« J’accepte les points de vue divergents, que l’on respecte les miens »
La députée du Doubs, Barbara Romagnan, explique ses choix et ses prises de positions, souvent à la marge du Parti socialiste. Opération recadrage, notamment avec le maire de Besançon qui l’avait ouvertement critiquée.
LPB : Début janvier, avec des politiques de gauche, des intellectuels, des personnes de la société civile, vous avez publié une tribune pour demander la tenue d’une primaire à gauche en vue des élections présidentielles. Encore une fois, vous vous démarquez. Pourquoi ?
BR : Les primaires sont inscrites dans les statuts du Parti socialiste. Nous avons changé ces statuts avant la désignation de François Hollande donc je ne comprends pas pourquoi on changerait à nouveau les règles maintenant. C’est étrange. On vit une crise démocratique grave où la moitié des gens ne vont plus voter. La majorité – relative – aux dernières élections vote FN et parmi ceux qui votent FN, les jeunes sont nombreux. Depuis 2012, nous avons perdu toutes les élections : les européennes, les municipales, les départementales, les régionales (au niveau national) et les sénatoriales.
LPB : François Hollande ne serait donc pas le meilleur candidat selon vous ?
BR : On ne peut pas dire que le bilan fait que le président sortant est celui qui doit être reconduit. A chaque fois, on (les politiques) dit que l’on a entendu le message mais on ne change jamais rien. On peine à trouver des réponses au chômage. La question climatique n’est pas résolue. La COP21 fut un succès diplomatique mais des territoires continuent à disparaître. Il y a aussi la question des réfugiés. L’idée de la primaire est de mettre en débat les propositions. Seulement après, on trouvera un candidat pour incarner les idées.
LPB : Est-ce imaginable de voir un président débattre lors de primaires à la télévision alors qu’il dirige le pays ? Est-ce son rôle ?
BR : Je comprends mais c’est secondaire. La question que je me pose, c’est : va-t-on avoir un candidat capable de l’emporter ?
LPB : Plus localement, que répondez-vous à Jean-Louis Fousseret, qui dans la Presse bisontine, déclarait au sujet de l’état d’urgence que votre position était « inacceptable » ?
BR : C’est normal que le débat soit passionné. Dans un État démocratique, ce n’est pas inadmissible et inacceptable qu’il puisse y avoir des points de vue différents. D’ailleurs, il y a eu de nombreuses manifestations de citoyens, magistrats, associations, et même des spécialistes du renseignement qui ont dit qu’ils étaient opposés à la prolongation de cet état d’urgence.
LPB : Vous insinuez que vous étiez dans le vrai, les autres non ?
BR : Non, pas du tout. Il y a un point où Jean-Louis Fousseret se trompe lourdement, et c’est embêtant car c’est un responsable politique majeur, c’est celui d’affirmer que sans l’état d’urgence, l’assaut de Saint-Denis n’aurait pu avoir lieu. C’est faux. C’est l’enquête pénale qui a permis l’infiltration, les écoutes… Cela n’a rien à voir avec l’état d’urgence.
LPB : Avez-vous toujours un dialogue avec le maire de Besançon ?
BR : Je pense… (silence). Je ne l’ai pas croisé depuis. Cela ne me dérange pas que l’on puisse avoir des points de vue divergents. J’accepte ceux des autres. Que l’on respecte les miens !
LPB : Barbara Romagnan la frondeuse ne se fait pas que des amis…
BR : Je n’avais pas que des amis auparavant.
LPB : Cela touche-t-il l’affect ?
BR : Je suis militante. Je n’ai pas de quoi me plaindre à la place à laquelle je suis. Si l’on est trop fragile, mieux vaut faire autre chose.
LPB : Le front républicain a été mal perçu lors des dernières élections régionales, notamment dans la région Nord. La question aurait pu se poser en Bourgogne Franche-Comté. Votre avis sur le sujet ?
BR : Je pense que cela a été fait de façon maladroite mais je trouverais choquant que le Parti socialiste n’ait rien à dire. Je partage le point de vue qui consiste à barrer la route au Front national mais je pense qu’il n’est pas utile d’insulter les personnes locales. Ce qui me choque davantage, ce sont ceux qui cumulent les mandats et ne se renouvellent pas.
LPB : Chaque semaine, vous publiez une tribune dans le journal L’Humanité. Pourquoi ne pas prendre votre carte au Parti communiste français ?
BR : Sûrement pas. Je suis davantage « écolo », libertaire. J’ai un rapport politique assez scolaire : mes positions sont celles débattues avec le PS depuis longtemps. Et je m’entends très bien avec les écologistes.
LPB : Et donc avec Éric Alauzet (député EÉLV) ?
BR : Politiquement, pas toujours.
LPB : Il a affiché son ambition pour Besançon. En avez-vous une ?
BR : Franchement, il y aura bien d’autres élections avant. Cela agace les gens que l’on parle d’élections. Ce n’est pas d’actualité.
LPB : L’actualité est la déchéance de nationalité. Votre position ?
BR : C’est inutile et cela n’adresse pas de messages aux terroristes mais plutôt un message négatif au peuple. Tout ce qui est divers est un peu moins français. Les binationaux sont une richesse. Je ne serai pas la seule au PS à le dire et je voterai contre. Il y a un an, nous nous sommes opposés à ce texte proposé par la droite.
LPB : L’emploi sera le sujet du mois de mars à l’Assemblée. La loi Macron est-elle le remède au chômage ?
BR : En ouvrant des magasins le dimanche, je ne vois pas comment on va créer de l’emploi. Si des salariés veulent travailler le dimanche, c’est parce qu’ils ne gagnent pas assez leur vie. Je ne crois pas qu’en libéralisant le travail et en ouvrant le travail le dimanche, on créera des emplois. On n’a aucune démonstration : on va seulement dégrader les conditions de vie des gens car le dimanche demeure un jour où l’on se retrouve. Bien sûr, il faut qu’il y ait des gens qui travaillent. Il y a des salariés qui acceptent mais c’est pour mieux gagner leur vie. Le président a dit que les accords se signeraient au niveau de l’entreprise pour ce travail dominical. Au premier abord, ça a l’air bien mais même avec des patrons les mieux intentionnés, le rapport est déséquilibré entre patron et salarié.
LPB : Vous parliez du chômage. Il y a peu de résultats. C’est un échec du gouvernement ?
BR : Le chômage ne fait qu’augmenter. Le président de la République a annoncé davantage pour la formation des jeunes. C’est toujours bien que les gens soient formés mais il n’y a pas qu’un problème de formation car des gens très formés ne trouvent pas d’emploi ou pas à leur niveau de qualification.
LPB : François Hollande répète que le code du travail est trop rigide. Est-ce votre avis ?
BR : Il répète ce que dit Pierre Gattaz, le patron du MEDEF. Selon moi, le code du travail est là pour protéger les salariés contre les arguments de la productivité.
LPB : Les élus en revanche gagnent bien leur vie. Que penser des élus de la nouvelle région Bourgogne Franche-Comté qui ont voté le maximum des indemnités pour les élus ?
BR : Les 5 200 euros que je touche tous les mois, c’est un bon niveau de vie. Si on s’y consacre à plein-temps, ce n’est pas coquant mais s’il y a cumul des mandats, c’est compliqué de bien faire. C’est même un déni de démocratie.
LPB : Marie-Guite Dufay n’est donc pas trop payée.
BR : Elle n’est pas cumularde et fut très bien classée dans les engagements pris et ceux réalisés.
Propos recueillis par Édouard Choulet