Le cas de Jérôme Cahuzac a été le déclencheur d’une réflexion sur la transparence et les conflits d’intérêt plus largement. D’autres affaires ont régulièrement ouvert ce débat. Dire que l’affaire Cahuzac est seulement la faute d’un homme ne suffit pas à exonérer le système de ses responsabilités, cela montre au contraire à quel point, en l’état, les réglementations ne permettent pas de prévenir ce genre d’abus. La confiance accordée par le Gouvernement à ses ministres est une chose normale et souhaitable, mais elle ne s’oppose en rien à un renforcement des règles par ailleurs, ainsi que l’a judicieusement amorcé le Gouvernement.
La métaphore de la transparence est utilisée pour rendre compte de l’accessibilité directe par le citoyen à des informations qui lui permettraient de constater l’absence de conflits et l’absence d’irrégularités dans le fonctionnement de l’Etat, sur le plan national comme sur le plan local. La transparence est donc avant tout une forme paroxystique d’accessibilité des informations. Mais elle n’est pas sans poser de questions. Le risque est grand en effet de migrer du tout opaque au tout transparent. J’aimerais rappeler que la mise à disposition de moyens, et parfois de moyens financiers conséquents est une chose normale en démocratie. La République justifie que l’on y consacre des fonds conséquents, sans quoi les élus, les administrations et les différentes instances dépositaires de l’autorité publique seraient empêchés dans la réalisation de leur mission de service public et, de fait, accessibles à la corruption ou à d’autres formes de détournements.
Quels que soient notre indignation et notre désir de probité, une longue période de carence du contrôle ne saurait pour autant justifier le parti pris du tout public, au risque sinon de passer du manque d’information à une profusion inexploitable d’informations sans pertinence. La transparence n’a pas pour vocation de plonger le citoyen dans l’abondance d’information, il faut au contraire que les données rendues publiques aient une cohérence, un sens politique, et soient en lien direct avec l’exercice du pouvoir. A cet égard, je me méfie par principe de la transparence totale qui est un mythe, et même un mythe éventuellement démagogue car il laisse penser qu’en publiant tout, les citoyens seront nécessairement mieux informés.
Au contraire, la transparence, pour être un progrès de démocratie, doit épouser un périmètre pertinent au regard des charges publiques des élus. D’une part, doivent être soumis à un contrôle les informations ayant trait à l’argent public, issu de l’impôt. Si l’existence de moyens financiers laissées à disposition des élus pour permettre de mener à bien leurs charges publiques est normale et souhaitable, leur bon emploi doit être contrôlé, de la manière la plus rigoureuse possible. Dans le cas de l’IRFM (indemnité représentative de frais de mandat) par exemple, il serait normal que soient publiées les affectations des fonds et les principaux postes de dépense. L’IRFM est distinct du salaire et ne relève donc en aucun cas de la sphère privée, les citoyens ont donc un droit à constater son juste emploi.