Société
Manifeste des « musulmans d’apparence »
5/05/12
« De religion ou de culture musulmane », « athées, agnostiques, croyants ou pratiquants », refusant de « de haïr ceux qui approuvent des thèses qui nous offensent », une trentaine de personnalités réunies autour d’El Yamine Soum, Ali Soumaré et Rokhaya Diallo appellent « l’ensemble des humanistes » à les rejoindre en signant ici le Manifeste des « musulmans d’apparence », publié sur Mediapart. Plus de 1450 personnes ont déjà signé. Je le relaye volontiers sur mon blog notes et je vous invite à le partager.
Premiers signataires de ce manifeste, nous sommes tous de religion ou de culture musulmane. Athées, agnostiques, croyants ou pratiquants, cette appartenance que nous avons en commun constitue une facette de notre identité. Mais elle ne la résume pas.
Nous sommes aussi acteurs dans tous les secteurs du monde professionnel. Chaque jour, nous concevons les innovations qui offriront un avenir à notre industrie, nous assurons la sécurité de nos compatriotes, nous prenons soin de nos aînés et éduquons les futurs citoyens qui fréquentent nos classes. Nous sommes aussi des individus politisés, aux opinions extrêmement variées, à l’image de la population française ! Nous sommes enfin des citoyens français, respectueux des lois, attachés aux valeurs de la République, dépositaires de la culture française et garants de son rayonnement.
Longtemps, nous avons pensé que cette évidence ne méritait pas qu’on la rappelle. Longtemps, nous avons pensé que la tentative de fabrication d’un musulman mythifié – tantôt marginal et assisté, tantôt menaçant et redouté – ne parviendrait pas à abuser nos concitoyens. Longtemps, nous avons espéré que cette supercherie ne résisterait pas à la démonstration quotidienne de notre diversité et de notre « banalité ».
Protéger la dignité des enfants, un engagement fort de François Hollande
30/03/12
Dans ce contexte si particulier auquel fait référence mon dernier article sur le drame de Toulouse, nous avons pu assister à une réaction immédiate de la part du candidat-président Sarkozy en faveur de l’adoption d’une nouvelle loi pénale tendant à condamner les lecteurs des sites terroristes. Or, au cours du dernier mandat, le gouvernement n’a cessé d’empiler les nouvelles lois pénales à chaque nouveau fait marquant quitte à répéter ou contredire, sans jamais en mesurer l’efficacité et la pertinence.
S’il est constant qu’une réforme du code pénale s’impose, il est absolument nécessaire qu’il s’agisse d’une réforme en profondeur, réfléchie, construite et mesurée et que rien ne doit être décidé dans la précipitation. Ce qui est urgent en revanche, c’est de mettre fin en matière pénale aux atteintes qui sont portées chaque jour à la dignité et aux droits de l’homme et pour lesquelles nous faisons l’objet de multiples condamnations par la Cour européenne des droits de l’homme.
A ce titre, je voudrais saluer l’engagement qu’a pris François Hollande en répondant à une pétition lancée par l’Observatoire de l’enfermement des étrangers (OEE) et le réseau Education sans frontières (RESF) « pour que cesse immédiatement et définitivement l’enfermement des enfants et mineurs étrangers ». François Hollande a affirmé s’il est élu qu’il mettrait fin dès mai 2012 à la rétention des enfants et donc des familles des enfants, après avoir insisté sur la gravité de la situation et son urgence.
En 2010, il s’agit en effet de 500 mineurs qui ont été retenus dans des centres de rétention administrative en attente de reconduite. Ce qui représente une augmentation de 115 % du nombre d’enfants concernés par ces placements entre 2004 et 2010. Parmi eux, 86 % étaient âgés de moins de 13 ans. (Selon un rapport publié fin 2011 par l’Assfam, la Cimade, le Forum Réfugiés, France Terre d’Asile et Ordre de Malte).
Et ce malgré la dénonciation de la gravité des conséquences de ces enfermements par de nombreuses autorités telles que la défenseur des enfants ou le contrôleur général des lieux de détention ou de libertés ; malgré également l’avis de nombreux pédopsychiatres qui ont lourdement insisté sur le traumatisme qu’un placement en rétention représente pour un enfant. Mme Marie-Rose Moro (spécialiste dans le suivi des enfants de migrants) a relevé entre autres : « C’est une violence inouïe, c’est les effets de la prison et de la guerre, c’est-à-dire la privation brutale de liberté. […] C’est la perte de confiance dans l’adulte. Ce sont des enfants qui perdent leur enfance, et ça, c’est irréversible. »
Après Toulouse…
29/03/12
Après les obsèques, le recueillement et la fin de la traque du tueur de Toulouse et de Montauban, la campagne présidentielle reprend son cours. Néanmoins, nous sommes encore sous le choc et nous avons tous besoin de comprendre. La tâche est difficile : au-delà de l’acte terrifiant qui nous a glacé d’horreur et que nous ne pouvons expliquer ; au-delà de l’émotion qui s’est emparée de nous, les questions se pressent : comment cela a-t-il été possible dans notre pays ? Comment un jeune de nos quartiers devient-il un tueur fou ? Pourquoi n’avons-nous rien vu venir et rien fait pour le prévenir ? Il est encore trop tôt pour entrer dans cette réflexion : nous ne disposons pas de toutes les informations, les émotions sont trop vives et le contexte de la campagne électorale ne permet pas une réflexion sereine. Mais nous ne ferons pas l’économie de cette réflexion parce que l’irruption de cette violence brutale, proprement inhumaine interroge l’ensemble de notre société.
Cette réflexion de fond que notre société doit avoir sur elle-même ne doit pas nous dispenser de poser des questions simples et de bon sens, non pas sur le déroulement technique de la traque et la mort du meurtrier, nous n’en avons pas la compétence, mais sur les défaillances qui sont apparues en matière de sécurité et de prévention en amont de ce drame.
Comment a-t-on pu laisser sans surveillance un islamiste expulsé d’Afghanistan et fiché comme tel ?
Comment ce même individu a-t-il pu constituer une collection impressionnante d’armes de guerre chez lui, sans être repéré ?
Quelle suite a été donné aux rapports de médecins, psychiatres, éducateurs de prison signalant les déséquilibres psychologiques graves de celui qui n’était pas encore un meurtrier ?
Ces questions nous les posons à ceux qui sont aujourd’hui au pouvoir, mais nous devons les poser à nous-mêmes si nous avons l’ambition de gouverner.
Qu’aurait-on pu / dû faire pour éviter que ce genre de comportement soit possible ? Quelles politiques devrons-nous mettre en œuvre au niveau social, culturel, carcéral, au niveau de la justice, de la police, pour limiter la possibilité d’apparition de ces drames, pour éviter qu’un délinquant de droit commun se transforme en criminel fanatique ?
Quelle politique la gauche propose-t-elle en matière de sécurité ?
Comment peut-elle être efficace sur le terrain, là où s’établit le lien entre les trafics, l’activité des réseaux fondamentalistes et le terrorisme ?
« Reprendre la grande aventure culturelle de la France »
26/03/12
La semaine passée a été marquée par l’horreur de la tuerie de Toulouse. Je souhaite dans ce zoom évoquer le beau discours de François Hollande sur la culture, délivré au Salon du livre, dimanche passé, devant de très nombreux artistes et professionnels. Une façon de nous rappeler que face à l’horreur, la culture est une des réponses pour témoigner de notre commune humanité.
C’est aussi l’occasion d’aborder la place, souvent trop discrète, de la culture dans les projets politiques. La culture est-elle une question secondaire, dérisoire par rapport aux sujets plus urgents du quotidien : le chômage, la précarité, la vie chère, le logement ? François Hollande répond en affirmant que l’avenir de notre pays passe également par la culture. C’est ce qui nous permet de nous « retrouver dans une volonté commune, de nous dépasser nous-mêmes, d’être capables de rêver ensemble à un avenir où nous serions tous réunis dans une cause supérieure. »
La culture, c’est ce que l’on partage, ce que l’on a en commun, ce qui fait qu’au-delà de nos différences et de nos divergences de vues, nous avons le sentiment de vivre dans le même monde. Car la culture, c’est non seulement les musées, les théâtres, la musique, mais c’est ce que nous avons en commun dans la tête et dans le cœur.
Promouvoir la culture c’est « permettre que notre nation retrouve son identité », « permettre notre vivre ensemble dans la diversité et en même temps dans le partage de valeurs communes, de principes qui nous unissent. »
Que s’est-il passé depuis cinq ans en matière culturelle ? Pour la première fois, les crédits attribués aux scènes nationales ont été diminuées et les politiques pour la démocratisation culturelle, c’est-à-dire pour l’accès de tous à la culture, ont été amputées. L’enseignement de l’histoire-géographie en terminale scientifique a été supprimé. Certaines des œuvres de notre littérature ont été moquées, comme La Princesse de Clèves.
L’abandon des détenus souffrant de troubles mentaux en France
7/03/12
Il est des sujets qui ne semblent jamais faire partie du débat public, qui ne font jamais le « buzz ». Il est des personnes auxquelles on ne s’intéresse guère, qui ne sont pas traitées comme si elles faisaient partie de notre société. C’est notamment le cas des personnes détenues, c’est aussi souvent la situation des personnes connaissant des troubles mentaux. Inutile de dire que quand elles cumulent les deux, la situation est pire. Pourtant, aujourd’hui, je souhaite souligner la décision de la Cour européenne des Droits de l’Homme qui est venue une nouvelle fois condamner la France en vertu de ses conditions de détentions et qui par là même reconnaît la dignité de toute personne humaine.
Dans une decision rendue jeudi 23 février 2012, la Cour de Strasbourg a en effet sanctionné le défaut d’un suivi psychiatrique constant entre 2005 et 2009 à un détenu souffrant de schizophrénie ayant entrainé une deterioration significative de son état de santé.
Elle a qualifié cette alternance de périodes d’incarcération et de courts séjours en centre psychiatrique de traitement dégradant ou inhumain et par suite a condamné la France pour violation des stipulations de l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l’Homme et des libertés fondamentales.
La Cour condamne ici la France uniquement pour ce cas précis insistant notamment sur la gravité de la pathologie, sur le danger que représentait le requérant pour les autres et pour lui-même et sur les caractéristiques locales du lieu de détention en cause.
Inspection du travail : lettre de soutien aux personnels
7/02/12
Ce mardi 7 février, les organisations syndicales des DIRECCTE (Directions régionales des entreprises, de la consommation, de la concurrence, du travail et de l’emploi) ont appelé à des rassemblements suite au suicide de leur collègue inspecteur du travail, Romain Lecoustre, à Arras, le 18 janvier dernier.
Un rassemblement a eu lieu à 13h30, place Jean-Cornet à Besançon, devant les locaux de la DIRECCTE.
Très sensible aux conditions de travail et à la souffrance au travail, j’ai souhaité m’associer à cette mobilisation légitime.
—-
« Mesdames, Messieurs les inspecteurs et contrôleurs du travail,
C’est avec tristesse que j’ai pris connaissance du suicide de votre collègue Romain Lecoustre, le 18 janvier dernier, à Arras. J’ai également éprouvé une profonde colère et un sentiment d’incompréhension.
Tristesse car il s’agit de la mort d’un homme sensible, courageux, doué, engagé dans son travail, qui laisse sa famille et ses amis dans la douleur.
Colère et incompréhension parce que je relève que son administration, qui plus est l’administration en charge même des problèmes de souffrance au travail, semble s’être montrée négligente. Je relève que tant individuellement pour les cas de vos collègues Romain et Luc que collectivement, pour vous-mêmes, contrôleurs et inspecteurs du travail, il n’y a pas eu de réponses à la mesure de la gravité de la situation.
J’ai lu qu’elle avait mis en place une cellule de soutien psychologique auprès des collègues de Romain et qu’elle avait engagé une enquête pour que toute la lumière soit faite sur cette affaire. Ces mesures nécessaires peuvent paraître un peu dérisoires. Tout se passe comme si l’on n’apprenait rien. A France-Telecom, il y a deux ans, on a procédé sensiblement de la même manière. Cela est d’autant plus révoltant que le problème de la souffrance psychologique au travail n’est pas un sujet nouveau.
Quotient familial : à lire
14/01/12
Dans la suite du débat sur l’évolution du quotient familial et de ma position que j’ai relayée ici, je vous invite à lire un article très intéressant que j’ai découvert sur le site d’Alternatives économiques.
Il s’agit de « Crédit d’impôt plutôt que quotient familial : une sacrée bonne idée ! », de Denis Clerc, économiste et fondateur d’Alternatives économiques. Il apporte un éclairage précieux sur les alternatives possibles au quotient familial, qui ne seraient en rien un frein à la natalité et avantagerait les familles modestes.
La réforme du quotient familial : une question de justice
12/01/12
L’annonce par François Hollande de sa volonté de remanier le quotient familial vient de déclencher les foudres de l’UMP et les commentaires ironiques de nombreux commentateurs. M. Sarkozy n’hésite pas à qualifier cette proposition de « folie ». Même si les modalités de cette réforme mériteraient d’être précisées, en quoi serait-elle scandaleuse ? Est-il anormal de vouloir mettre plus de justice dans un système injuste ?
En effet, il me semble utile de rappeler que, d’après le rapport de mai 2011 du Conseil des prélèvements obligatoires (CPO), 10 % des foyers les plus aisés bénéficient de 46 % de l’avantage fiscal, tandis que les 50 % les plus pauvres n’en bénéficient qu’à hauteur de 10 % !. François Hollande, candidat de gauche qui fait de la justice fiscale un élément central de son programme, propose donc très logiquement de le « moduler ».
Redonner plus à ceux qui en ont le plus besoin, non seulement ne me paraît pas scandaleux mais me semble le principe même d’une politique de gauche.
Le Chef de l’État annonce que cette mesure « aurait des conséquences absolument dramatiques pour la politique familiale de la nation ». Si le quotient familial créé à la fin de la guerre avait, en effet, l’objectif de favoriser la démographie, peut-on sérieusement penser que cela est aujourd’hui encore le cas ? La priorité de la politique familiale réside aujourd’hui davantage dans l’égalité entre les enfants, entre les parents, entre les hommes et les femmes, dans la conciliation des vies familiale et professionnelle, dans la qualité de l’éducation et en particulier des services d’accueil de la petite enfance (essentiels si l’on veut s’attaquer à la source des futures inégalités scolaires et sociales)…
Immunité présidentielle
10/11/11
La chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris s’est opposée, lundi, à la poursuite de l’instruction dans l’affaire des sondages de l’Elysée. Cet arrêt du 7 novembre interrompt ainsi la procédure initiée par une plainte pour « délit de favoritisme » de l’association Anticor, après un rapport de la Cour des comptes pointant les dépenses excessives d’une convention de sondages d’opinion passée sans mise en concurrence entre l’Elysée et la société Publifact.
Les magistrats ont jugé en effet que l’instruction « conduirait à exercer une action ou à réaliser des actes d’information pouvant mettre en cause la responsabilité du chef de l’Etat ». Citant l’article 67 de la Constitution sur l’immunité présidentielle, elle souligne que le président ne pourrait pas « mener sa mission avec la sérénité nécessaire (…) si ses collaborateurs proches pouvaient être l’objet d’investigations sur des actes liés directement à (ses) actions ».
L’immunité pénale accordée au Président de la République est dès lors étendue à ses collaborateurs, qui étaient en l’espèce les signataires du marché en litige.
Cette décision, passée presque inaperçue, puisque il semble que seul Rue 89 ait relayé l’information dans la presse écrite, n’est pourtant pas anodine. On peut s’inquiéter en effet tout à la fois pour l’égalité devant la loi, pour les garanties de l’état de droit comme pour l’indépendance de la justice vis-à-vis de l’exécutif.
Triste record !
29/08/11
Si pour la grande majorité d’entre nous, un record est avant tout un exploit sportif ; pour Claude Guéant, le record à battre concerne le nombre d’étrangers en situation irrégulière qui seront reconduits à la frontière en 2011.
Ce lundi 8 aout, il a en effet affirmé très clairement que si son objectif de 30 000 reconduites d’étrangers en situation irrégulière était atteint en 2011, il s’agirait du « meilleur résultat historiquement enregistré ». Brice Hortefeux, son prédécesseur, s’était fixé 28 000 reconduites à la frontière. Claude Guéant affirme fièrement avoir souhaité réévalué cet objectif à 30 000 !
Je dois avouer qu’il m’a fallu relire à plusieurs fois cet article du Monde avant de croire que de tels propos puissent être tenus sans le moindre état d’âme.
Comment peut-on employer l’adjectif « meilleur » pour évoquer un nombre croissant d’étrangers reconduits à la frontière, dans des conditions bien souvent à la limite du respect des droits de l’homme ?
On connaît en effet le mauvais traitement hélas trop souvent infligé aux migrants dans nos centres de rétention liés essentiellement à une surpopulation et à un cruel manque de moyens. (L’exemple le moins reluisant est sans nul doute le centre de rétention de Mayotte, malheureusement célèbre en vertu des mauvais traitements qui y étaient pratiqués, qui ont été révélés en décembre 2008 par une vidéo envoyée à Amnesty International)