Répartition des migrants de Calais sur tout le territoire : un plan réaliste et à notre portée
Pour la première fois, l’Assemblée générale de l’ONU a dédié sa première journée aux migrants et aux réfugiés. Malgré ce pas symbolique, les Etats membres n’ont pas réussi à prendre de décisions qui permettraient d’améliorer le sort de 65 millions de déplacés, parmi lesquels on compte 21 millions de réfugiés. Alors que le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, avait suggéré que les pays accueillent chaque année 10 % du total des réfugiés, les pays membres des Nations unies se sont contentés de déclarations politiques sans objectifs chiffrés et concrets sur la répartition des réfugiés.
La gravité de la situation aurait pourtant nécessité une évolution de la Convention de Genève de 1951, car sa définition du statut de réfugié ne correspond plus aux origines des mouvements de population, qui sont aujourd’hui de plus en plus liés aux problèmes climatiques.
Au niveau européen, le sommet de Bratislava a également échoué à élaborer une politique migratoire européenne cohérente et responsable. La question migratoire n’y a été abordée que sous l’angle du renforcement des frontières et de la lutte contre l’immigration clandestine sans reprendre les objectifs du plan élaboré il y a un an à Bruxelles, qui prévoyait de répartir en Europe les migrants arrivés au cours de l’année 2015 en Grèce et en Italie.
A cet égard, rappelons que sur les 160 000 personnes qui devaient être relocalisées sur l’ensemble du territoire européen, seules 4 473 l’ont été au 1er septembre 2016. La France, en réalisant 8 % de ses engagements, se classe en l’occurrence en tête des pays européens.
Pourtant, les réponses permettant de gérer les « crises » existent. Ainsi, le rapport annuel de l’OCDE suggère de recourir aux filières de substitution légales telles que la délivrance de visas humanitaires, que les grandes organisations humanitaires appellent aussi de leurs vœux. Ces visas humanitaires, délivrés sur place dans les pays d’origine, permettraient aux réfugiés d’arriver par avions, en sécurité. Car c’est bien l’absence de couloir humanitaire qui permet aux passeurs de prospérer.
Dans ce contexte d’incapacité des pays européens à élaborer une réponse commune en matière d’asile, la France s’engage néanmoins à organiser enfin de meilleures conditions d’accueil pour les réfugiés en créant, d’ici la fin de l’année, 9 000 places dans les centres d’accueil et d’orientation (CAO) afin de démanteler progressivement le campement de la Lande à Calais. On a entendu beaucoup de surenchères et de contrevérités sur le sujet dans cette période pré-électorale ; si le débat est normal, rappelons que la France est loin d’être submergée comme d’aucun voudrait le faire croire au mépris de toute objectivité.
UNE HAUSSE IMPORTANTE DU NOMBRE DE MIGRANTS DANS LA « JUNGLE » DE CALAIS
Le campement de la Lande abrite selon les comptages entre 7 000 et 10 000 personnes. Une telle situation témoigne de l’urgence à organiser des conditions d’accueil dignes pour les migrants, conditions essentielles au maintien de l’ordre public. La crise migratoire ne faiblit pas, et si une large part des réfugiés est d’abord accueillie par les pays du Moyen-Orient, l’Europe reste également destinataire de flux migratoires. C’est pour répondre à ces flux que le Gouvernement a décidé de mobiliser, sur l’ensemble du territoire français et d’ici la fin de l’année 2016, 9 000 places dans les Centres d’accueil et d’orientation (CAO).
LES CENTRES D’ACCUEIL ET D’ORIENTATION : UN OUTIL PERTINENT POUR L’ACCUEIL
Les CAO ont été conçus en octobre 2015 pour répondre à la situation spécifique de Calais et ont vocation à être des lieux de « répit » permettant aux migrants accueillis de réfléchir à leur projet migratoire, et de déposer une demande d’asile, s’ils le souhaitent. On dénombre actuellement 161 CAO répartis dans 76 départements pour un accueil total de près de 3 500 personnes. Organisés par une charte qui précise les modalités de leur fonctionnement, les CAO ne sont pas encadrés par la législation et sont exclusivement financés par l’État, même si leur gestion a en partie été confiée à des acteurs associatifs de l’asile.
La spécificité du séjour dans un CAO est d’être temporaire : de trois mois pour les migrants déposant une demande d’asile, et d’un mois seulement pour ceux qui ne le font pas. A l’issue du séjour, les préfets ont en charge de s’assurer qu’une solution alternative de logement a été trouvée pour les personnes.
Les CAO ont pour objet d’organiser une meilleure répartition des migrants. Or, l’annonce de la création de 9000 places réparties sur tout le territoire a conduit certains à dénoncer le risque d’un développement de jungles locales. Pourtant, au moment de la création de ces CAO il y a maintenant un an, personne n’a vu surgir 161 mini-camps ou « mini-Calais », comme on peut l’entendre aujourd’hui. En réalité, le plan du Gouvernement vise à amplifier un dispositif déjà existant.
Selon le ministre de l’Intérieur, plus de 80 % des migrants ayant rejoint des CAO ont déposé très rapidement une demande d’asile. Ce dispositif demande néanmoins à être consolidé car environ 20 % des personnes hébergées dans ces CAO quittent ces centres, soit pour retourner à Calais, soit vers une destination inconnue des gestionnaires. La raison principale de ces départs tiendrait à la mauvaise information des migrants lors de leur arrivée, justifiant donc de revoir l’accueil et l’information dispensés au sein des CAO afin que ces derniers puissent pleinement jouer leur rôle.
La réponse du Gouvernement consiste à répartir les occupants de ce camp entre les différentes régions, à l’exception de l’Ile-de-France et de la Corse, selon un critère démographique pondéré par les efforts déjà réalisés par certaines régions. Cette réponse équitable repose sur le principe de solidarité nationale, l’accueil des migrants ne pouvant être l’affaire d’une seule portion de territoire. Critiquer cette méthode, comme l’on fait certains responsables de l’opposition en la qualifiant de « folie » revient à nier la réalité des chiffres migratoires auxquels nous faisons face.
LA FRANCE FAIT FACE A DES FLUX MODESTES
Prenons l’exemple de la région Auvergne-Rhône-Alpes, qui avec 7,8 millions d’habitants concentre 12 % de la population française et dont Laurent Wauquiez est le président. Selon le plan du Gouvernement, 1 784 places d’accueil y seront créées d’ici la fin de l’année. La population de cette région est supérieure à celle de pays comme la Bulgarie, le Danemark ou la Finlande de sorte que parler de « défi » pour l’accueil de 1 784 migrants est donc, a minima, sans pertinence.
Pour comparaison, le Liban accueille près de 1,1 million de réfugiés venant de Syrie, ce qui représente environ une personne sur cinq dans le pays. En Turquie, pays de 80 millions d’habitants, on compte 2,5 millions de réfugiés. Ce sont donc, de très loin, les pays limitrophes qui sont les plus concernés par la crise migratoire, et qui disposent par ailleurs généralement de moins de moyens que les pays européens.
Par ailleurs, l’expérience de plusieurs communes rappelle qu’il est possible d’ouvrir un centre de transit sans heurt ni polémique. Le cas de Grande-Synthe, située à proximité du tunnel sous la Manche, est à cet égard éclairant : malgré un taux de chômage de 28 % et 33 % d’habitants sous le seuil de pauvreté, le maire, Damien Carême, a décidé d’accueillir les migrants dans un camp construit et financé conjointement par la ville et Médecins Sans Frontières (MSF). D’autres élus, comme la maire de Paris ou encore celui de Villeurbanne, engagent également leur responsabilité pour répondre à cette crise humanitaire.
Si l’on peut regretter que les mesures du Gouvernement interviennent si tardivement, il n’en reste pas moins que 9000 places d’accueil demeurent un objectif modeste et tout à fait réalisable pour un pays de 65 millions d’habitants. Le manque d’anticipation de ces mesures ne doit pas donner l’impression que la France est submergée par l’arrivée de migrants.