Je relaie ici une tribune que j’ai signée, militant pour une loi d’abolition de la prostitution, aux côtés de nombreuses collègues et de nombreux collègues parlementaires et d’associations.
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© AFP
La complaisance a assez duré. C’est le sentiment de l’urgence qui nous pousse aujourd’hui, quelle que soit la diversité de nos horizons, à nous mobiliser ensemble autour d’un vrai mouvement citoyen.
Contre tous les poncifs qui nous sont trop souvent servis dans les médias – mal nécessaire, projet liberticide – nous affirmons la nécessité et la cohérence de notre engagement pour l’abolition du système prostitueur. Pourquoi s’être mobilisé-es contre les violences et les discriminations, pour l’égalité entre les femmes et les hommes, pour le droit de chacun-e à disposer de son corps, si c’est pour laisser prospérer un système porteur d’une double-violence, sociale et sexuelle ?
Bastion d’une inoxydable tradition patriarcale de mise à disposition du corps, et donc de la personne des femmes, au profit de prétendus besoins sexuels masculins, ce système consacre le droit du client prostitueur à imposer un acte sexuel par l’argent. En exploitant la précarité et les vulnérabilités des personnes en situation de prostitution, ce système archaïque met à mal tous les efforts visant à vivre une véritable égalité où le désir est réciproque et le plaisir partagé. Il nie le seul véritable droit : celui à une sexualité libérée de toutes les injonctions, qu’elles soient morales, psychologiques ou financières.
LES VIOLENCES FAITES AUX FEMMES
Comme le viol, le viol conjugal ou le harcèlement sexuel, le système prostitueur ne relève pas de la sexualité mais des violences sexuelles. Comment penser qu’un système qui repose sur la négation systématique du désir de l’autre et le rapport de force financier relève de la sexualité dans ce qu’elle a de libre et d’épanouissant ? Les associations de soutien aux personnes prostituées et de lutte contre les violences faites aux femmes le constatent chaque jour : la répétition d’actes sexuels non désirés, même lorsqu’ils sont consentis, est en soi une violence sexuelle aux conséquences physiques et psychologiques équivalentes aux autres formes de violence sexuelle.
Non, l’abolition du système prostitueur n’est pas une utopie, si ce n’est au sens que Victor Hugo donnait à ce mot, une « réalité de demain ». Loin de constituer une volonté d’éradication, elle engage enfin une politique résolue qui donne un cap à notre société, qui responsabilise pénalement les acteurs de ce système et offre enfin des alternatives aux personnes en situation de prostitution.
L’abolition du système prostitueur ne fera certes pas disparaître la prostitution du jour au lendemain. Mais elle engagera résolument la société tout entière aux côtés des victimes de ce système d’exploitation et contre ceux qui en tirent profit.
Car qui se satisferait du statu quo ? Des personnes prostituées toujours considérées comme des délinquantes, une impunité persistante des clients prostitueurs, des étrangères exposées à la menace de l’expulsion quand il faudrait les protéger des réseaux qui les exploitent…
Le temps est venu de changer radicalement de perspective. Ce que nous exigeons aujourd’hui, c’est la mise en place, pour la première fois dans l’histoire de notre pays, d’une politique réellement abolitionniste permettant de tarir les entrées dans la prostitution et de multiplier les possibilités d’en sortir. Il s’agit d’un devoir éthique.