui imposent des prix toujours plus bas, en prenant comme référence les prix pratiqués par les producteurs d’autres pays, notamment européens. Nous sommes donc là face à un choix de société, qui doit permettre de remettre les agriculteurs au centre du système de commercialisation, sans quoi, on prend le risque d’aboutir à une agriculture française ultra-concentrée dans de grandes unités de production et un approvisionnement essentiellement à l’extérieur de nos frontières.
Appel de parlementaires français pour la restructuration de la dette grecque
9/07/15
Quarante-trois députés socialistes, écologistes et Front de gauche appellent le gouvernement français à « s’engager pleinement pour le maintien de la Grèce dans la zone Euro » et « à s’opposer avec vigueur à toute stratégie visant à sa sortie », et demande que le débat parlementaire sur la situation grecque qui se tient ce mercredi soit suivi d’un vote.
———————————————————————
Au lendemain du référendum qui a exprimé la volonté du peuple grec de refuser de nouvelles mesures d’austérité, la France, avec l’ensemble de ses partenaires européens, est amenée une nouvelle fois à la table des négociations.
L’enjeu est immense, pour l’avenir de la Grèce comme pour l’avenir de l’Union toute entière. Tous les peuples européens sont très attentifs au sort qui sera fait au peuple grec.
Plutôt que prendre le risque d’un éclatement de la zone euro, saisissons l’opportunité de sortir de la crise européenne : l’Europe « en panne », « loin des citoyens », peut enfin retrouver du sens et des perspectives. Mais pour cela il nous faut faire des choix hardis, comme nos prédécesseurs ont pu le faire au moment de la renégociation de la dette allemande et au moment des grandes étapes de la construction européenne.
La crise majeure que nous traversons rappelle aussi l’urgente nécessité de donner une véritable conduite démocratique de la zone euro pour que les peuples européens aient toute leur place dans les choix économiques, sociaux et environnementaux.
Alors que nos institutions nationales restent en deçà des possibilités ouvertes à nos collègues allemands, nous devons sans attendre approfondir l’ancrage démocratique des questions européennes au sein de notre Parlement et donner un mandat clair au chef de l’Etat et au Gouvernement.
Nous saluons à ce titre l’organisation d’un débat à l’Assemblée nationale demain 8 juillet portant sur ce sujet. Mais demain il sera peut-être trop tard.
Alors que des réunions cruciales se tiennent à Bruxelles, nous, représentant-e-s du peuple français, appelons donc dès aujourd’hui le Gouvernement à user de tout son poids pour faire entendre la voix de la solidarité et de la démocratie dans l’Union, seules garantes de notre avenir commun, et ainsi
- à s’engager pleinement pour le maintien de la Grèce dans la zone Euro et de s’opposer avec vigueur à toute stratégie visant à sa sortie ;
- à ouvrir dès à présent les discussions pour la restructuration de la dette grecque, et plus généralement de la dette des États européens, afin de la rendre soutenable, y compris avec la tenue, à terme, d’une Conférence européenne de la dette,
- à accompagner le Gouvernement grec dans les nécessaires réformes pour une fiscalité plus juste et une lutte renforcée contre la corruption tout en mettant un veto à de nouvelles mesures d’austérité visant de manière indiscriminée la population grecque déjà exsangue ;
- à appuyer la mise en œuvre d’un grand plan d’investissements européens destiné à financer l’économie réelle dont la transition écologique, dont la Grèce serait l’un des premiers bénéficiaires.
Pour toutes ces raisons, nous demandons que le débat sur la Grèce qui aura lieu demain soit suivi d’un vote, comme la Constitution le permet au titre de son article 50.1.
Signataires :
Pouria AMIRSHAHI, Nathalie CHABANNE, Régis JUANICO, Barbara ROMAGNAN, Linda GOURJADE, Denys ROBILLARD, Michel POUZOL, Laurent BAUMEL, Jean-Pierre BLAZY, Fanélie CARREY-CONTE, Pascal CHERKI, Aurélie FILIPPETTI, Daniel GOLDBERG, Benoit HAMON, Philippe NOGUES, Patrice PRAT
Laurence ABEILLE, Isabelle ATTARD, Danielle AUROI, Michèle BONNETON, Christophe CAVARD, Sergio CORONADO, Cécile DUFLOT, François-Michel LAMBERT, Paul MOLAC, Barbara POMPILI, Jean-Louis ROUMEGAS, François DE RUGY, Eva SAS
Nicolas SANSU, François ASENSI, Huguette BELLO, Alain BOCQUET, Marie-George BUFFET, Jean-Jacques CANDELIER, Patrice CARVALHO, Gaby CHARROUX, André CHASSAIGNE, Marc DOLEZ, Jacqueline FRAYSSE, Alfred MARIE-JEANNE, Jean-Philippe NILOR, Gabriel SERVILLE
Loi NOTRe : être à l’écoute des territoires
29/06/15
Le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) est actuellement en discussion au Parlement et suscite depuis plusieurs semaines de nombreuses réactions de la part des élus locaux, au premier rang desquels figurent les maires.
J’ai eu récemment l’occasion d’aborder ce sujet avec un grand nombre des maires de notre circonscription, lors de rencontres organisées à Goux-sous-Landet, Champvans-les-Moulins et Roset-Fluans. Les échanges constructifs que nous avons pu avoir ont contribué à l’approfondissement de mon information sur les difficultés rencontrées et sur l’inadaptation de plusieurs dispositions du projet de loi NOTRe. J’ai pris la mesure de la lassitude, de la colère ou de l’exaspération exprimées un part notable des élus.
Je soumets à votre lecture, trois notes qui présentent l’esprit général du projet de loi au fil de son examen au Parlement ainsi qu’un zoom sur deux dispositions très discutées : le relèvement de la taille minimale des intercommunalités et le transfert de nouvelles compétences des communes vers les intercommunalités.
Au moment où s’engage à partir de ce lundi 29 juin 2015, l’examen en seconde lecture du projet de loi NOTRe en séance publique à l’Assemblée nationale, je tiens à faire le point sur les amendements que j’ai déposés ou cosignés. En voici en quelques mots la teneur :
Soutien au journal Alternatives Economiques
16/06/15
La presse écrite est en crise, concurrencée par le développement de la presse sur Internet et la formation de grands groupes de presse rattachés à d’importantes structures financières.
J’attire donc aujourd’hui votre attention sur le journal Alternatives Economiques. Le mensuel fait en effet partie de ces journaux indépendants, ayant peu de recettes publicitaires et qui font donc face à des pertes financières croissantes depuis quelques années. (Ce sont aussi, jusqu’à ce jour, les journaux les moins accompagnés par les aides d’Etat ; à ce titre, Fleur Pellerin a annoncé vouloir réorienter les aides, trop importantes pour la presse de divertissement et de loisir, en les dirigeant vers ce type de médias.)
Une inspectrice du travail jugée pour avoir dénoncé les pressions à son encontre
14/06/15
Laura Pfeiffer, inspectrice du travail, sera jugée le 16 octobre prochain en correctionnelle pour avoir dénoncé les pressions exercées par l’entreprise Tefal sur l’inspection du travail, visant notamment à l’écarter de son site de production.
En l’espèce, Laura Pfeiffer a constaté des irrégularités dans l’accord sur les 35 heures dans cette entreprise. Tefal est intervenu de manière illégale auprès de la hiérarchie de cette inspectrice, qui a relayé les pressions et a adressé à Mme Pfeiffer des remontrances. L’inspectrice a relevé l’obstacle à ses fonctions auprès du procureur et, pour se protéger, a averti les syndicats de ces pratiques en se fondant sur des courriels qu’un salarié de l’entreprise lui avait fait parvenir. Pour cela, elle est accusée de « recel de documents confidentiels » et de « violation du secret professionnel ». Cette inspectrice du travail risque ainsi jusqu’à cinq ans de prison et 375 000 euros d’amende. Le salarié, quant à lui, a été licencié. Le procureur a préféré poursuivre l’inspectrice plutôt que de poursuivre Tefal pour obstacle suite au procès-verbal dressé par l’inspectrice.
Point sur la loi dialogue social : un texte large et des situations spécifiques
10/06/15
Mardi 2 juin, l’Assemblée nationale a adopté en première lecture le projet de loi relatif à la modernisation du dialogue social et à l’emploi. Ce texte été voulu par le Gouvernement après l’échec de la négociation entre les partenaires sociaux pour trouver un accord sur le dialogue social. Ici, le dialogue social peut être défini comme regroupant tous types de négociations ou d’échanges d’informations entre les représentants des employeurs et les salariés, et le Gouvernement sur des questions concernant la politique économique et sociale.
La réforme comporte un certain nombre d’avancées qui méritent d’être saluées (représentation des salariés dans les TPE, pérennisation du régime des intermittents). D’autres points appellent des précisions ou notre vigilance, notamment l’intégration des CHSCT à des Délégations Unique du Personnel sous certaines conditions, ou encore la question de l’égalité professionnelle. Concernant cette dernière, le travail parlementaire, en lien avec le Gouvernement, a permis de corriger partiellement la suppression du RSC, qui a alarmé a juste titre nombre d’associations, de syndicats et de députés.
Réforme du collège
27/05/15
Ainsi, au lendemain de la grève d’une partie des enseignants, qui ont manifesté leurs inquiétudes ou leur opposition à la réforme du collège, paraît donc le décret d’application permettant qu’elle soit mise en œuvre. Habituellement, on se plaint que les décrets paraissent trop tardivement ou pas du tout, mais cette précipitation me semble au mieux maladroite, au pire irrespectueuse. Cette méthode ne me semble pas la mieux à même de convaincre de l’opportunité de cette réforme. Pour autant, cela ne doit pas nous faire oublier l’essentiel, à savoir la réforme elle-même, qui, dans son esprit et dans nombre de ses déclinaisons me semble positive.
Cette réforme participe de la loi de refondation de l’école votée en 2013, à l’unanimité des groupes de gauche à l’Assemblée nationale et au Sénat. Elle n’est évidemment pas terminée. Il est notamment nécessaire de soutenir davantage les établissements scolaires des quartiers les plus défavorisés et des territoires ruraux les plus en difficulté et d’œuvrer à l’amélioration des conditions de travail des enseignants ainsi qu’à une meilleure reconnaissance salariale, particulièrement des enseignants du primaire. Certains points devront être précisés et les inquiétudes sur les moyens - notamment pour la concertation - et la formation des enseignants - initiale et continue - me paraissent fondées.
Rappelons que les études internationales de ces dernières années placent la France comme le pays le plus inégalitaire de l’OCDE, celui qui reproduit le plus les inégalités sociales. Chaque année, 140 000 élèves sortent du système scolaire sans diplôme ni formation. C’est l’ambition de cette réforme que de participer à y remédier.
Pour ce faire, la réforme remet en cause l’uniformité du collège, non pas contre l’égalité mais, au contraire, au nom de l’égalité. Remettre en cause l’uniformité me semble être une façon de respecter les élèves, en prenant en compte leur diversité, leurs difficultés, leurs facilités, leurs aspirations, leur histoire. C’est également une façon de faire confiance aux enseignants, à leur expérience, leur connaissance des élèves et de leur métier. Ce qui leur est enseigné est très important, ce qu’ils en retiennent encore davantage, c’est pourquoi, il peut être nécessaire de s’y prendre différemment selon les lieux, selon les élèves. Les enseignants n’ont évidemment pas attendu cette réforme pour le faire, mais il est bon de leur permettre de le faire dans de meilleures conditions et que l’on fasse cesser cette hypocrisie qui voudrait qu’en faisant pareil avec tous on traite à égalité alors que, justement, tous les élèves ne sont pas à égalité.
A propos de ces traitements différenciés, on peut comprendre que ceux qui bénéficiaient des classes bilangues dès la 6ème regrettent leur suppression, mais ils sont une minorité à en bénéficier. En 2014, seulement 16% des élèves de 6ème sont inscrits dans une section bilangue. La réforme permet que tous les enfants pratiquent une deuxième langue dès la 5ème, alors qu’actuellement, l’introduction de la LV2 n’intervient qu’à partir de la 4ème. Au total, il y aura davantage d’heures de langues enseignées. En revanche, cela ne résout pas le problème des langues moins prisées que d’autres et nécessite sans doute une politique volontariste pour que l’arabe, l’allemand, l’italien ou le portugais soient revalorisés puisque nous savons que 93% des élèves du secteur public suivent un enseignement d’anglais en primaire. Le ministère de l’éducation nationale élabore actuellement une carte des langues dans les académies pour garantir la continuité de l’apprentissage des langues entre le primaire et le collège et également de travailler à ce que la diversité des langues soit encouragée. Cela ne règle pas non plus la question des modalités d’enseignement des langues en France. À défaut de les résoudre, il ne me semble pas que cette réforme accentue ces problèmes, même si ils persistent. Enfin, on ne supprime pas toutes classes bilangues de 6ème. En effet, ceux qui auront commencé une langue autre que l’anglais en CP pourront la poursuivre à leur arrivée au collège.
Autre point positif, afin de décloisonner les enseignements, la réforme prévoit que 20% du temps d’enseignement sera réalisé au travers de travaux pluridisciplinaires sur un projet défini en équipe. Cela demande évidemment une organisation particulière, du temps et du travail commun entre les enseignants de plusieurs matières. C’est notamment une façon de rendre plus palpables des savoirs dont nombre d’élèves peinent à trouver la finalité. Apprendre quelque chose dont on ne perçoit pas le pourquoi est plus compliqué que quand on réalise à quoi il peut servir, quel en est le sens.
Quant aux inquiétudes de nivellement par le bas, il ne faut pas les mépriser car il est légitime que des parents s’en inquiètent, mais je crois que c’est une erreur de penser que l’aide aux élèves en difficulté mettrait en péril la scolarité de ceux qui réussissent le mieux. Dit autrement, les bons élèves n’ont pas besoin de l’échec des autres. Au contraire, un meilleur niveau général bénéficie à tous, c’est ce que semblent montrer les enquêtes existantes. Ce sont dans les pays où le plus grand nombre d’élèves réussit que les élites sont les plus nombreuses et les meilleures.
Enfin, il ne faut pas perdre de vue le sens de ce que l’on fait. Cherche-t-on à trier ou à faire progresser l’ensemble des élèves ?