Dans un moment de l’histoire de notre pays où la croissance reste en panne, où l’investissement privé et public manque cruellement, où les inégalités entament un peu plus la cohésion nationale, l’adoption des lois de finances n’est pas un simple acte de gestion.

Rarement une majorité n’a été autant attendue sur sa capacité à gouverner, c’est-à-dire à faire des choix qui soient à la fois efficaces et justes.

Sans qu’il s’agisse de « laisser filer les déficits », nous souhaitons, dans l’exercice de notre pouvoir législatif, améliorer en profondeur le projet du gouvernement.

Les débats budgétaires débutent cette semaine au Parlement dans un contexte où la plupart des indicateurs demeurent dans le rouge. Les déficits chroniques contraignent le gouvernement à repousser à 2017 l’atteinte de l’objectif des 3%. La menace déflationniste plane toujours sur l’Europe.

En juin dernier, lors des discussions sur les lois de finance rectificatives, nous avions exposé les raisons qui expliquaient selon nous les difficultés de la situation économique, dont la dégradation s’est logiquement poursuivie depuis : politiques européennes inadaptées ; mais aussi, au plan national, choix macro-économiques trop centrés sur l’offre au détriment de la demande, et coûteuse politique d’aides aux entreprises, non ciblées et non conditionnées, sans garantie d’efficacité, financées par des efforts demandés aux ménages et aux collectivités locales.

Les mêmes causes produisant les mêmes effets, poursuivre dans cette voie conduira à une impasse : le maintien de la trajectoire d’économies envisagée jusqu’en 2017, nécessite en réalité, au vu de la faible inflation et de moindres recettes, de trouver des mesures d’économies nouvelles, notamment au détriment de la branche famille de la Sécurité sociale. Elle continue inexorablement à asphyxier toute possibilité de reprise. Les efforts demandés aux collectivités territoriales à travers la baisse de leurs dotations entrainent une chute des investissements, avec de graves répercussions sur des secteurs d’activités comme le BTP, et de lourdes conséquences sociales. Le coût exorbitant de la politique d’aides aux entreprises, dont on se refuse toujours à garantir les contreparties pour l’entreprise dans son ensemble, et non ses seuls dirigeants et actionnaires, sera en partie supporté par les ménages.

Ces choix alimentent chaque jour un peu plus le sentiment d’injustice légitimement ressenti par nos concitoyens, quand étaient rendus public à la fin de l’été les chiffres de la forte augmentation des dividendes distribués par les entreprises en pleine période de crise…

L'hémicycle de l'Assemblée nationaleLa baisse de l’impôt sur le revenu, à travers la suppression de sa première tranche, est une mesure qui va agir en faveur du pouvoir d’achat de plusieurs millions de ménages. Ill faut souligner le fait que le Premier Ministre ait entendu cette nécessité.

Mais supprimer une tranche d’un des seuls impôts progressifs existant dans notre pays, sans envisager sérieusement une réforme plus globale, permettant d’améliorer la justice de notre système fiscal dans son ensemble, relève d’une improvisation qui accroit l’illisibilité et la défiance. Cette décision s’éloigne de la nécessaire réforme structurelle sur laquelle nous nous étions engagés lors de la campagne présidentielle, et qu’il faudrait pourtant impérativement remettre au goût du jour.

De plus, cette suppression de la première tranche creuse le fossé entre ceux qui paient l’impôt et ceux qui le paient pas, à rebours de la constitution d’un juste impôt citoyen, ciment de cohésion sociale, facteur de redistribution efficace et de renforcement des services publics.

Les débats sur la politique familiale, sur la manière la moins douloureuse et la moins injuste de faire des économies, se mènent dans l’urgence et sans vision globale, sans qu’à aucun moment ne soit posée la question des objectifs de notre politique familiale, de ses effets de long terme, des principes partagés sur lesquels elle doit se bâtir. L’obsession de la recherche de la solution la moins pire, si louable soit-elle, masque la question centrale : pourquoi ces 700 millions d’euros d’économies que l’on s’apprête à demander en 2015 aux familles de notre pays seraient-ils inévitables ? Nous continuons de prôner d’autres choix, qui permettraient d’éviter de faire supporter de nouveaux efforts aux françaises et aux français.

Dès lors, dans la continuité de la démarche qui nous anime depuis le printemps dernier, les amendements soutenus par le collectif « Vive la Gauche » à l’occasion de ces débats budgétaires visent un seul objectif : agir rapidement et efficacement pour améliorer la situation économique et sociale, et donc la vie concrète de nos concitoyens. Emploi, compétitivité, justice sociale : il est possible, même dans un contexte européen contraint, de faire mieux et davantage. En outre, plus que des improvisations au fil de l’eau dont l’efficacité et la justice sont contestables, des réformes structurelles, pensées sur le moyen terme, doivent être mises en œuvre, en matière de politiques économiques, budgétaires et fiscales.

C’est dans cette perspective que nous porterons les propositions suivantes :

  • Réorienter les aides aux entreprises pour cibler celles qui en ont le plus besoin : ciblage de l’utilisation du CICE vers les dépenses d’investissement, de recherche et de formation remboursement du CICE en cas de mauvaise utilisation; modulation de l’impôt sur les sociétés en fonction de l’utilisation des bénéfices…

Avec les marges de manœuvre ainsi dégagées :

  • Faire davantage pour le pouvoir d’achat des classes populaires et moyennes : préservation de l’intégralité de la prime de naissance au 2ème enfant à travers l’annulation des 700 millions d’euros supplémentaires demandés à la branche famille; mise en place de la réforme fiscale à travers l’instauration de la progressivité de la CSG, ouvrant la voie à une fusion ultérieure avec l’impôt sur le revenu, vers la création d’un impôt citoyen pleinement juste.
  • Agir directement pour l’emploi : création de 150 000 emplois d’avenir supplémentaires, ouverts aux chômeurs longue durée, et de 150 000 contrats d’apprentissage, à travers un crédit d’impôt dédié.
  • Préserver la pleine capacité d’investissement des collectivités territoriales.

Au-delà de ces propositions portées par le collectif Vive la Gauche, des échanges avec les parlementaires écologistes et communistes témoignent d’analyses convergentes, en particulier sur les dangers des baisses d’investissement des collectivités territoriales ; la nécessité de revoir la logique des politiques d’aides aux entreprises, spécifiquement en ciblant et conditionnant l’utilisation du CICE ; l’urgence d’agir plus directement sur l’emploi, à travers notamment le soutien à l’apprentissage. Ces questions essentielles feront l’objet d’amendements importants, portés par le collectif Vive La Gauche, ou par les Écologistes ou le groupe GDR, et qui seront mutuellement soutenus.