Se confronter à la réalité
La nécessité de « se confronter à la réalité » a été rappelée par le premier ministre, à l’occasion du départ de Christiane Taubira. Comment ne pas souscrire à cette exigence quand on veut transformer la société ? Sans doute faisait-il référence ici à la terrible réalité des attentats, ceux qui ont eu lieu en France et dans le reste du monde, et malheureusement ceux qui risquent encore de se produire. On peut tous être conscients de cela, sans pour autant approuver les mêmes réponses. Cette antienne est régulièrement reprise à propos des questions économiques et d’emploi.
En la matière, la dure réalité, c’est que le chômage ne cesse d’augmenter. Les baisses massives de cotisations sociales n’ont pas eu d’effet tangible sur les créations d’emplois, en même temps que le coût pour les finances publiques ne cesse de s’accroître (plus de 20 milliards en 2015). Le pragmatisme économique pourrait conduire au constat que la stratégie défendue depuis 2013 ne porte pas ses fruits et qu’il faudrait envisager d’en changer. D’une part, en faisant en sorte que l’État ait un droit de regard sur la façon dont ces baisses de cotisations sont utilisées. D’autre part, en affectant une partie des moyens au soutien à la demande, parce que nombre de nos concitoyens ont des besoins essentiels non satisfaits, également parce que les entreprises ont besoin de commandes, que les gens consomment, qu’ils en aient les moyens. Se confronter au réel, être pragmatique, c’est également intégrer une donnée majeure dans nos réflexions et actions : les ressources naturelles dans lesquelles nous avons pioché sans retenue sont limitées et nous ne pouvons tout attendre de la croissance pour résoudre nos problèmes en matière de chômage.
En effet, du fait de l’augmentation de la productivité, il peut y avoir de la croissance sans que le chômage diminue. Surtout, la croissance peut ne pas revenir.
Rappelons que, même dans les vingt années qui ont précédé la crise de 2008, la croissance moyenne de la France, comme celle de la zone euro, n’a pas dépassé 1,6 %, soit ce qui permet juste le remplacement des emplois détruits. Mais ce n’est pas forcément une mauvaise nouvelle, car la croissance telle qu’elle est créée aujourd’hui génère des dégâts environnementaux qui mettent la Terre, et donc notre vie sur Terre, en danger.
C’est également l’occasion d’engager l’indispensable reconversion écologique de notre société qui permettra de créer de nombreux emplois, de changer les conditions du travail, et de le partager de façon plus juste.
Barbara ROMAGNAN
Chronique publiée dans L’Humanité le 1er février 2016
Je souscrit inconditionnellement à votre analyse. Il est vrai que depuis au moins 10 ans, on pratique en France la même politique économique dite de rigueur avec les résultats que l’on sait. Les entreprises reçoivent cadeaux après cadeaux et ne rendent rien à la société.
J’ai passé 20 ans en entreprise et je travaille en ce moment pour la sécurité sociale d’Afrique du Sud. Je suis diplômé en gestion et donc ai quelques notions en économie. Ma position avec un pied en Afrique, un en France et un dans le monde anglo-saxon me permet te d’avoir un vision différente du monde.
Lon d’être un théoricien je suis avant tout pragmatique et pratique. Cette esprit latéral me permet déjà de commencer à articuler des propositions concrètes qui pourrait, si vous êtes intéressé, de contribuer à une nouvelle plate-forme économique.
Je pense comme Obama que les classes moyennes *maîtrise et cadre bas et moyens) sont le moteur de l’économie. Je pense aussi que la participation est une proposition qui doit être révisité. Nous devons sortir de la logique du profit trimestriel.
Dans l’emploi il y a aussi deux sortes d’emplois. Ceux qui peuvent être menacé par une concurrence étrangère (construction automobile) et les emplois incontournable ( serveur de mac donald). Nous devons impérativement porter attention à ce fait lors du développement d’une politique plus musclée envers les entreprises.
Les banlieues sont les terreaux sur lequel le terrorisme made in France c’est développé. Et pourtant à part des promesses électorales rien à été fait.
Enfin il est absurde de penser que tous pourront être formés pour répondre à des pseudos besoin d’entreprises à forte valeur ajoutée. Il y a des foules de gens qui ne veulent pas où ne peuvent pas faire autre chose que des emplois répétitifs et il n’y a rien de mal à cela.
A tout ces gens il nous faut rendre espoir et dignité. Même si un emploi de pompiste devait être subventionner, il vaut mieux du point de vue sociétal, que cette personne travail et se sente utile plus tôt que rester déprimé à boire dans son hlm.
J’espère que ses quelques lignes saisies sur mon téléphone à la jeté vous donnerons quelque inspiration.
Je vais à présent développer un texte plus détaillé et j’espère que vous l’apprécierez.
Il est temps que le changement prenne forme et par la je ne veux pas dire un montage de mot creux qui ne serviront que quelques semaines avant une élection mais la création d’une nouvelle pensée économique base d’un nouveau modèle sociale où le progrès est partagé et non monopolisé.
Madame Romagnan,
J’ai lu (et même épluché !) votre article.
« Se confronter à la réalité » pourrait résumer la question qui devrait tous nous occuper.
De quelle réalité parlons-nous ?
Quelle réalité nous demande-t-on de vivre et de croire ?
Qui est en droit de se poser comme le détenteur d’une réalité prédominante et prioritaire, et de l’imposer à tous ?
Et surtout, quelle réalité voudrions-nous ?
Se « confronter » à la réalité, ça ne peut pas être seulement voir comment subir ou aménager une réalité qui ne nous appartient pas, une réalité insaisissable, devenue étrangère, ou dont nous sommes écartés : ça doit être vouloir changer, créer, construire la réalité, pour que nous puissions en faire partie pleinement, car nous sommes la réalité. Personne ne peut nous priver de la réalité, ou nous en imposer une version confuse ou indigeste ou irrecevable et invivable.
Aussi, se confronter à la réalité, ce doit être tout d’abord reprendre la réalité des mains de ceux qui nous en détournent, ce doit être redécrire et remettre en place la vraie réalité (!), à l’usage direct de nos besoins les plus simples et les plus profonds.
Et si décidément la réalité qui s’impose à nous ne marche pas, il faut la reconnaître pour ce qu’elle est, et en changer le fonctionnement.
Il n’y a pas de mal à ça, il n’y a pas de quoi s’effrayer à vouloir remettre profondément en cause et vraiment bouger la réalité ambiante : si l’homme a eu assez de puissance et de folie pour transformer le monde et l’amener au point extravagant où nous nous trouvons, il a montré qu’il avait bien assez de dispositions pour transformer les choses de façon phénoménale dans toute direction qu’il voudrait bien prendre.
Or il est bien question de donner un immense coup de rein maintenant, au moment où toutes les alertes, qui dépassent largement le cadre peu glorieux de la prochaine élection présidentielle française, nous indiquent comme jamais qu’un effondrement global des équilibres est en route, que tant de vieux démons réapparaissent comme s’il ne s’était jamais rien passé, que les sociétés, l’espoir de civilisation globale et la santé physique de la planète sont possiblement au bord du gouffre.
C’est pour ces raisons, que je ne juge pas catastrophistes, ni « irréelles » justement, que je crois qu’il est temps de se poser des questions qui vont bien plus loin que celles de savoir comment trouver des remèdes de circonstance à de graves maladies qu’on diagnostique et qu’on nomme mal, attitude impuissante qui prévaut maintenant depuis de longues décennies, qui n’a obtenu à ce jour aucun résultat à la mesure de l’énormité des problèmes récessifs posés.
Concernant la réalité donc, dans le paragraphe central de votre article, vous dites : » la dure réalité, c’est que le chômage ne cesse d’augmenter… ».
Puis vous détaillez un certain nombre de constats, d’inefficacité ou de contradictions entre des bilans et des politiques, entre la marche de l’économie et les interventions de l’État, pour dire après : « … (l’État devrait) affecter une partie des moyens au soutien à la demande, parce que nombre de nos concitoyens ont des besoins essentiels non satisfaits, également parce que les entreprises ont besoin de commandes, que les gens consomment, qu’ils en aient les moyens. »
Puis : « … nous ne pouvons tout attendre de la croissance pour résoudre nos problèmes en matière de chômage. En effet, du fait de l’augmentation de la productivité, il peut y avoir de la croissance sans que le chômage diminue. Surtout, la croissance peut ne pas revenir.
Puis : « Rappelons que (depuis presque 30 ans) la croissance moyenne de la France n’a pas dépassé 1,6 %, soit ce qui permet juste le remplacement des emplois détruits. Mais ce n’est pas forcément une mauvaise nouvelle, car la croissance telle qu’elle est créée aujourd’hui génère des dégâts environnementaux qui mettent la Terre, et donc notre vie sur Terre, en danger.
Donc, si j’ai bien compris, en vous résumant honnêtement : « l’État devrait aider (donc avec l’argent qu’il prélève sur les gens par les impôts) à la demande, pour que les citoyens aient les moyens de consommer (pour leurs besoins essentiels non satisfaits) et que les entreprises aient des commandes, pour augmenter la productivité » et solidifier la croissance économique.
« Mais nous ne pouvons tout attendre de la croissance pour résoudre nos problèmes en matière de chômage, elle ne diminue pas forcément le chômage et surtout elle peut ne pas revenir, ce qui par ailleurs est une bonne nouvelle car elle génère des dégâts environnementaux qui mettent la Terre, et donc notre vie sur Terre, en danger. »
Donc quoi ? De la croissance ou pas de la croissance ? Même si de toute façon ça ne résoud pas le problème du chômage, même si elle stagne bien qu’aidée par les deniers public de l’État, et qu’elle fiche en l’air la planète, on se pose la question ou pas ? La faut-il ou ne la faut-il pas ?
C’est quoi l’Économie ? C’est quoi la croissance ? C’est pour qui ?
Il me semble qu’entre la dure réalité du chômage que vous évoquez et la réalité que vous essayer de dépétrer ensuite, il y a un grand hiatus dont on ne se sortira pas comme ça.
La réalité, ou la concordance des réalités se trouve sûrement ailleurs.
Il me semble bien plutôt que l’économie et le couple infernal travail/chômage sont intimement liés, qu’ils s’alimentent l’un l’autre, qu’ils marchent ensemble, qu’ils sont faits l’un pour l’autre, et que tant que tout le monde, comme le fait volontiers la gauche, continuera d’utiliser la sempiternelle locution « économique et social », dans cet ordre, nous n’arriverons à rien. C’est écrit et décidé depuis maintenant des lustres.
Essayons une bonne fois pour toute de remettre ça dans le bon ordre : « social et économique ».
Quel monde voulons-nous, réfléchissons tous à ça, et voyons ensuite comment organiser une « économie » (si on gardait ce vieux mot ravageur) qui le construise et l’épaule.
Ces propos tentent seulement d’apporter (dans leur limite) à la réflexion générale, ils ne sont bien sûr en aucun cas tournés contre vous, alors que, comme je l’ai dit dans mon autre réponse concernant la réunion que vous avez eue à Besançon, j’apprécie le langage nuancé et sincère vos interventions.