Économie
Taux d’imposition à 75 % des très hauts revenus : « Un besoin de décence partagée »
1/03/12
La proposition de créer un taux d’imposition à 75 %, annoncée par François Hollande pour les très hauts revenus, a provoqué l’ironie et les sarcasmes de la droite.
François Baroin, ministre de l’Économie et des Finances, raille cette proposition en trouvant « qu’elle n’a pas beaucoup de sens, qu’elle représente quelque chose de marginal symbolique et qu’elle est économiquement inefficace en terme de recettes pour le trésor public ».
Justement, je pense qu‘au-delà de sa valeur redistributive, même limitée, c’est la valeur symbolique et politique de cette mesure qui est importante et qui concerne tout le monde. Elle exprime un besoin de décence partagée, le sentiment d’appartenir à un monde commun, sans lesquels il ne peut y avoir de société.
N’est-ce pas ce lien social, le sentiment de faire société, qui est en crise et qu’il faut reconstruire aujourd’hui ?
Cette proposition est aussi un geste politique simple et fort. Il marque la nécessité de mettre un frein à l’idéologie de la démesure, du “toujours plus” et de l’argent comme valeur absolue. Ne peut-on pas être un chef d’entreprise compétent, un artiste ou un sportif brillant en gagnant moins d’un million d’euros par an ?
Par cette proposition, François Hollande illustre ce qui distingue sur le terrain des valeurs, la gauche de la droite actuelle.
Barbara Romagnan
Conseillère générale du Doubs
Candidate PS aux élections législatives
1ère circonscription du Doubs
« Délocaliser n’est pas une fatalité », par Marie Coris (Le Monde)
29/02/12
Je vous propose la lecture de ce « Point de vue » de Marie Coris, chercheuse sur les délocalisations, publié sur Le Monde.fr le 27 février.
Après la « prime à la relocalisation », en 2009, une nouvelle mesure a été annoncée, dimanche 29 janvier, par le chef de l’Etat pour lutter contre les délocalisations : baisser le coût du travail. L’idée est simple : diminution des charges sociales patronales et compensation par une hausse de la TVA (baisse des recettes oblige). Face à l’inefficacité de la mesure prise en 2009 (voir le point de vue d’El Mouhoub Mouhoud, Le Monde du 9 mars 2010), que peut-on attendre de cette proposition ? Au regard des connaissances disponibles sur la question, rien. Et ce d’autant plus que la mesure se fonde sur une idée reçue, celle de la responsabilité seule du coût du travail.
Acceptons temporairement l’hypothèse selon laquelle le coût du travail serait bien responsable des délocalisations et de la désindustrialisation. Dans ce cas, ce n’est certainement pas la mesure annoncée qui modifiera la tendance. La baisse supposée du coût de production en France (induite par la baisse du coût du travail) ne peut absolument pas être suffisante pour compenser les différentiels de coûts du travail, y compris si elle est accompagnée d’une hausse de la TVA sur les produits importés. A moins d’un très sérieux alignement par le bas, d’une précarisation de l’emploi poussée à l’extrême, voire d’un recours aux formes illégales du travail, il n’y a aucun moyen de lutter contre les délocalisations motivées par les différentiels de coût du travail. Ceux-ci sont beaucoup trop importants. La tendance naturelle, c’est l’alignement vers le haut. Progrès social oblige, les salaires augmentent dans les pays dits « low cost », comme en Chine où on a assisté à un triplement du salaire moyen entre 1990 et 2005, selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).
La mesure ne peut qu’être inefficace, mais là n’est pas la question. Inéluctables, les délocalisations ? Pas toujours, car la relation entre désindustrialisation, délocalisation et coût du travail est beaucoup plus complexe qu’il n’y paraît.
Désindustrialisation et délocalisation ne sont pas synonymes
Les termes de désindustrialisation et de délocalisation ne vont pas de pair. Aucune relation causale n’est clairement établie entre ces deux réalités. Sacrifions au rite actuel pour s’en convaincre : la comparaison avec l’Allemagne. Les délocalisations vers les pays de l’Est sont une donnée structurelle de l’économie allemande. L’Allemagne est l’un des pays qui délocalise le plus, sans pour autant être victime de désindustrialisation. Tout ici est question de politique et de spécialisations industrielles. La faute n’incombe pas aux délocalisations. Allons encore plus loin.
Nationaliser les banques
29/08/11
Je vous recommande la lecture de cette interview de Marc Fiorentino, spécialiste des marchés financiers, parut le 18 août dans Le Nouvel Observateur. En ce qui me concerne, une lecture inhabituelle, qui rappelle l’intérêt de lire au-delà de ses chapelles respectives, y compris quand on ne partage pas forcément ce qui est défendu.
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« Il faudrait nationaliser les banques pendant 3 ou 4 ans »
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Pour le spécialiste des marchés financiers Marc Fiorentino, seule une restructuration générale des dettes souveraines permettrait de sortir de la crise.
Le Nouvel Obs : Marchés boursiers en montagne russe, extrême nervosité des investisseurs… Est-ce qu’on va vers le krach ?
Marc Fiorentino : La situation n’a rien d’étonnant. Ce qui est plus surprenant - et même alarmant - c’est que les responsables politiques américains et européens ne comprennent rien au message des marchés. Et s’ils continuent de se contenter de rafistolages, la baisse va s’accélérer, et on finira dans le mur !
Contrairement à ce qui se dit partout, la dégringolade boursière du mois d’août n’est pas provoquée par « les spéculateurs ». Les hedges funds sont très peu présents sur le marché. La baisse des actions et la hausse des CDS souverains (ndr, ces contrats d’assurance contre les défauts sur les dettes publiques) sont le fait des acteurs normaux des marchés.
Ce sont les établissements qui gèrent l’épargne de « Monsieur tout le monde » - les compagnies d’assurance, les gestionnaires de Sicav et les fonds de pension - qui essaient de se protéger des risques. Dans une période de doute sur la croissance à venir et la capacité des Etats à rembourser leurs dettes, ils ne font que leur métier en allant vers la qualité et les valeurs refuge.
Déficit, Constitution et démocratie
29/08/11
Le gouvernement souhaite inscrire la lutte contre le déficit budgétaire dans la Constitution. Le projet est de créer une loi cadre de programmation des finances publiques d’au moins trois ans. Ensuite, une loi organique définira le contenu de la loi cadre.
Ce projet de loi de révision de la Constitution vise à instaurer « une règle d’or » de maîtrise des déficits publics comme l’a annoncé Nicolas Sarkozy.
Si, le but est, comme l’annonce François Baroin, de « fixer un objectif clair d’équilibre budgétaire à atteindre », on peut s’interroger sur le sens de son inscription dans la Constitution. Pourquoi inscrire dans la Constitution le principe de la maîtrise des déficits ? Gérer les finances publiques avec soin et rigueur relève du bon sens et de l’éthique. Faut-il y substituer une obligation constitutionnelle ?
- On peut tout d’abord trouver cette proposition pour le moins hypocrite. Elle émane en effet, d’un gouvernement qui a augmenté le déficit budgétaire de 40 à 140 milliards et qui a doublé la dette de la France ! Ce projet n’est il pas d’abord une opération de communication pour dédouaner le gouvernement de cette réalité ?
Pouvoir d’achat…
25/04/11
Nicolas Sarkozy a choisi de retourner dans les Ardennes (où il avait lancé son « travailler plus, pour gagner plus ») pour faire de nouvelles promesses, alors que les précédentes n’ont pas été tenues.
La promesse du partage de la valeur ajoutée en trois tiers, faite depuis deux ans, n’a jamais vu le jour. Comment peut-on apporter le moindre crédit à quelqu’un qui fait à nouveau, aujourd’hui, une annonce qui participerait de la même logique ?
Il a déjà annoncé deux premiers renoncements : la prime ne sera pas de 1000 euros et la quasi-totalité des salariés en seraient de fait exclus.
Cette opération de communication sera surtout un écran de fumée pour masquer une mesure – bien réelle, elle –, en faveur des plus riches, la quasi-suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), puisque le taux maximum va passer de 1,8 % à 0,5 % et que la moitié de ceux assujettis aujourd’hui vont être exonérés.
Pour tous les autres, il n’y a qu’une accumulation de baisses de revenus et de hausses des dépenses : le Gouvernement refuse un coup de pouce au SMIC – c’est le cas depuis son arrivée au pouvoir – refuse d’augmenter les fonctionnaires ; approuve les hausses des tarifs de l’énergie.
Une autre politique est possible pour améliorer le pouvoir d’achat des Français : mieux distribuer les bénéfices, en incitant les entreprises à valoriser le travail et l’investissement en augmentant l’Impôt sur les Sociétés pour celles qui versent des dividendes et en le baissant pour les autres ; en engageant le rattrapage du pouvoir d’achat du SMIC ; en mettant un terme à l’envolée des loyers par un blocage des loyers dans les zones en tension et en construisant massivement de nouveaux logements ; en mettant en place une tarification progressive pour l’énergie et l’eau pour aider les Français à faire face à la hausse des prix.
Simuler la révolution fiscale !
2/02/11
Depuis quelques semaines, l’UMP réfléchit à la réforme fiscale annoncée pour juin par le chef de l’Etat. Il s’agit d’un véritable casse-tête pour la majorité qui doit supprimer son injuste bouclier fiscal sans renier ses engagements de 2007, mettre de côté l’ISF, le tout en ménageant l’opinion et en garantissant des recettes fiscales constantes… Autant dire que l’architecture du projet n’a pas encore vu le jour !
Dans le même temps, trois économistes français (Camille Landais, Thomas Piketty et Emmanuel Saez) nous proposent une véritable « révolution fiscale ». Sous la forme d’un livre et d’un site internet totalement inédit, ils résument plus de dix ans de leur travail en matière de fiscalité et de répartition des revenus.
L’injustice fiscale
Leur analyse part d’un constat : plus les Français sont riches, moins ils payent d’impôts. C’est cette injustice fiscale que les auteurs dénoncent en premier lieu. En effet, si les plus modestes ont un taux d’imposition de l’ordre de 45 %, les 1 % les plus riches sont taxés à moins de 35 %. L’injustice est due à un impôt sur le revenu devenu une passoire et des riches qui le contournent de façon de plus en plus systématique grâce aux niches et divers systèmes fiscaux. L’étude prouve que les bas salaires sont des contribuables lourdement taxés et qu’à l’opposé, les patrimoines ne se sont jamais si bien portés depuis un siècle. De plus, quand 50 % des français possèdent peu ou rien, 10 % des plus riches détiennent 62 % des richesses. Enfin, on peut noter que le « système fiscal français n’a jamais été juste, [mais] la majorité élue en 2007 l’a aggravé en rajoutant des couches de privilèges pour les plus riches », selon Thomas Piketty.
Salaire maximum : décence minimum
23/01/11
L’hebdomadaire Marianne a lancé une pétition en faveur d’un salaire maximum, soutenue par de très nombreuses personnalités. Je vous invite à soutenir cette initiative en signant l’appel sur le site MesOpinions.com.
La démesure est à l’origine de la plupart des maux de notre époque : à l’origine de la crise écologique, à l’origine du creusement des inégalités sociales qui atteignent des sommets insupportables et quasi obscènes.
« 3 personnes au monde peuvent avoir les revenus des 48 pays les plus pauvres, la fortune de 225 personnes équivaut à la somme des revenus individuels dérisoires de 2,5 milliards d’êtres humains »*
Dans notre pays, les exemples de patrons qui, après avoir mis leur entreprise en difficulté, partent avec des retraites chapeau ou des stock-options représentant 1 000 fois le salaire d’un de ses employés, ne sont pas rares.
Cette démesure est au coeur de la crise financière qui a bouleversé le monde il y a deux ans. Sur les 3 200 milliards de dollars qui s’échangeaient chaque jour sur les marchés financiers, avant la faillite de la banque Lehman Brothers, seuls 2,7 % correspondaient à des biens et à des services réels, le reste étant de l’économie spéculative tournant sur elle-même…
Cette fascination de l’argent comme celle du pouvoir constitue une véritable maladie, une drogue au cœur de notre société. Elle cache un mal-être, un mal-vivre profond, une absence de sens. Mais par sa fuite hors de la réalité, la démesure financière constitue un danger réel immédiat pour l’avenir de notre société, de la démocratie, de la sécurité du monde et des entreprises elles-mêmes, de notre société.
9 mai : Fête de l’Europe ? En tout cas pas celle des Grecs !
9/05/10
Je dois avouer que je suis un peu perplexe sur le vote positif du groupe socialiste, vert et républicain en faveur de ce que l’on appelle le "plan de sauvetage de la Grèce".
Que se passe-t-il ? Le 19 mai, la Grèce sera au pied du mur. Il lui faudra rembourser 9 milliards d’euros, faute de quoi, elle sera déclarée en faillite. Il lui faut donc emprunter, mais à qui, comment et à quel taux ?
La question est qui doit payer la note ? On a prêté aux banques en creusant les déficits publics, après on demande aux salariés de rembourser le déficit de l’Etat, le tout sous la pression des agences de notation qui menacent de retirer aux pays leur A+ s’il n’y a pas de politique d’austérité.
On impose à la Grèce d’emprunter aux banques à 8 % alors que ces mêmes banques empruntent à la BCE à 1 %. La France emprunte à 3 % et prête à la Grèce à 5 %.
Ainsi, les banques, les Etats vont faire du bénéfice, sur le dos de la Grèce, en l’occurrence, du peuple grec.
Cette politique d’austérité est injuste car elle signifie qu’on fait payer les salariés (austérité salariale), les citoyens grecs bénéficiaires des services publics (limitation des dépenses publiques) qui, rappelons le, ne sont pas les responsables de cette crise.
Cette politique d’austérité n’est pas forcément pertinente économiquement. En effet, si le plan d’austérité conduit à casser la croissance, ce qui est probable, le Grèce aura encore plus de difficultés à rétablir ses comptes publics. Et il y a un fossé considérable entre les contraintes fixées au peuple grec et l’absence de contrôle et de sanctions à l’égard de ceux qui auraient spéculé contre le pays.
Le 9 mai est le jour de la Fête de l’Europe. Pourtant, on a du mal à s’en rendre compte. Ceux qui se présentent comme solidaires donnent plus l’impression de faire des affaires sur le dos des Grecs.
Cette banque qu’on appelle Banque Centrale Européenne ne peut pas prêter l’argent nécessaire à un pays membre. Il ne faut pas s’étonner du désamour des citoyens pour cette si belle idée et il est plus que temps de lui donner les moyens d'être au service des peuples et non pas prioritairement des banques et des marchés.
Chômage et heures sup’
7/09/08
Je vous conseille vivement la lecture de cet article de Guillaume Duval, rédacteur en chef d’Alternatives économiques. Cet article est tiré de son ouvrage Sommes-nous des paresseux ? Et trente autres questions sur la France et les Français » aux éditions du Seuil,
Le 21 août dernier, Christine Lagarde, Ministre de l’Economie, se félicitait du succès de la loi TEPA (Travail, emploi, pouvoir d’achat), et tout particulièrement de son volet « heures supplémentaires ». Une semaine plus tard, l’ANPE confirmait la remontée du chômage au mois de juillet. Quantitativement le succès des heures supplémentaires détaxées est indéniable mais, dans le contexte économique actuel, il traduit une politique digne des Shadoks ou du père Ubu. Face au risque de récession, le Gouvernement devrait au contraire revenir d’urgence sur une mesure qui aggrave la situation de l’emploi.