LibérationJe vous propose la lecture de cette intéressante tribune de Séverin Naudet, ancien conseiller de François Fillon, parue dans Libération ce vendredi 21 septembre au sujet du mariage pour tous et des déclarations du cardinal Barbarin.

« Philippe Barbarin et André Vingt-Trois sont partis en croisade. Sabre au clair, ils ne laisseront pas faire ces barbares qui veulent changer le droit, l’adapter à la réalité de notre société. Ces barbares, ce sont les élus du peuple, mais cela a peu d’importance aux yeux de ceux qui, cet été, ont appelé la Vierge au chevet d’une France moralement malade.

Il ne s’agit en aucun cas de manquer de respect aux hommes et aux femmes qui réclament le mariage pour les couples du même sexe, rassure le cardinal Barbarin, mais la doctrine de la foi est très claire, le mariage est fait pour procréer, et protéger la famille ainsi fondée. C’est son objet : il est intangible et sacré.

Joseph Ratzinger ne voulait sans doute pas non plus manquer de respect à ces hommes et à ces femmes lorsqu’il expliquait en 1986 que «l’inclination particulière de la personne homosexuelle constitue une tendance, plus ou moins forte, vers un comportement intrinsèquement mauvais du point de vue moral».

Les évêques de France, de même, ne publiaient pas par seul souci pédagogique dans le Catéchisme pour adultes, en 1991, que «l’homosexualité est une déviation objectivement grave» et «qu’une société qui prétend reconnaître l’homosexualité comme une chose normale est elle-même malade de ses confusions».

Il n’est, dans cet esprit, pas très surprenant que l’archevêque de Lyon confonde aujourd’hui inceste, polygamie et homosexualité.

L’Eglise de France s’est lancée corps et âme dans un combat d’arrière-garde dont elle a le secret, elle qui a été si souvent le dernier rempart de l’ordre moral le plus rétrograde. Depuis le tribunal de l’Inquisition qui condamna Galilée à la prison pour idées contraires aux écritures saintes en 1633 jusqu’à Jean Paul II qui, lors d’une allocution sur les origines de la vie, le 22 octobre 1996 à l’Académie pontificale des sciences, considérait ex cathedra «les théories de l’évolution incompatibles avec la vérité de l’homme».

Les mots de Philippe Barbarin sont blessants pour beaucoup d’hommes et de femmes. Plus grave, ils sont dangereux parce qu’ils constituent potentiellement une incitation à la haine. Il est donc du devoir de nos responsables politiques, de droite comme de gauche, de les condamner clairement. A ce stade, le silence est presque assourdissant.

Il est aussi de leur devoir de condamner les attaques répétées de ce prince de l’Eglise contre la république. Le primat des Gaules n’a de cesse de remettre en question la légitimité du Parlement en lui opposant «l’inerrance biblique» : «La première page de la Bible» contre «les décisions circonstancielles ou passagères d’un Parlement». Sans doute fait-il référence à l’abolition des privilèges ou de la peine de mort… Peut-être n’est-il pas toujours bon que le Parlement décide de tout, particulièrement s’agissant de nos vies privées ; il semble en revanche plus sage que l’Eglise soit tenue à bonne distance de la République lorsque cette dernière s’apprête à légiférer sur ces mêmes sujets. »